L'optimisme (très) mesuré de Jacques Attali

Invité d'honneur de l'assemblée générale de la FRTP mercredi 25 novembre au Corum à Montpellier, Jacques Attali a indiqué pourquoi une reprise économique en 2010 reste aléatoire.

La conjoncture mondiale : « Je ne partage pas le discours optimiste dominant selon lequel, statistiques à l'appui, la crise serait finie. Certes, nous sommes partis pour une période de forte croissance mondiale, avec une moyenne de 5% par an. Plusieurs facteurs l'attestent. La démographie est forte, puisque nous passerons de 7 à 9 milliards d'habitants dans les décennies à venir. Le capital est là, puisqu'il y a 15 000 Mds€ disponibles chaque année pour financer l'investissement. L'évolution technologique explose, avec les promesses du RFID, du « cloud computing », des biotechnologies, des nanotechnologies et des neurosciences. L'esprit d'entreprise demeure... Pour autant nous vivons une crise profonde malgré ces signaux positifs. Le système financier va mal. Les banques américaines, notamment les banques commerciales liées au secteur de l'immobilier, sont en grande difficulté car aujourd'hui 10% de la population active ne peut plus faire face à ses échéances. La relance ne pourra donc pas trouver de relais par les banques quand les gouvernements ne pourront plus la financer comme ils l'ont fait jusqu'ici. En Europe, les banques n'ont pas les capitaux de réserve, avec seulement 2% contre les 8% nécessaires pour couvrir leurs risques. En outre, l'endettement des États du monde atteint désormais 80% du PIB mondial. La France en offre un exemple effarant, mais elle n'est pas la seule dans ce cas : les Etats-Unis, le Japon, ou l'Allemagne ne sont pas mieux lotis. Enfin, le G20 n'a rien fait face à cette situation : il n'a pris de décisions que contre les paradis fiscaux et les bonus des traders, qui n'ont qu'un rapport lointain avec la crise. »
La conjoncture en Languedoc-Roussillon : « Votre région est assez énigmatique. Vous bénéficiez d'une forte croissance de population. Vous avez une bonne image pour l'accueil des entreprises. Vous êtes une terre bénie des dieux pour le tourisme et la qualité de vie. Pourtant, plusieurs indices m'incitent au pessimisme. Vous souffrez d'un énorme chômage des jeunes. Le taux de scolarisation est bas par rapport à la moyenne nationale. Vous n'avez pas de ports. Vous êtes toujours à de longues heures de Barcelone... Il y a encore beaucoup de facteurs qui pourraient vous conduire à rester à l'écart de l'évolution mondiale en cours. Mais si le Languedoc-Roussillon se donne une vision à long terme et les moyens d'un projet, il pourra s'en sortir. »
Les conditions d'une reprise : « Il y a un risque d'aggravation quand le système perdra confiance. Il faut donc trouver les moyens de vivre dans ce pessimisme actif. Cela passe par l'envie de survivre collectivement, en tant que collectivité et nation ; un projet à long terme, en ayant la vision de là où l'on veut être dans vingt ans ; une connaissance des menaces actuelles, sans les minimiser ; la capacité de résister aux chocs, en ayant du cash, des assurances, etc. ; la possibilité de faire des crises, comme le pétrole cher, des opportunités pour développer sa capacité à innover ; la faculté d'être en situation de changer, que ce soit par la stratégie pour une entreprise, ou la formation pour un individu ; le maintien d'une connexion au reste du monde, pour être en situation de le comprendre. »
Les conditions d'une reprise déclinées dans une région : « Il vous faut tout miser sur l'économie du savoir, mais pas en se reposant sur quatre laboratoires de recherche. Il faut commencer par l'éveil dès la maternelle, en allant jusqu'à l'intégration des entreprises à l'université. Il faut de grands centres de recherche, de grands programmes dans tous les domaines où vous êtes bons, et pas seulement le bio ou les énergies renouvelables. Ne pas parier sur un seul secteur, mais beaucoup à la fois. Il faut cultiver la mobilité sous toutes ses formes, que ce soit la mobilité géographique, sociale ou personnelle. L'État doit en fournir les moyens sociaux, notamment par la formation. Il faut aussi une gouvernance efficace, en supprimant le gaspillage des finances publiques, en étant transparent sur la redistribution du fruit de l'impôt, et en ayant un projet réellement appliqué par la collectivité. Il faut enfin se donner les moyens de financer en fonds propres les PME. Il n'y a aucune raison pour que les futurs Apple ou Google naissent en Californie. Il faut créer une envie de faire permanente. »

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