Comment des molécules de la vigne peuvent contribuer à limiter la dégradation d’aliments post-récoltes

Deux chercheurs montpelliérains, Christian Jay-Allemand (Université de Montpellier) et Luc Bidel (INRAE), ont mis au point, en collaboration avec l’entreprise bretonne Antofénol, des antifongiques naturels issus de sarments de vigne broyés enrichis en molécules d’intérêt afin de limiter la dégradation des aliments post-récoltes. En octobre dernier, ils remportaient le grand prix Carnot de la Recherche partenariale.
Cécile Chaigneau
Le projet de recherche ESBAC visait à mettre au point, avec l’entreprise bretonne Antofenol, des antifongiques naturels issus de sarments de vigne broyés afin de limiter la dégradation des aliments post-récoltes.
Le projet de recherche ESBAC visait à mettre au point, avec l’entreprise bretonne Antofenol, des antifongiques naturels issus de sarments de vigne broyés afin de limiter la dégradation des aliments post-récoltes. (Crédits : DR)

Le prix Carnot de la Recherche partenariale leur a (discrètement) été attribué les 12 et 13 octobre dernier (accompagné d'une dotation de 10.000 euros remis par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche) à deux chercheurs montpelliérains.

Christian Jay-Allemand (enseignant à l'Université de Montpellier) et Luc Bidel (scientifique à l'INRAE), tous les deux chercheurs au laboratoire Iate (Ingénierie des agropolymères et des technologies émergentes) ont ainsi vu leurs travaux récompensés dans le cadre d'un projet baptisé ESBAC, pour "éco-extraction sélective de biomolécules actives".

Ce projet de recherche fondamentale avait vocation à mettre au point, en partenariat avec la société bretonne Antofénol, des antifongiques naturels pour l'agroalimentaire dans le but de limiter la dégradation des aliments post-récoltes causée par des champignons pathogènes, en alternative aux fongicides issus de la pétrochimie.

Du biocontrôle pour remplacer les pesticides

Les plantes développent des molécules leur permettant de résister efficacement à certaines attaques. L'entreprise Antofénol développe des solutions de biocontrôle 100% naturelles destinées aux agriculteurs : basées sur l'éco-extraction végétale à partir des bois de taille de vignes, elles valorisent les biomolécules pour les transformer en extraits naturels riches en polyphénols (molécules antifongiques), à même de remplacer les pesticides. Son siège social est basé à Plestan (Finistère), où elle a installé une usine employant une vingtaine de personnes, et elle compte une équipe de recherche à Montpellier depuis 2016. Antofénol a développé une machine d'éco-extraction en étroite collaboration avec l'Institut d'électronique et des systèmes (IES) de Montpellier.

Le couplage entre Antofénol et l'Université de Montpellier est né en 2012, sur l'impulsion de Fanny Rolet, ancienne étudiante diplômée de l'université montpelliéraine et dirigeante d'Antofénol. La société, devenue partenaire de l'Université de Montpellier en 2018 grâce à la création du projet ESBAC, a pu permettre l'obtention d'un budget global de plus de 370.000 euros, « 30% par la Région Occitanie, 50% par le fonds Feder et 20% par Antofénol »,  précise Christian Jay-Allemand à La Tribune.

Une usine près d'Avignon

« Le projet ESBAC est une brique à la fois amont et aval, précise Fanny Rolet. L'antoférine, l'extrait de base des bois de vigne non enrichi, fonctionne bien en tant qu'antifongique mais nous voulons qu'il fonctionne encore mieux en l'enrichissant, ce qui était l'objet de ce projet de recherche fondamentale. »

Les travaux menés par Christian Jay-Allemand et Luc Bidel avaient donc pour ambition de réussir à enrichir en molécules d'intérêt cet extrait végétal complexe obtenu par éco-extraction de sarments de vigne broyés.

« Le projet ESBAC est terminé et aujourd'hui, nous sommes capables de produire nos propres empreintes moléculaires, ajoute Christian Jay-Allemand. Le projet ESBAC a ciblé un certain nombre de molécules aux propriétés antifongiques, mais maintenant il faut optimiser le procédé de fabrication pour mieux maîtriser ces activités antifongiques. »

Si Antofénol peut aujourd'hui commercialiser l'extrait végétal en l'état, l'entreprise a encore devant elle un long chemin pour amener le produit enrichi sur le marché.

« Aujourd'hui, nous sommes capables de créer seulement quelques grammes d'extrait enrichi, ajoute Fanny Rolet. Nous avançons donc sur deux fronts en même temps. Sur le projet d'industrialisation, et nous projetons d'installer une usine en 2024 près d'Avignon, où nous serons proches d'une source en bois de vigne, afin d'y produire de l'antoférine à l'échelle industrielle. Et sur l'homologation de l'extrait enrichi, qui est en cours, pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché. Il faudra donc compter encore quelques années pour que l'extrait enrichi arrive sur le marché. »

En attendant, Antofénol étudie de nouvelles plantes pour évaluer leur potentiel en propriétés antifongiques.

Spin-off

Les empreintes moléculaires développées par ESBAC et destinées à fixer des molécules pour ensuite les concentrer ou au contraire les éliminer sont, selon Christian Jay-Allemand, « un outil très prometteur qui peut trouver plein d'applications pour enrichir ou détoxifier un milieu ».

A terme, la création d'une startup pourrait ainsi permettre de valoriser les résultats du projet ESBAC.

« J'envisage en effet la création d'une spin-off d'Antofénol car certaines molécules peuvent être utilisées dans d'autres secteurs, par exemple sur les marchés pharmaceutiques », indique Fanny Rolet.

Cécile Chaigneau

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