L’algorithme et les antioxydants : l’innovation de Kondree pour lutter contre certaines pathologies

La medtech montpelliéraine Kondree est le fruit des recherches du Professeur en physiologie Dalila Laoudj-Chenivesse, au CNRS-INSERM : le stress oxydant, non géré par le corps humain en raison de défenses antioxydantes insuffisantes, joue un rôle prépondérant dans la dystrophie facio-scapulo-humérale, une myopathie très invalidante. La chercheuse a mis au point un algorithme permettant de doser de manière personnalisée des supplémentations d’antioxydants afin de ralentir les effets de la maladie. Un dispositif médical qui pourrait trouver d’autres applications, notamment dans des pathologies en lien avec la vieillesse.
Cécile Chaigneau
Kondree développe un outil logiciel permettant d'adapter un dosage d'antioxydants pour lutter contre certaines maladies, à commencer par la dystrophie facio-scapulo-humérale, forme de myopathie très invalidante.
Kondree développe un outil logiciel permettant d'adapter un dosage d'antioxydants pour lutter contre certaines maladies, à commencer par la dystrophie facio-scapulo-humérale, forme de myopathie très invalidante. (Crédits : DR)

La SATT AxLR vient de conclure un transfert de technologie et une prise de participation dans la startup kondree dont l'innovation, dans le domaine de la santé, est issue du CHU de Montpellier, en association avec l'université de Montpellier, le CNRS et l'INSERM.

Tout a démarré avec les travaux du Professeur en physiologie Dalila Laoudj-Chenivesse pour les patients atteints de dystrophie facio-scapulo-humérale (FSH), travaux qui ont bénéficié d'un programme de maturation auprès de la SATT.

« La FSH est une forme de myopathie extrêmement invalidante et non prévisible, explique le Pr Dalila Laoudj-Chenivesse, qui dirige le groupe de recherche sur la dystrophie facio-scapulo-humérale depuis 2000 à l'UMR Phymedexp. On comptabilise 3.000 à 5.000 cas en France, 52.000 en Europe, 870.000 dans le monde, et ce chiffre est probablement sous-estimé en France car il n'y a pas de symptômes. »

Cette maladie neurodégénérative, qui fait fondre les muscles et conduit les patients à se retrouver en fauteuil roulant, n'a pour l'heure pas de remède. Les recherches de Dalila Laoudj-Chenivesse ont interrogé l'implication du stress oxydant dans la maladie, les patients atteints de FSH présentant une réponse altérée face à un stress oxydant.

« J'ai posé l'hypothèse selon laquelle que le stress oxydant pourrait faire partie des causes, décrypte la chercheuse. Des défenses antioxydantes insuffisantes et un stress oxydant créent des dommages sur les organes, sur le muscle dans le cas de la maladie FSH. Le problème, c'est que lorsque le stress oxydant commence, il s'emballe, tape partout et on ne sait plus comment le gérer. Ce qui est surprenant dans cette maladie, c'est que le stress oxydant est relativement homogène d'une personne à l'autre, ce qui a facilité l'identification de marqueurs sanguins pour corriger ces défauts. Mais ce ré-haussement doit être propre à chaque individu. »

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Un arbre décisionnel de dosage

Dalila Laoudj-Chenivesse a alors mis au point un algorithme permettant de définir une supplémentation personnalisée en antioxydants (vitamine C, vitamine E, zinc, sélénium, cuivre, etc.) pour les patients FSH afin de ralentir la progression de la maladie, de maintenir le potentiel des malades et d'améliorer leur qualité de vie. D'où la création de la medtech Kondree, dont le nom est une évocation du terme « mitochondrie » (organites essentiels au fonctionnement des cellules).

« L'étude pour l'adaptation de ces posologies a démarré en 2016 et en 2017, la SATT AxLR s'y est intéressé pour transformer l'algorithme en un logiciel qui établit un arbre décisionnel de dosage en antioxydants en fonction du bilan biologique de chaque patient, et Kondree a été créée en 2021 (incubée au BIC de Montpellier - ndlr) », précise Claire Lefranc, la CEO de Kondree.

Claire Lefranc, c'est l'entrepreneuse de l'étape. Elle a déjà créé plusieurs entreprises et a croisé le Pr Dalila Laoudj-Chenivesse par l'entremise de la SATT AxLR. La jeune femme a rapidement décelé le potentiel de ses travaux et imaginé un modèle économique.

« Le logiciel développé par Kondree et destiné aux praticiens pour adapter l'administration d'antioxydants à chaque patient, a été testé au le CHU Montpellier, souligne Dalila Laoudj-Chenivesse. Il n'est pas encore tout à fait prêt, il faudra notamment obtenir les normes CE... L'objectif, c'est de permettre au moins de ne pas aggraver l'état des patients, voire de récupérer si le problème est pris à temps. Mon rêve, c'est même que l'on puisse s'y prendre suffisamment tôt de manière à limiter la casse sur pas mal de maladies neurodégénératives,  la maladie d'Alzheimer ou le cancer. Selon moi, dès l'âge de 40 ans, il faudrait faire de la prévention avec des réajustements personnalisés en antioxydants. Mais en France, la culture du stress oxydant est relativement faible... »

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Maladies cardiovasculaires ou Alzheimer

Car le dispositif mis au point pour la dystrophie facio-scapulo-humérale pourra également être évalué et utilisé dans d'autres contextes pathologiques. Notamment pour lutter contre la vieillesse et les fragilités qu'elle engendre.

« On sait que le stress oxydant est déclencheur de maladies cardiovasculaires ou d'Alzheimer par exemple, annonce déjà Claire Lefranc. Nous allons développer un socle de gestion pour accueillir le parcours de soin du stress oxydant et on implémentera l'arbre décisionnel lié à d'autres pathologies. Nous démarrons déjà, en parallèle, les études sur l'aire thérapeutique de la fragilité-vieillissement. »

Après le vieillissement, le Pr Dalila Laoudj-Chenivesse imagine en effet faire de même sur diverses maladies chroniques : « Il faudra un essai clinique pour chaque maladie et il faudra trouver les financements... ».

Mais cette question viendra plus tard. Tout comme celle d'ouvrir une ligne de production de molécules antioxydantes (à des dosages qui n'existent pas aujourd'hui) que projette déjà Claire Lefranc : « Cela fera probablement l'objet d'une première levée de fonds à horizon 2025, pour financer également la mise sur le marché du dispositif FSH, le protocole clinique sur la fragilité ».

Cécile Chaigneau

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