Économie post-Covid : le réveil de l’Aude ?

Ils veulent jouer l’union sacrée. La coalition des forces politiques et économiques. Au lendemain d’une année de crise sanitaire qui pourrait annoncer une crise économique et sociale, les acteurs du département de l’Aude veulent impulser une nouvelle dynamique du triangle Aquitaine-Provence-Catalogne au centre duquel ils se trouvent. Leur démarche commune, baptisée Cœur d’Occitanie, les a conduits à des travaux de réflexion, restitués le 12 juillet et faisant émerger les grands axes, 40 propositions concrètes et 10 recommandations. Décryptage.
Cécile Chaigneau
La démarche Coeur d'Occitanie veut développer l'axe qui relie Toulouse à la mer, dans le triangle d'or qui relie l'Aquitaine, la Provence et la Catalogne, des régions prospères et actives.
La démarche Coeur d'Occitanie veut développer l'axe qui relie Toulouse à la mer, dans le "triangle d'or" qui relie l'Aquitaine, la Provence et la Catalogne, des régions prospères et actives. (Crédits : DR)

C'est une démarche qu'ils veulent innovante, différente de celle plus courue dans les collectivités de créer une agence de développement économique comme l'ont récemment fait la Métropole de Montpellier, l'agglomération de Béziers ou Sète Agglopôle... Dans le département de l'Aude, la démarche Cœur d'Occitanie « a donné les clés du camion » aux chefs d'entreprises, comme le raconte Pascal Chavernac, P-dg de l'entreprise Sigma Méditerranée (solutions IP pour les entreprises) et vice-président de Cœur d'Occitanie. Objectif : développer l'axe qui relie Toulouse à la mer, booster l'attractivité du territoire et « faire de l'Aude le cœur attractif du Grand Sud ».

La démarche, lancée en automne 2020 et formalisée en février 2021, a été structurée autour de groupes de travail qui, le 12 juillet, ont fait une restitution de leurs travaux.

De Toulouse à la mer

Tous les acteurs, économiques comme politiques, du territoire audois sont bien conscients de ses fragilités : 25% de population non diplômée, une forme d'enclavement, des inégalités sociales et territoriales, une fiscalité foncière élevée, et un département qui peut sembler isolé et replié sur lui-même. Une situation que la crise sanitaire est venue fragiliser encore plus.

« En tant que président des Codev d'Occitanie (Comités de Développement, NDLR) de Carcassonne agglomération, j'avais interpellé Régis Banquet (président de l'agglomération, NDLR), raconte Pascal Chavernac. Après un an de crise, on est au pied du mur, et qu'est-ce qu'on fait ? Il a proposé de travailler différemment mais pas au travers d'une agence de développement économique par des collectivités. Il a émis l'idée que c'était aux chefs d'entreprises de prendre le sujet à bras le corps, au sein d'une structure où tout le monde est représenté. Avec Nicolas de Lorgeril (entrepreneur en viticulture et président de Cœur d'Occitanie, NDLR), nous sommes parti de la démarche "Toulouse-territoire d'avenir" la démarche innovante initié par la Métropole de Toulouse et le Conseil régional d'Occitanie (en réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire pour diversifier l'économie du territoire, NDLR) avec l'idée de replacer l'Aude sur une trajectoire claire et ambitieuse "de Toulouse à la mer", créer une zone d'influence. Tous les présidents d'EPCI que nous avons rencontrés ont trouvé l'idée très bonne... C'est l'intelligence collective qui doit se mettre au service du territoire qui a vécu sur ses richesses sans chercher à mieux les valoriser. Si nous massifions notre action, on sera représentatif de quelque chose ! »

L'ambition est donc de mieux valoriser la position stratégique que l'Aude occupe au cœur du grand Sud, non seulement sur ce sillon qui relie Toulouse à la mer, mais aussi cœur du "triangle d'or" qui relie l'Aquitaine, la Provence et la Catalogne, des régions prospères et actives.

Des propositions « loin des formules magiques »

Ils ont alors décidé de jouer l'union sacrée, la coalition des forces politiques et économiques. Pascal Chavernac parle « d'engouement » général... L'Association Cœur d'Occitanie réunit les agglomérations et communautés de commune de l'Aude, le Département et la Région Occitanie, les instances représentatives des différents secteurs (CCI, Chambre de métiers et de l'artisanat, chambre d'agriculture, fédérations, etc.) et 140 chefs d'entreprises du territoire. Elle sera pilotée par un collège de 12 chefs d'entreprises.

Présidé par Nicolas de Lorgeril, le bureau de Cœur d'Occitanie réunit quatre autres personnalités à l'implantation locale et nationale : Pascal Chavernac, Laurent Bazin (coach de grands dirigeants européens et conseiller municipal de Sainte-Eulalie), Hadrien Pujol (groupe hôtelier Cité Hôtels) et Jean Caizergues (président de la CCI de l'Aude). 


Et des idées, ils en ont plein. Des travaux effectués en groupe depuis février dernier, ils en ont tiré 40 propositions et 10 recommandations, qu'ils veulent « loin des formules magiques et des vœux pieux ».

Les chefs d'entreprises ont identifié quatre grands axes d'action : renforcer l'attractivité par la digitalisation et l'offre de mobilité, développer une agriculture innovante et écoresponsable, faire émerger un tourisme vert et ouvert vers l'international, et favoriser la naissance de pôles d'intelligence et compétence sous forme de campus d'excellence pour fournir aux entreprises l'innovation et les salariés qu'elles recherchent.



Lobbying, RER, campus d'excellence, foncier,...

Parmi les 40 propositions figure, au premier rang, « renforcer le lobbying sur Orange pour obtenir le déploiement de la fibre partout et obtenir le droit pour les EPCI de déployer la fibre elles-mêmes ».

Mais aussi créer un R.E.R. entre Toulouse à Narbonne afin de relier 7 agglomérations « car il n'y a pas assez de TER et il faut fluidifier les transports en alternative à la voiture pour accompagner les flux de salariés », commente Pascal Chavernac. Mais aussi créer une ligne aérienne Carcassonne-Paris, créer un dispositif d'abondement des investissements en capital des start-ups, créer la capitale mondiale de la Nature et du Vin ou encore créer des campus d'excellence sur l'hydrogène et les énergies vertes, sur le bâtiment "zéro carbone" et intelligent, sur l'agriculture et de l'alimentation de demain ou sur les métiers du tourisme et de la culture.

On lit également dans leur rapport la proposition de connecter les pépinières d'entreprise et ouvrir un lieu de télétravail près de chaque gare pour en faire les têtes de réseau de l'économie, mettre en place un observatoire du foncier et de l'immobilier des entreprises pour guider les porteurs de projet jusqu'au bon emplacement, créer une société foncière pour acquérir et reconvertir des friches et des terrains agricoles, créer un dispositif d'assistance RH pour faciliter la gestion collective des contrats de travail et des programmes de formation continue, développer les solutions locales de mobilisation de l'eau, ou finaliser et promouvoir la marque touristique Cœur d'Occitanie.

Des propositions qui nécessiteront la coopération de ses principales agglomérations ou communautés de communes avec le Département et la Région, et au-delà avec les régions voisines qui ont tout à gagner dans une nouvelle dynamique audoise sur le sillon de Toulouse à la mer.

« Être des facilitateurs, des aiguillonneurs »

Peut-on, dès lors, parler d'un réveil de l'Aude ?

« On peut dire une sorte de réveil, oui, ou plutôt un élan, une prise de conscience, répond Pascal Chavernac. Il y a un alignement des planètes extraordinaire et la mayonnaise a pris ! »

L'alignement des planètes, c'est le plan Etat-Région de transition écologique ou les plans de relance à côté desquels les chefs d'entreprises audois ne veulent pas passer car ils vont offrir d'importants leviers.

« Le préfet de l'Aude a officiellement annoncé que Cœur d'Occitanie était inscrit sur la feuille de route préfectorale qui a été validée par le Premier Ministre comme projet structurant du territoire, se réjouit Pascal Chavernac. La démarche Cœur d'Occitanie, c'est du pain béni pour lui ! Il va nous accompagner, l'État sera un soutien très important dans nos démarches. »

Le temps des pouvoirs publics n'est pas celui de l'entreprise et les parties prenantes de Cœur d'Occitanie assurent que « si la moitié de nos propositions voient le jour de manière efficace dans les deux ans, ce sera déjà énorme »... Et même s'ils s'attendent à « des frottements, des impatiences, peut-même des désaccords », ils retiennent l'essentiel : l'impulsion qui est donnée, pour un temps long, espèrent-il.

« On ne se substitue à personne, on veut être des facilitateurs, des aiguillonneurs, conclut Pascal Chavernac. C'est au monde politique de donner ses priorités mais à nous de susciter et d'être force de proposition. Cœur d'Occitanie, c'est une implication des chefs d'entreprises en tant que citoyens. »

Cécile Chaigneau

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