En Occitanie, 16,8% de la population en dessous du seuil de pauvreté

La pauvreté est plus répandue en Occitanie (16,8% de la population) qu’en France métropolitaine (14,4%), particulièrement dans les départements du littoral et dans les espaces ruraux. Ce qui fait de l’Occitanie la 4e région la plus pauvre. La région se distingue par un niveau élevé de situations familiales défavorables : parent(s) sans emploi, famille monoparentale ou encore logement surpeuplé. Décryptage.
Cécile Chaigneau
L'Occitanie comptait, en 2020, quelque 461.000 ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté.
L'Occitanie comptait, en 2020, quelque 461.000 ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté. (Crédits : DR)

Le 3 octobre, l'INSEE a publié son panorama de la pauvreté en Occitanie, une commande du ministère des Solidarités dans chaque région de France et « une enquête qui est plus approfondie que les études que l'on fait habituellement sur la pauvreté », indique Hervé Le Grand, directeur régional adjoint de l'INSEE Occitanie.

Premier constat : la pauvreté monétaire est plus répandue en Occitanie qu'en France métropolitaine, particulièrement dans les départements du littoral et dans les espaces ruraux. La pauvreté au sens monétaire en 2020, c'est vivre chaque mois avec moins de 1.120 euros pour une personne seule, 
2.350 euros pour un couple avec deux enfants. En Occitanie, 16,8%* des personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté en 2020 (contre 14,4% en France), soit 461.000 ménages. Ce qui place la région au 4e rang derrière la Corse (18,3%), les Hauts-de-France (17,2%) et PACA (17%). La moitié d'entre elles vit avec moins de 10.730 euros par an et le niveau de vie médian par unité de consommation est de 894 euros par mois.

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Avant redistribution, c'est à dire sans prise en compte des prestations sociales perçues (minima sociaux, prestations logement, allocations familiales) et des impôts directs payés, 24,7% des ménages d'Occitanie seraient pauvres. Leur redistribution fait tomber ce taux à 16,8%. Selon Hervé Le Grand, « le nombre de non-recours aux minima sociaux n'est pas une données dont nous disposons à l'échelle régionale mais on sait, par le service statistiques du ministère de la Santé et des Solidarités, qu'environ un tiers des recours au RSA ne sont pas sollicités ».

Privations matérielles ou sociales pour 14% de la population

Si les chiffres les plus récents collectés et compilés par l'INSEE datent de 2020, ils reflètent néanmoins une réalité toujours valable.

« La pauvreté est un indicateur très structurel et donc stable, souligne en effet Hervé Le Grand à La Tribune. Ce qu'on peut imaginer au vu du contexte macroéconomique, c'est que l'évolution de la pauvreté en Occitanie soit proche des estimations plus récentes, 2021-2022, au niveau national où la pauvreté monétaire est stable, notamment grâce aux mesures de soutien du pouvoir d'achat. Quant à la pauvreté en conditions de vie, qui porte sur les privations matérielles ou sociales (par exemple ne pas pouvoir manger de viande, acheter des vêtements neufs, chauffer son logement ou se payer une semaine de vacances, NDLR), la dernières estimations début 2022 indiquaient que 14% de la population subit ces privations, soit le taux le plus élevé depuis que l'on réalise cette enquête). Il y a des chances que cela se dégrade, mais on ne peut pas parler d'explosion de la pauvreté... Selon les tableaux de bord de la précarité que nous réalisons avec nos partenaires, à fin 2022, il n'y avait pas d'évolution majeure mais des questions autour du pouvoir d'achat : de manière logique, l'inflation ressentie est supérieure pour les populations pauvres qui vivent en milieu rural, or l'Occitanie est une région qui compte de nombreuses zones rurales... »

C'est dans l'arrière-pays méditerranéen mais aussi dans certains quartiers des grandes villes que la pauvreté est la plus répandue. Elle est ainsi plus forte (21,4%) dans les communes urbaines
les plus denses, comme Toulouse, Montpellier, Nîmes, Béziers ou Perpignan, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (l'Occitanie en compte 105). Elle tombe à 12,6% dans les zones rurales périurbaines mais reste élevée (17,4%) dans les zones rurales non périurbaines.

Au total, la pauvreté est plus marquée
dans les départements du pourtour méditerranéen, Pyrénées-Orientales (20,7%), Aude (20%), Gard (19,4%) et Hérault (18,7%), soit quatre des sept départements de France métropolitaine où la pauvreté est la plus élevée. Seuls l'Aveyron (14%) et la Haute-Garonne (13,3%) ont un taux de pauvreté inférieur
à celui de France métropolitaine.

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31% de retraités et 11% de jeunes qui travaillent

Le panorama de l'INSEE montre que ce sont les jeunes et les familles monoparentales qui sont le plus touchés par la pauvreté : trois ménages sur dix
chez les moins de 30 ans et trois familles monoparentales sur dix. Ce qui place l'Occitanie au 2e rang français sur ces deux indicateurs.

Pour apprécier la diversité des situations, l'INSEE a établi six profils de ménages pauvres en considérant également leur position sur le marché du travail et le statut d'occupation de leur logement. Le profil le plus représenté est celui des retraités (31%, 141.000 ménages), particulièrement présents dans les territoires ruraux (Gers, Aveyron, Lot et Lozère), et qui se singularise par une part importante des personnes vivant seules, la plupart du temps, des femmes. Selon l'INSEE, « les ménages retraités pauvres sont moins présents dans les territoires denses, en particulier dans les métropoles : 16 % des ménages pauvres de Toulouse Métropole et 19 % de ceux de Montpellier Méditerranée Métropole ». Mais un tiers des ménages pauvres retraités de la région vit dans les départements plus urbanisés de la Haute-Garonne et de l'Hérault.


Il est suivi du profil des « insérés sur le marché du travail » mais dont les charges familiales sont telles (deux tiers ont des enfants) que leur niveau de vie reste inférieur au seuil de pauvreté (15%, 71.000 ménages). Ils vivent plus fréquemment dans les intercommunalités autour des deux métropoles régionales.

Le 3e profil correspond aux ménages pauvres de moins de 30 ans non insérés dans l'emploi (11%, 50.000 ménages), à savoir des étudiants indépendants financièrement mais aux revenus limités, des jeunes en phase d'insertion professionnelle occupant des emplois discontinus ou peu rémunérés, et les jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation et constituent un public cible des politiques publiques.

Des situations familiales fragiles

L'INSEE distingue ensuite trois derniers profils au sein des autres ménages pauvres de plus de 30 ans, non insérés sur le marché du travail, selon le statut d'occupation de leur logement : les propriétaires (11%, 51.000 ménages, relativement plus présents dans les territoires ruraux, en particulier dans l'Ariège et le Lot), les locataires du privé (21%, 95.000 ménages, nombreux sur le littoral méditerranéen, notamment dans les communautés d'agglomération du Pays de l'Or et de Béziers-Méditerranée ou dans la communauté urbaine de Perpignan) et les locataires du parc social (11%, 53.000 ménages, très présents dans les territoires les plus denses qui concentrent les logements sociaux, principalement dans la métropole toulousaine et les communes limitrophes, dans la métropole montpelliéraine, dans les intercommunalités de Nîmes, du Gard, de l'Albigeois, du Tarn et du Grand Montauban).

La pauvreté dite monétaire peut se superposer à d'autres points de fragilités. Ainsi, la région se distingue-t-elle par un niveau élevé de situations familiales défavorables : « La situation familiale (parent(s) sans emploi, vie en famille monoparentale, logement surpeuplé) est le principal facteur accroissant le risque de pauvreté en Occitanie. 45,2 % de la population réside dans une intercommunalité très fragile au regard de ce facteur, EPCI principalement situés dans les départements littoraux ».

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44,8 millions d'euros pour lutter contre la pauvreté

Le même jour que l'INSEE, la préfecture de la région Occitanie communiquait sur la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dans la région en 2022. Cette année-là, 44,8 millions d'euros ont été déployés par l'État (notamment 6 millions d'euros pour les petits déjeuners éducatifs et les cantines à tarification sociale ou 5 millions d'euros pour les contrats d'engagement jeunes).

« Afin d'essaimer les bonnes pratiques entre pairs, plusieurs événements ont été organisés, comme une conférence régionale annuelle des acteurs qui a réuni plus de 400 participants ou encore des journées d'études fédératrices sur des sujets tels que l'illettrisme ou la mobilité solidaire », indique la préfecture.

Plusieurs actions ont été déployées dans les départements occitans sur différents axes, par exemple le programme des « 1000 premiers jours de l'enfant » qui a permis de financer 24 projets occitans d'accompagnement à la parentalité, la renationalisation du RSA, confié par l'État aux CAF et expérimentée dans trois départements hexagonaux dont l'Ariège et les Pyrénées-Orientales, ou encore, sur le volet hébergement, une expérimentation, menée à Toulouse et Montpellier, de lieux de vie innovants pour les personnes les plus éloignées des dispositifs existants.

* L'INSEE précise que cette donnée n'inclut que les ménages fiscaux ordinaires et ne prend pas en compte les résidents en communautés (maisons de retraite, prisons, congrégations religieuses, etc.) ou les sans-abris.

Banque alimentaire de l'Hérault : + 15% de bénéficiaires

Régis Godard, le président de la Banque alimentaire de l'Hérault, distribue des marchandises alimentaires pour fournir 70 centres communaux d'action sociale (CCAS) et 70 associations partenaires (comme la Croix-Rouge, Le refuge, Emmaüs, les Adages, etc.). Comme partout en France, l'inflation vient frapper de plein fouet le budget alimentation des ménages avec pour conséquence un regain du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire : « A fin août, entre 2022 et 2023, nos partenaires ont enregistré une hausse de 15% du nombre de bénéficiaires, indique Régis Godard. Cette semaine, nous servons 9.600 personnes et la semaine prochaine 10.600. C'est 16 à 18% de plus que l'an dernier ».

A l'inverse, l'inflation génère une baisse des volumes de produits alimentaires à distribuer : « Il y a quelques années, la ramasse quotidienne dans les grandes et moyennes surfaces représentait 5 tonnes, et aujourd'hui, on est à 2,3 tonnes. C'est très bien que les magasins gèrent mieux leurs stocks mais ça veut dire que moins de fruits et légumes et de produits frais à distribuer. Lors de la collecte de l'an dernier, nous avons reçu 12% de produits en moins. La dotation européenne que l'on a perçue pour 2023 représente une baisse de 30% en poids en raison de l'inflation. Et les dons du public baissent aussi car tout le monde tire la langue... Nous organisons une collecte grand public du 24 au 26 novembre prochain et nous cherchons des bénévoles pour aller dans plus de magasins et toucher plus de clients ».

Dans ces conditions, devra-t-on refuser l'aide alimentaire à certains bénéficiaires dans l'Hérault ? Régis Godard répond « on est parti pour ne pas refuser de bénéficiaires, on donne ce qu'on a, quitte à donner moins. Il y a sept ou huit ans, on distribuait 2,5 litres de lait par personne et par semaine : aujourd'hui, avec 0,5 litre, on n'arrive pas à fin janvier, on sera obligé d'en distribuer une semaine sur deux... ». L

Cécile Chaigneau

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