Face à la crise, des viticulteurs héraultais se diversifient dans les fruits, les brebis ou… le CBD

Face à la mévente de leurs vins, les viticulteurs s’interrogent sur les possibilités de diversification. De premières expériences sont tentées, souvent à petite échelle pour démarrer, autour de l’arboriculture, de l’élevage ou… du CBD. Témoignages.
Rémi et Naïs Dumas (à g.), Alicia Desfours et Pascal Conge (à d.), deux couples de jeunes viticulteurs héraultais qui se lancent ensemble dans l’élevage de brebis laitières.
Rémi et Naïs Dumas (à g.), Alicia Desfours et Pascal Conge (à d.), deux couples de jeunes viticulteurs héraultais qui se lancent ensemble dans l’élevage de brebis laitières. (Crédits : Michèle Trévoux)

« La diversification est une préoccupation régulière des agriculteurs héraultais, mais ces derniers mois, nous sommes plus souvent sollicités par les viticulteurs pour des renseignements techniques ou des demandes de formation, constate Cyril Sevely, conseiller à la chambre d'agriculture de l'Hérault. Le changement climatique les inquiète, ils redoutent une perte de leurs revenus. La mévente de leurs vins renforce encore ces craintes. »

Viticulteur à Pauhlan, Christophe Sylvestre, a eu ce souci de la diversification dès son installation dans les années 2000. Fermier sur 6 hectares de vigne, il a progressivement racheté des terres et détient 30 hectares aujourd'hui, dont 18 plantés en vigne : « J'ai progressivement développé une activité de maraîchage et d'arboriculture - pêches, abricots, agrumes, fraises, asperges, melons, pomme de terre, etc. - qui aujourd'hui m'assure les deux tiers de mon revenu. Je répartis les risques les années de mauvaise récolte, comme en 2021 où, suite au gel, j'ai perdu 80% de ma récolte viticole », confie-t-il

Peu à peu, maraîchage et arboriculture ont remplacé la vigne dans les terres irriguées. La production est vendue en directe dans un point de vente sur Pauhlan.

« Il ne faut pas compter ses heures, arboriculture et maraîchage sont beaucoup plus contraignants que la viticulture, mais aujourd'hui, je me réjouis d'avoir pris cette orientation, assure l'agriculteur. Entre l'augmentation du prix des fournitures et la baisse des cours du vin, mon revenu viticole ne cesse de s'amoindrir. »

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Brebis laitières

A Saint-Génies-des-Mourgues, deux jeunes couples de viticulteurs ont choisi l'élevage de brebis laitières pour compléter leurs revenus viticoles. Naïs et Rémi Dumas, Alicia Desfours et Pascal Conge sont associés au sein de la bergerie d'Entre-Vignes, qui compte aujourd'hui une soixantaine de têtes dont seize brebis laitières. Le lait est transformé sur place en yaourts ou fromages, commercialisés en direct dans le caveau d'un des deux domaines et dans des points de vente locaux.

« Nous cherchions à nous diversifier car nous ne sommes plus sûrs que la vigne en monoculture soit la meilleure solution dans notre région, explique Naïs Dumas. Nous nous sommes associés avec un jeune viticulteur de la commune voisine qui avait monté cet élevage. En plus du revenu complémentaire que nous apportent les produits laitiers, cette diversification a un intérêt cultural pour la vigne : les brebis entretiennent nos couverts végétaux qui favorisent la vie de nos sols viticoles et les amendent. »

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La grenade languedocienne

Vigneron coopérateur à la cave de L'Ormarine à Pinet, Pierre Colin s'est, quant à lui, lancé dès 2012 dans la grenade : « C'est une culture qui prend de l'importance dans la région. On estime qu'il y aurait environ 150 hectares de grenadiers en Languedoc-Roussillon. La production augmente chaque année. Techniquement, les grenadiers nécessitent peu d'intrants, mais ils ont besoin d'eau. Ils s'intègrent bien dans une exploitation viticole car la récolte a lieu après les vendanges ».

Très prisée pour ses vertus anti-oxydantes, et vendue en fruit de bouche ou transformée en jus de fruits, la grenade languedocienne est essentiellement commercialisée en circuits courts mais au sein de la Fédération des Producteurs de Grenades d'Occitanie, la structuration d'une filière qui intégrerait les circuits longs est en cours.

« Les industriels s'y intéressent, certaines grandes marques de produits pour bébés sont demandeurs. Nous sommes en contact avec un transformateur industriel, qui pourrait prochainement implanter une base logistique dans l'Hérault », indique Pierre Colin.

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Tester avant de l'envisager à grande échelle

Vigneron coopérateur à Roquessels et président de la cave coopérative de Faugères, Jérôme Salles réfléchit depuis 2019 à une possible diversification de son exploitation, dont 27 hectares sont plantés en vigne.

« On voit bien que la monoculture est un système très fragile, témoigne-t-il. Insidieusement, on ressent la crise de la mévente du vin. Nos stocks se gonflent, les sorties sont moins rapides. Nous avons du prendre des mesures de réduction des acomptes. »

Il a alors suivi une formation à la Chambre d'agriculture pour s'initier à la culture des agrumes : oranges, clémentines : « En choisissant des variétés précoces, on limite les risques de gel. Par contre, il faut de l'eau. N'ayant pas l'irrigation, je vais faire du stockage d'eau dans un premier temps. De toute façon, je vais démarrer petit avec cinq ou six arbres. Je veux tester cette culture avant de l'envisager à plus grande échelle ».

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Le CBD, pourquoi pas ?

Au domaine de Bayle à Villeveyrac, Céline Michelon s'interroge, elle aussi, sur les cultures, autres que la vigne, qu'elle pourrait développer.

« J'ai fait une formation à la chambre d'Agriculture sur la culture du chanvre pour le CBD, raconte-t-elle. Il est légal d'en planter depuis 2019, alors pourquoi pas ? L'investissement initial est moindre qu'en arboriculture fruitière. C'est technique à cultiver mais faisable si on a de l'eau et de la main-d'œuvre : il faudrait quatre personnes pendant quinze jours pour castrer un hectare. La transformation est également pointue, c'est une filière émergente qu'il reste à construire dans la région. »

Pour le moment, ces tentatives de diversification restent marginales. Le conseiller à la chambre d'agriculture de l'Hérault, Cyril Sevely, reste pragmatique : « Nous sommes dans une phase où les viticulteurs testent leurs idées et évaluent la prise de risque en intégrant les trois points clés : la maîtrise culturale, l'investissement et la valorisation commerciale. Préalable indispensable avant un développement à plus grande échelle ».

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