Éolien terrestre en Occitanie : stop ou encore ?

En Occitanie, le vent souffle mais pas toujours dans le sens des éoliennes… Pourtant région pionnière de l’éolien (surtout côté ex-Languedoc-Roussillon), l’Occitanie doit aujourd’hui composer avec une hostilité grandissante à l’égard des éoliennes. Un sujet sensible qui s’invite dans le débat public des élections régionales, alors que la ministre de la Transition écologique vient de remettre au goût du jour les ZDE, zones de développement de l’éolien.
Selon France Énergie Éolienne, fin 2020, l'Occitanie comptait 189 parcs éoliens pour une puissance installée de 1.659 MW et une production de 3.636 GWh.

Si la sudiste Occitanie est terre de soleil, elle est également fille du vent... Et qui dit vent, dit éoliennes. Dans un contexte où la transition énergétique est un dossier politique de premier plan, la question sera forcément au cœur des enjeux des élections régionales...

Elle est aussi au cœur de l'actualité nationale puisque la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a annoncé, ce 28 mai, avoir lancé une cartographie des zones favorables au développement de l'éolien (ZDE), réaffirmant ainsi la volonté de l'État de poursuivre le déploiement de l'éolien terrestre afin d'atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, soit 35 GW en 2028. Ce sont les préfets de région qui vont devoir réaliser cette cartographie, « après concertation avec les Régions, les communes et les intercommunalités », indique le ministère, qui demande « un premier retour sous six mois après les élections régionales pour une finalisation un an après ces élections ».

  • L'état des lieux

Selon France Énergie Éolienne, fin 2020, l'Occitanie comptait 189 parcs éoliens (localisées en particulier dans l'Aude, l'Hérault et l'Aveyron, mais aussi le Tarn les Pyrénées-Orientales et la Lozère), pour une puissance installée de 1.659 MW et une production de 3.636 GWh.

Faut-il le rappeler ? L'actuelle présidente de Région Carole Delga a fixé l'objectif que la région Occitanie devienne la première région européenne à énergie positive en favorisant notamment le déploiement des énergies renouvelables. Le scénario REPOS prévoit que la puissance de production électrique d'origine éolienne installée en région Occitanie atteigne 3.600 MW de puissance installée en 2030 et 5.500 MW en 2050. Consciente des freins qui peuvent contraindre les objectifs ambitieux de la filière, la Région a mandaté son Agence au service de la transition énergétique des territoires (AREC) sur le sujet, qui a établi plusieurs scenarii...

« Pour ce faire, il faudrait que soient autorisés 120 MW par an, ce qui est très loin de la réalité jusqu'à 2019, observe Bertrand Badel, Délégué régional Sud de France Énergie Éolienne. Un sursaut semble se dessiner depuis fin 2020, qu'il faudra confirmer. La politique de recours systématique des organisations anti-éoliennes ne facilitera évidemment pas l'atteinte de ces objectifs... »

Car en effet, l'hostilité et l'opposition à l'installation de nouveaux parcs éoliens sont féroces et les procédures se multiplient pour tenter de retarder ou d'annuler leur installation sur le territoire.

  • Vent debout contre les éoliennes

Le 26 janvier 2021, le syndicat viticole du Cru Minervois La Livinière a ouvert une procédure pré-contentieuse en adressant une saisine du ministre de l'Agriculture auprès du préfet de l'Hérault. Il a également sensibilisé les parlementaires de la région. L'enjeu : un projet de parc éolien au milieu de son vignoble, porté par la société Volkswind France, qui prévoit l'implantation de quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 120 mètres sur la commune de Siran. En vingt ans, les vignerons de cette AOC se sont opposés à une quinzaine de projets de parcs éoliens, dont deux ont fini par aboutir.

« Ce projet est en totale contradiction avec les orientations prises par les vignerons du Cru La Livinière : 70% de notre vignoble sont engagés dans une certification environnementale dont 56% en bio, en conversion bio et en biodynamie, défend Guy Sabarthès, le président du syndicat. Ce chiffre devrait être porté à 95% à l'horizon 2024 dont 70 à 75% en bio. Étant sur une zone de flux des oiseaux migrateurs, nous avons par ailleurs le projet de mener des actions de protection de la faune. Cette implantation industrielle viendrait défigurer les paysages que nous nous attachons à mettre en valeur. Les vignerons demandent de la cohérence : on ne peut chercher à développer de l'œnotourisme et promouvoir des projets industriels ! L'économie de notre territoire est portée essentiellement par la viticulture et ce projet ne peut que porter atteinte à cette économie. »

Les vignerons ont trouvé des alliés pour défendre leur cause. En premier lieu, l'INAO qui, dans la phase de pré-consultation engagée en mars 2019, a émis un avis négatif sur ce projet, pointant le travail réalisé par l'appellation pour décrocher, en juillet 2020, la reconnaissance en AOP La Livinière, première appellation communale du Minervois. L'INAO souligne également l'impact que pourrait avoir un tel projet sur l'activité œnotouristique et économique des 40 entreprises de l'appellation installées sur ce secteur. La commune de Siran, tout comme les quatre autres communes situées sur cette aire d'appellation, ont voté une délibération s'opposant à tout type d'équipement à caractère industriel éolien sur leurs territoires...

Le 15 février 2021, la justice tranchait d'une manière inédite : sur la base d'un recours déposé par le collectif "Pour la protection des paysages et de la biodiversité dans l'Hérault", les sept éoliennes de Bernagues, sur la commune de Lunas (Hérault) allaient devoir être démontées par leur propriétaire Énergie Renouvelable Languedoc (ERL, groupe Valeco). Le permis de construire de ces éoliennes avait déjà été annulé trois fois par le Conseil d'État mais il fallait une décision de démolition pour qu'elles soient déconstruites. ERL a fait appel...

En mars 2021, la cour d'appel de Versailles condamnait EDF Renouvelables et ses filiales à verser 500 euros à l'association France Nature Environnement (FNE), qui rappelait que la destruction d'espèces protégées (en l'occurrence des faucons crécerellettes) est interdite et renouvelait sa demande de démontage des 31 éoliennes d'Aumelas (Hérault).

  • Ce que disent les associations en résistance

Simon Popy, président de France Nature Environnement (FNE) Languedoc-Roussillon, ne veut pas être rangé dans la case "anti-éolien". Le principal argument de FNE pour s'opposer à l'éolien, c'est la protection de l'environnement.

« On a été une région pionnière, avec une sorte de bienveillance politique vis-à-vis de l'éolien et peu de contraintes sur localisation des parcs, rappelle-t-il. On a donc équipé tous les endroits où il y a le plus de vent. Ça a fini par créer un problème environnemental dans notre région, riche en patrimoine naturel... Peu de parcs ont fait l'objet de suivis sérieux de la mortalité occasionnée par les éoliennes sur les oiseaux et chauve-souris. Il y a quelques parcs sur lesquels on a des données, dont celui d'Aumelas où EDF détruit des espèces protégées sans dérogation. En allant en justice, FNE voulait obtenir la reconnaissance de l'illégalité sur l'absence de dérogation, et on va maintenant aller au pénal. Avec cette action sur ce parc, on veut pointer que le conflit entre production d'énergie et protection de la biodiversité est mal géré. Et faire jurisprudence ! »

Si FNE œuvre sur le fond et le long terme, sans attendre des échéances électorales pour agir, Simon Popy profite du scrutin régional qui arrive pour rappeler qu'« il y a différentes manières de produire de l'énergie, et pourquoi ne pas le faire dans les grandes plaines agricoles de l'ouest de la région ? Multiplier par cinq le nombre d'éoliennes est délirant et c'est ignorer le problème. Oui, il faut un changement politique ».

Le collectif régional Toutes Nos Energies, né dans le parc naturel du haut Languedoc sur la problématique de l'éolien, réunit 160 fédérations départementales, collectifs et associations de la région Occitanie agissant pour une transition écologique et énergétique solidaire et respectueuse des territoires ruraux.

« L'Occitanie est déjà saturée en éolien, affirment tout net Michèle Solans et Jean Pougnet, co-secrétaires de Toutes nos Energies. On n'est pas des anti-éoliens primaires, ce n'est pas qu'une question d'acceptabilité mais aussi dans quel monde on veut vivre avec quelle énergie ? Pourquoi produire plus d'électricité ? On pense qu'il faut de la sobriété, de l'efficacité énergétique et baisser la consommation... A l'échelle de l'Occitanie, on s'est aperçu que la Région n'avait pas budgétisé ses projets de Région à énergie positive. Le collectif a fait un schéma "sans une éolienne de plus en Occitanie", basé sur les économies d'énergie, le développement de solaire en friches industrielles ou toitures, et la géothermie. On aurait aimé le présenter à la Région mais on n'a jamais été reçus... Le politique n'a plus la main ! Et les promoteurs se comportent comme des colonisateurs ! Les projets sont basés sur des mensonges : il y a un propriétaire terrien qui en profite et le reste qui en pâti ! ».

  • Ce que répond France Énergie Éolienne

France Énergie Éolienne (FEE), promoteur de la filière en France, note que les oppositions aux projets éoliens ne sont pas plus actives en Occitanie qu'ailleurs...

« En poursuivant un objectif affiché de recours systématique contre 100% des projets éoliens, indépendamment de la qualité et des spécificités de ces derniers, les organisations anti-éoliennes locales amplifient de manière factice un "effet de loupe", plaide Bertrand Badel, délégué régional Sud de France Énergie Éolienne. Le sondage le plus récent - Harris Interactive pour FEE, en novembre 2020 - met en avant que 76% des Français ont une bonne image de l'éolien. Ce chiffre est identique auprès des riverains de parcs et monte jusqu'à 91% chez les 18-34 ans. L'éolien se normalise et l'opinion à son égard est stable. (...) Cette réalité traduit une réelle conscience des enjeux climatiques et de la transition énergétique. »

L'Occitanie ne serait donc pas saturée en éolien terrestre ? Bertrand Badel rappelle qu'aujourd'hui « 50% de l'électricité produite en Occitanie est d'origine renouvelable, et l'éolien assume 10% de la consommation régionale d'électricité selon RTE au 31 décembre 2020. L'Occitanie pointe au 7e rang national concernant la densité d'installation des éoliennes. Les départements les mieux équipés sont l'Aude, l'Aveyron, l'Hérault et le Tarn, en raison notamment de la ressource en vent. Les dossiers éoliens sont étudiés précisément par les autorités, et en Occitanie, depuis plusieurs années, les autorisations sont données au compte-goutte : entre 2015 à 2019, seuls quatre dossiers ont été autorisés sur 50 projets soumis. Sur l'année 2020, seuls 23 MW ont été raccordés au réseau, positionnant ainsi l'Occitanie à la dernière place des régions françaises en termes de dynamique d'installation d'éoliennes. Il est donc totalement faux d'affirmer que l'éolien se développe à un rythme effréné dans notre région ! ».

  • Ce que disent les candidats aux régionales

Sur la question de la transition énergétique, la présidente sortante Carole Delga (PS) a ancré deux ambitions politiques fortes : faire de l'Occitanie « la première région à énergie positive d'Europe », et installer son "Green New Deal", autrement appelé "Pacte Vert pour l'Occitanie", avec pour ambition « d'accélérer la transition écologique tout en construisant un modèle plus juste et plus solidaire ». Une cinquantaine de mesures ont émergé d'une une convention citoyenne de 100 personnes tirées au sort, avec l'objectif de « concilier écologie et économie ». Le soutien à la production d'énergie éolienne et photovoltaïque persiste mais pour l'élue sortante, c'est surtout le plan Hydrogène vert et le développement de l'éolien flottant (deux fermes-pilotes au large des côtes de l'Aude) qui font figure de projets-phares en matière d'énergie.

Aurélien Pradié, candidat LR parle de « choix dogmatique et irraisonné de la majorité régionale sortante », entraînant « de lourdes nuisances environnementales, défigurant notre patrimoine naturel, culturel et paysager ».

« Je mettrai fin à la course folle à l'éolien terrestre, qui est un non-sens environnemental et un non-sens énergétique et un non-sens économique », promet-il, annonçant que s'il est élu, il procèdera à un moratoire sur tous les projets d'éolien terrestre de la région, mettra fin aux subventions de la collectivité à l'industrie éolienne, et émettra un avis défavorable systématique à chaque projet nouveau.

Pointant « un mix énergétique régional déjà totalement décarboné, en particulier grâce au nucléaire à Goflech », il promet de porter d'autres choix énergétiques, de soutenir le photovoltaïque sur les bâtiments publics et de bonifier les aides aux communes qui feront d'autres choix que l'éolien terrestre.

Antoine Maurice, candidat EELV, se dit favorable à l'énergie éolienne mais de manière très encadrée et vigilante : « La première des choses jà faire est d'associer les habitants concernés par l'émergence des projets éoliens. Par ailleurs, nous serons vigilants aux impacts de projets industriels surdimensionnés qui peuvent avoir des conséquences irréversibles sur le paysage. On organisera, sur une forme qui reste à définir, de grandes assises pour gérer le développement de l'éolien en Occitanie ».

Vincent Terrail-Novès (LREM) estime que la Région doit affirmer clairement son soutien à la filière nucléaire, assurant, lors d'un déplacement dans le Gard en mars dernier, qu'« on a besoin de sortir de l'énergie fossile puisque les ressources sont en train de se tarir. Si on veut utiliser un train, on ne va pas compter uniquement sur de l'énergie éolienne ! ». S'il est élu, il annonce qu'il fera un moratoire : « Il faut un peu temporiser car c'est parti tous azimuts, prendre la mesure de ce qui a été fait, et peut-être aller plus vers l'éolien maritime ».

Quant à Jean-Paul Garraud (RN), il promet lui aussi un moratoire sur l'éolien terrestre régional.

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Commentaire 1
à écrit le 29/05/2021 à 9:36
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" pour une puissance installée de 1.659 MW et une production de 3.636 GWh" la production réelle est le cinquième de ces chiffres et en intermittent. Qui assure la production le reste du temps des centrales à gaz ou du nucléaire? Quant à leurs démantè...

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