COP 27 : "Predict Services peut apporter une contribution au système d’alerte précoce mondial"

ENTRETIEN – Un Héraultais à la COP 27. Alix Roumagnac, le président de l’entreprise montpelliéraine Predict Services (gestion du risque météorologique), rentre d’une semaine passée à Charm el-Cheikh avec la délégation française. Il est allé présenter une initiative française, portée avec Météo France International, pour répondre à un programme lancé par les Nations Unies et destiné à doter tous les pays de la planète d’un système d’alerte précoce (la moitié n’en ont pas). Le chef d’entreprise, très engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique, témoigne. Et il n’est pas si pessimiste.
Cécile Chaigneau
Alix Roumagnac, président de Predict Services, et la Japonaise Mami Mizutori, présidente de l'organisme onusien United Nations Office for Disaster Risk Reduction (UNDRR), lors de la COP 27 à Charm el-Cheikh, en novembre 2022.
Alix Roumagnac, président de Predict Services, et la Japonaise Mami Mizutori, présidente de l'organisme onusien United Nations Office for Disaster Risk Reduction (UNDRR), lors de la COP 27 à Charm el-Cheikh, en novembre 2022. (Crédits : DR)

Il vient de rentrer de Charm el-Cheikh en Égypte. Alors que la COP 27 qui a démarré le 6 novembre dernier, se termine demain 18 novembre, Alix Roumagnac, le président de l'entreprise héraultaise Predict Services, spécialisée dans la gestion du risque météorologique, témoigne.

LA TRIBUNE - La conférence internationale de l'Organisation des Nations Unies sur les changements climatiques se termine demain. Vous y étiez : pourquoi ?

Alix ROUMAGNAC, président de Predict Services - Je faisais partie de la délégation française... Avec la crise énergétique, l'atténuation est un sujet complexe aujourd'hui mais le sujet de l'adaptation est traité à un très haut niveau, notamment au travers de la question des "early warnings for all" (système d'alerte précoce pour tous, NDLR). En avril dernier, le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres avait fait le constat que plus de la moitié des pays dans le monde n'avaient pas de dispositif d'alerte météo précoce. Les Nations Unies, l'Organisation mondiale de la météo (OMM, ndlr) et le United Nations Office for Disaster Risk Reduction (UNDRR, ndlr) ont donc lancé un grand programme pour la mise en place d'un système d'alerte précoce mondial sous cinq ans, avec plus de 3 milliards d'euros qui sont mis sur la table. C'est l'un des objectifs de la COP 27... Or parmi les attentes essentielles de ce programme, figure la nécessité de ne pas faire que de l'alerte météo mais aussi de comprendre les risques en amont, de préparer des plans d'action et de faire des recommandations. Autrement dit, exactement ce que fait Predict Services depuis vingt ans ! C'est la raison pour laquelle, avec Météo France, nous avions contacté le ministère des Affaires étrangères pour signaler que nous pouvions apporter une contribution à ce programme. D'autant que dans le plan des Nations Unies, il est bien précisé qu'il faudra accélérer sur les partenariats public-privé (l'actionnariat de Predict Services est composé de Météo France, Airbus et BRL - NDLR). Predict Services et Météo France International ont donc proposé une initiative, "W4All" (pour Warnings for all, NDLR), que nous sommes allés présenter à la COP 27, sur le Pavillon France. Là, Mami Mizutori (Japonaise, NDLR), qui préside l'UNDRR, a observé que Predict Services pourrait servir de modèle... L'idée serait de transférer notre technologie et notre savoir-faire, comme on le fait déjà au Maroc.

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Bertrand Piccard, qui a rendu compte de ce qui se passait à la COP 27 pour La Tribune, dit qu'il a entendu beaucoup de discours politiques qui se terminaient par "Il faut agir maintenant !", soulignant que cette phrase devrait être une introduction et non une conclusion... Avez-vous trouvé qu'on en était encore à lister les problèmes plutôt qu'à chercher des solutions ?

Il est vrai qu'il n'y aura pas eu, sur cette COP, de surenchère sur l'accélération de l'atténuation, et on observe une tendance au COP-bashing. Mais tout le monde discute avec tout le monde et je ne doute pas que les solutions au changement climatique sortiront de ces COP où les états s'engagent sur des accords. Mais quand il y a 300 pays autour de la table, avec des situations tellement différentes pour les uns et les autres - par exemple les pays en développement ont besoin de faire de la croissance ou de faire progresser leur niveau de vie, donc d'augmenter leurs émissions carbone -, les accords sont forcément complexes et ça demande du temps long. Ça ne va certes pas assez vite mais on n'est pas sur du green-washing... Les COP sont un outil créé pour que les gens se parlent et il est faux de dire qu'il ne se passe rien ! D'autant que dans le contexte de crise énergétique, les décideurs des pays développés craignent de prendre des actions fortes de peur d'un risque de blocage des populations... Aujourd'hui, l'envolée du prix de l'énergie pourrait être une opportunité pour moins consommer mais on tombe rapidement dans l'opposition entre sobriété et croissance économique.

Cela signifie que les mesures de lutte contre le changement climatique sont toujours vécues comme une menace pour le développement économique...

Oui, c'est encore ça. La valeur croissance est encore la valeur n°1. Le déclic n'est pas là. On préfère parler de croissance plus verte, de technologie, d'innovation. Et la pression des ONG est en réalité moins importante que ce que rapportent les médias ou les réseaux sociaux.

La lutte pour le climat est-elle bien sur les agendas politiques ou ont-ils d'autres priorités ? N'est-on pas face à une tentation de repli sur les problèmes nationaux, inflation et crise énergétique notamment, au détriment des urgences climatiques ?

Certes l'agenda a été confisqué par la crise énergétique qui a pris le pas sur la crise climatique. C'est toujours pareil : le court terme prend le dessus sur l'intérêt général et le long terme. C'est là qu'il faut faire de la pédagogie, notamment vers les citoyens, pour dire que la crise énergétique est l'opportunité de prendre de nouvelles habitudes pour réduire nos consommations, ce qui sera une bonne chose sur le long terme. Je pense qu'un jour ou l'autre, il y aura une inversion des valeurs : on prendra conscience que le "toujours plus" ne peut plus durer et que la financiarisation ne peut plus être la seule règle. Selon moi, on est au même niveau de nécessité que la Déclaration des droits de l'Homme en 1789 : il faut aller vers une Déclaration des droits de la Planète. Seuls les COP et les G20 peuvent faire évoluer ça...

Parmi les décisions prises lors de la COP 27, a été lancé un bouclier mondial contre les risques climatiques, doté d'une enveloppe de 210 millions d'euros et destiné à aider les pays en développement à financer les dégâts liés à une catastrophe climatique. Des ONG estiment que ce n'est pas la seule solution...

C'est une bonne chose. L'atténuation ayant un peu disparu des négociations de cette COP, le sujet de l'indemnisation des pertes et dommages est remonté sur le haut de la pile, notamment ce bouclier ou l'alerte précoce. Renvoyer de l'argent des pays développés vers ces pays en développement est un minimum, et c'est du concret.

Quel moment de la COP vous a le plus marqué ?

L'heure que j'ai passée Mami Mizutori, la présidente de l'UNDRR. J'ai vu quelqu'un avec une formidable énergie, convaincue, passionnée. Dans cette ambiance globale plutôt mitigée, c'est important de croiser des gens qui font réellement avancer les choses. Pour Predict Services, c'est "la" COP où il fallait être ! Nous avons rendez-vous avec l'histoire... Maintenant, nous allons travailler pour voir comment intégrer le programme des early warnings.

Cécile Chaigneau

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