Comment le mécénat (notamment d’entreprises) fait reverdir le canal du Midi

Voies Navigables de France (VNF) organise une nouvelle campagne hivernale d’appel national aux dons dans le cadre du vaste programme de replantation destiné à sauver la voûte arborée qui a fait le charme du canal du Midi, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, pendant trois siècles. Le mécénat est utilisé par le gestionnaire du réseau navigable français comme un levier financier et un moyen de sensibiliser le grand public au-delà de l’Occitanie.
Sur le canal du Midi, long de 240 km entre Toulouse et Sète, 30.100 ont déjà été abattus (sur les 42.000 qui le bordaient) et 16.700 arbres ont été replantés.
Sur le canal du Midi, long de 240 km entre Toulouse et Sète, 30.100 ont déjà été abattus (sur les 42.000 qui le bordaient) et 16.700 arbres ont été replantés. (Crédits : DR)

« Agissons ensemble pour préserver le canal du Midi ». Tel est le slogan que Voies Navigables de France (VNF), l'établissement public administratif gestionnaire du réseau navigable français*, affiche en ligne sur replantonslecanaldumidi.fr. Ce site web est destiné à recevoir des dons dans le cadre d'un projet hors normes : la restauration de la voûte arborée qui faisait le charme du canal du Midi.

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Classé au patrimoine mondial de l'Humanité de l'Unesco en 1996, cette voie de navigation, qui voit défiler quelque 1.5 millions de visiteurs par an, a été pendant longtemps un magnifique cordon de verdure de 240 km entre Toulouse et Sète, dont les alignements d'arbres séculaires fournissaient une ombre rafraîchissante. Jusqu'à l'arrivée, en 2006, d'un champignon microscopique, le chancre coloré, qui s'est mis à décimer les platanes qui peuplaient en majorité ses berges.

C'est en 2011 que VNF a lancé le chantier colossal destiné à sauver le canal du Midi, qui se définit en quatre axes, bien au-delà de la simple notion de replantation.

« Il s'agit de l'abattage des arbres malades, de la reconstitution des berges, de la replantation de sujets sains ainsi que des mesures d'accompagnement de la biodiversité, détaille Anne-Lise Dauphin, de la direction territoriale Sud-Ouest de VNF. Il n'y a pas de traitement possible, quand un arbre est malade on est obligés de l'abattre, et comme le système racinaire participe à la tenue de la berge, on est aussi tenus de les conforter. Une fois que c'est stable, on peut replanter. »

Autant dire que le budget est colossal : « L'ensemble du projet est financé et porté en maîtrise d'ouvrage par VNF pour un montant estimé à travaux 200 millions d'euros de travaux et 20 millions d'euros de maîtrise d'œuvre sur vingt ans », précise Anne-Lise Dauphin.

70% des donateurs en Occitanie

Sur les 42.000 platanes qui bordaient le canal, 30.100 ont été abattus, 16.700 arbres ont été replantés, et 57 km de berges ont été restaurées. En dix ans, le projet a déjà coûté près de 90 millions d'euros, soit entre 8 et 14 millions d'euros par an. Les collectivités territoriales - Région Occitanie et Conseils départementaux de l'Aude, l'Hérault et la Haute-Garonne -  participent au financement pour un montant qui s'élève à 8 millions d'euros en dix ans. VNF étant sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, la plus grande partie du projet reste portée par l'Etat, à hauteur de 80% du budget total, avec un soutien complémentaire de 21,2 millions d'euros sur trois ans dans le cadre du Plan de relance d'un montant.

Autre coup de pouce : le projet de replantation du canal du Midi a bénéficié du Loto du Patrimoine dans le cadre de la mission Bern à hauteur de 150.000 euros.

Face au budget colossal d'un projet qui, dès le départ, devait s'étaler sur au moins deux décennies, un premier appel aux dons des particuliers a été lancé par VNF en 2014, date de l'année de création de la mission Mécénat.

« Nous faisons appel à toutes les techniques de levées de fonds à notre disposition, que ce soit en print comme en digital avec différentes plateformes de crowdfunding, ainsi que des événements solidaires comme les concerts sur l'eau ou des expositions de sensibilisation du grand public », souligne Laurent Adnet, responsable de la mission Mécénat de VNF.

Du fait de la dimension touristique du canal du Midi, à la fois emblème patrimonial mondial et étendard national d'une mobilité douce, le public touché est bien au-delà des départements jouxtant le canal, comme l'indique Laurent Adnet : « 70% des donateurs individuels se situent en Occitanie, 20% en France, 10% des dons viennent de l'étranger. Dès le début, nous avons souhaité sensibiliser à la fois le grand public et le tissu économique régional, à travers un club d'entreprises, ainsi que depuis quatre ou cinq ans les grandes sociétés et des fondations parisiennes dont les budgets sont plus importants ».

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Les dons des entreprises en hausse

Si la campagne d'appel à la générosité s'intensifie en fin d'année, c'est tout d'abord parce que les travaux de plantation se font au cours de l'hiver. Ainsi, 1.500 plants d'arbres devraient être replantés d'ici mars 2023. Mais la période festive correspond aussi à la clôture de l'année fiscale, un atout non négligeable puisque 66% du montant du don sont défiscalisables sur l'impôt sur le revenu pour les particuliers, 60% pour les entreprises.

Malgré tout Laurent Adnet en module l'impact : « Cet argument est très important, mais l'argument principal qui pousse les gens à faire un don, c'est l'attachement affectif qu'ils ont avec la cause. Il y a un affect très fort autour du canal du Midi qui fait que même en période de Covid, les dons n'ont pas baissé. Malgré la crise énergétique, les dons des particuliers semblent stables pour 2022, tandis que ceux des entreprises sont en hausse de 25% par rapport à 2021 ».

Le montant des dons devrait ainsi atteindre près de 1 million d'euros cette année, soit 10% du budget annuel des travaux. En huit ans, ce sont déjà 7,7 millions d'euros qui ont été collectés, 1/3 auprès des particuliers, 2/3 auprès des entreprises.

« C'est une belle réussite pour un projet de collecte récent », se félicite le responsable Mécénat de VNF.

Groupe familial basé à Saint-Mathieu-de-Tréviers, Philip Frères fait partie des 60 mécènes du Club entreprises, et la société est un des plus gros donateurs du club.

« Il était important pour nous de soutenir l'action de mécénat de VNF à travers un partenariat triennal 2021-2023, dans lequel nous nous engageons à verser 30.000 euros par an, soit un tiers de notre budget RSE annuel, témoigne Emmanuel Dupas, directeur général délégué de la société, spécialisée dans les travaux de plantation, débrousaillage et génie écologique (120 salariés). Leurs actions sont en parfaite adéquation avec notre sensibilité aux enjeux écologiques. La lutte contre le chancre coloré nous touche directement car VNF est notre client depuis vingt ans, et nous menons notamment les travaux pour conforter les chemins de halage une fois les platanes abattus. »

Difficile de dire si le budget initial de 220 millions d'euros sera respecté, la route étant encore longue.

« Chaque année, l'ensemble du linéaire est ausculté, c'est du vivant, il est difficile de savoir comment cela va se passer sur les dix années à venir... », reconnaît Anne-Lise Dauphin.

* Voies navigables de France (VNF) s'occupe de l'entretien et de l'exploitation de 6.700 km de fleuves, canaux et rivières canalisées, soit le plus grand réseau européen de voies navigables.

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