Risque incendie : ce que pronostique une étude de l’Inrae pour la façade méditerranéenne

ENTRETIEN - Post-doctorant à l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) à Avignon, Julien Ruffault a participé à une étude visant à quantifier l’impact du changement climatique sur les feux de forêts. S’ils auront tendance à se déplacer vers le nord, il prévient qu’il ne faut pas oublier la façade méditerranéenne parce que c’est dans cette zone que les évolutions seront les plus marquées, quels que soient les scenarii.
(Crédits : STELIOS MISINAS)

LA TRIBUNE - Après un été difficile sur le front des incendies de forêts, votre étude tombe à pic pour mieux comprendre les évolutions en cours. Que retenir de ces travaux ?

Julien RUFFAULT, post-doctorant à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae)  - Nous n'avons pas eu de surprises, les résultats sont cohérents avec ce que nous pouvions imaginer. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'avec les modélisations, nous avons été capables de quantifier plusieurs paramètres, les occurrences probables des incendies en fonction de leur taille, les surfaces détruites et les évolutions spatiales... Et nos conclusions sont en effet sans appel : nous allons vers une double extension, des zones à risques d'abord mais aussi de la période critique.

C'est à dire ?

Aujourd'hui, on peut ainsi dire que la période de risque, dans nos zones méditerranéennes, s'étend de fin juin à mi-septembre, avec un cœur de risque entre le 16 juillet et le 24 août. Dans le pire scénario du GIEC, à +4° à la fin du siècle, nous parvenons à une extension de plus d'un mois et demi de la période sensible, globalement de fin mai à fin octobre... C'est problématique parce que nous savons, par d'autres études, que l'allongement de la saison a un impact important sur la capacité des pompiers à intervenir.

Y aura-t-il donc plus d'incendies ?

Oui, nous avons travaillé sur les occurrences des incendies. Nos résultats montrent que le nombre de feux de 1 hectare et plus, quand la stratégie d'attaque échoue en somme, pourrait progresser de 80% avec ce scénario, quand le nombre de feux dépassant 100 hectares pourrait, quant à lui, progresser de 240%. Au-delà du nombre, il faudra aussi compter avec une évolution de la localisation de ces incendies.

S'il faut se préparer au pire, à quoi faut-il s'attendre avec le scénario à +4° ?

Dans les Pyrénées-Orientales par exemple, nous allons assister à un déplacement des zones sujettes aux incendies. Aujourd'hui, c'est surtout la plaine qui est concernée. Elle connaîtra des conditions de plus en plus extrêmes avec une zone particulièrement exposée, les Aspres, et il faudra compter avec un déplacement des feux vers l'ouest d'une part, et en altitude d'autre part. Dans l'Aude, ce mouvement vers l'ouest aura également lieu et concernera des zones aujourd'hui quasi épargnées, comme le Limouxin.

Des motifs d'espérer quand même ?

Ce qu'on a remarqué, par une autre étude menée dans notre laboratoire, c'est que ces vingt dernières années, les feux ont moins reculé dans l'ouest de la région, les Pyrénées-Orientales et l'Aude que dans les Bouches-du-Rhône ou le Var, par exemple. C'est lié à de moindres efforts, de moindres investissements, peut-être parce que les enjeux, avec une urbanisation moindre, y étaient moins importants que dans l'est ? C'est positif, parce que cela montre qu'il reste des mages de manœuvre dans ces départements de l'ouest de la région pour renforcer la lutte contre les incendies.

Faut-il craindre ici des feux comme il en survient en Californie ou en Australie ?

Sur le pourtour méditerranéen non, parce que le pays et l'occupation de l'espace y sont différents. Mais nous pourrons être confrontés à des feux catastrophiques. Un feu de 10.000 hectares dans notre région peut avoir des conséquences matérielles et humaines dramatiques.

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