Infrastructures et transition écologique : « Nous avons un mur d’investissements devant nous ! » (FRTP Occitanie)

Dans un contexte conjoncturel plutôt positif pour la filière des travaux publics, le président de la FRTP Occitanie Olivier Giorgiucci dresse un état des lieux des transformations et adaptations nécessaires des infrastructures en région Occitanie (et donc des investissements) au regard des enjeux de transition écologique. Une sorte de piqûre de rappel et d’anticipation à l’attention des pouvoirs publics. Manière aussi de sécuriser les carnets de commandes des années à venir.
Cécile Chaigneau
Olivier Giorgiucci, le président de la FRTP Occitanie, martèle les nécessaires investissements à réaliser pour adapter et transformer les infrastructures au regard des enjeux de transition écologique.
Olivier Giorgiucci, le président de la FRTP Occitanie, martèle les nécessaires investissements à réaliser pour adapter et transformer les infrastructures au regard des enjeux de transition écologique. (Crédits : DR)

Si la crise du logement et plus largement de l'immobilier met à mal les entreprises du bâtiment, il n'en va pas de même dans les travaux publics. Une nuance de taille qui fait dire à Olivier Giorgiucci, le président de la FRTP Occitanie, qu'il faut distinguer le B du TP dans BTP, rappelant que les travaux publics dépendent à 70% de la commande publique, à l'inverse du bâtiment...

Ce 4 octobre, il fait un point presse en deux temps, à commencer par la conjoncture et le climat des affaires. A fin août, selon l'enquête réalisée par la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), le moral des chefs d'entreprise est revenu au beau fixe puisque l'activité des travaux publics en France est en croissance de 7% en valeur et de 4,8% en volume par rapport à 2022.

Inquiétudes sur le bloc communal

Les dirigeants d'Occitanie s'inscrivent dans cet optimisme retrouvé : sur douze mois glissants le montant des appels d'offres émis en région augmente de 9% en euros courants et de 4 ou 5% en euros constants, soit 3,12 milliards d'euros. Il faut entrer dans le détail des chiffres pour y trouver quelques nuances.

« Si on regarde les appels d'offres parus en Occitanie depuis le début de l'année, on observe une augmentation par rapport à l'an dernier chez la plupart des maîtres d'ouvrage, et ce sont les intercommunalités et les syndicats qui tirent l'activité, analyse Olivier Giorgiucci. Les appels d'offres des Conseils départementaux sont plutôt en baisse, mais nous sommes surtout inquiets, par rapport aux années précédentes, sur les appels d'offres des communes qui ne sont en hausse "que" de 3%, alors qu'on est en période pré-électorale, donc les appels d'offres devraient être lancés pour que les travaux sortent deux ans avant les élections... Les travaux des métropoles de Montpellier et Toulouse masquent un peu ce qui se passe sur les territoires plus ruraux comme dans l'Aude, le Gard ou d'autres départements ruraux de l'ex-Midi-Pyrénées. »

Lire aussiAppels d'offres : à mi-mandat, seulement 50% du niveau de commande publique est atteint, selon la FRTP

La part salariale en croissance

Autre point de satisfaction de la filière sur le volet des coûts de production : « L'inflation a fortement ralenti, on a enfin atteint une stabilisation de prix des matières premières. Alors qu'elles avaient beaucoup augmenté sur les deux dernières années, elles n'augmentent que de +2,5% depuis le début d'année. Ce qui influe le plus sur nos coûts de production depuis une grosse année, c'est la part salariale qui a pris une part non négligeable : en mars, elle représentait 35% de l'inflation des coûts car nous avons augmenté de 6% tous les bas salaires ».

En Occitanie, la filière, qui emploie 30.000 salariés dans 2.000 entreprises, est confrontée comme la plupart des secteurs, à une pénurie de main d'œuvre.

« Aujourd'hui, 44% des entreprises régionales déclarent que ce qui les empêche de faire croître leur chiffre d'affaires, c'est le manque de main d'œuvre, et ça devient problématique quels que soient le département et le métier », indique le président de la FRTP Occitanie, qui précise que la filière régionale devrait recruter 5.000 emplois dans les trois ans (comprenant les remplacements).

Lire aussi« 5.000 recrutements dans nos instituts de formation seront nécessaires sur les cinq prochaines années » (O. Giorgiucci, FRTP Occitanie)

« Il faut changer de braquet »

Le deuxième sujet d'actualité de la FRTP, c'est la transition écologique et le volume de travaux qu'elle pourrait générer pour le secteur des travaux publics afin de transformer et adapter les infrastructures de mobilités, de production d'énergie, etc.

« Il y a quelques années, on pointait le manque d'entretien des infrastructures par manque d'investissement, mais aujourd'hui, ce n'est plus le sujet, martèle Olivier Giorgiucci. L'empreinte carbone de notre métier ne représente que 3,5% des émissions nationales de gaz à effet de serre, mais l'usage de ces infrastructures représente 50%. Si on veut faire diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, il faut changer complètement de braquet : décarboner les mobilités, développer un mix énergétique bas carbone et préserver les ressources naturelles et la biodiversité. Et donc investir massivement ! »

Pour appuyer ses propos, la FRTP Occitanie a demandé à la cellule économique de la construction de dresser un état des lieux de la situation sous la forme d'un premier baromètre sur les indicateurs correspondant aux trois objectifs fixés.

Pistes cyclables, réseau routier, mix énergétique

« Concernant les pistes cyclables, il faut atteindre en 2030 une part modale du vélo de 12%, ce qui correspondrait à 2 mètres linéaires par habitant en Occitanie alors qu'on en est à 0,93 m aujourd'hui, indique-t-il. Dans les transports collectifs, il faut atteindre 20% de part modale d'ici 2030 et on est à 6,8% en Occitanie, soit très loin de l'objectif... L'Occitanie devra compter 50.000 points de recharge pour véhicules électriques en 2030 et aujourd'hui, on est à 8.400... Enfin, sur les 145.000 km de routes et autoroutes en Occitanie, 46% sont mal ou pas entretenus alors que pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, il faudrait atteindre un taux de 70%. »

Olivier Giorgiucci continue sa démonstration sur le mix énergétique : le gaz renouvelable pour lequel il faudrait développer des réseaux à partir d'unités suffisamment importantes, les énergies renouvelables dont il faudrait multiplier par trois la production en Occitanie d'ici 2040, ou l'hydrogène dont le réseau régional de stations devrait se monter à 100 d'ici à 2030 pour 54 aujourd'hui.

Sur les enjeux de préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, le président de la FRTP Occitanie évoque les importantes économies, « entre 50 et 80% », que génèreraient la modernisation du parc d'éclairage public, dont la moyenne d'âge des équipements atteint les 25 ans.

Fuites d'eau : « c'est du rapiéçage »

Les travaux d'infrastructures autour de l'eau sont évidemment un vrai sujet alors que la France vient de traverser un épisode de crise majeure ces derniers mois, qui ont vu certaines communes des Pyrénées-Orientales privées d'eau potable...

« Le taux de perte sur les réseaux est très élevé, 24%, en Occitanie, souligne Olivier Giorgiucci. Il faudrait tomber à 15% d'ici 2030, soit une marge de 10% d'amélioration, en sachant qu'on renouvelle à hauteur de 0,6% par an... J'espère que ce qui s'est passé dans les Pyrénées-Orientales cet été amènera à une prise de conscience. »

Ce qui n'est pas gagné si l'on en croit le témoignage de professionnels catalans. Jean-Christophe Nierga, le président de la fédération des travaux publics des Pyrénées-Orientales, rapporte que « le Conseil départemental a mobilisé quelques enveloppes pour des communes très rurales touchées par des problématiques de fuites ponctuelles mais c'est du rapiéçage ».

« 20% des stations d'épuration nécessitent des travaux, ajoute Olivier Giorgiucci. Mais le 2e enjeu, c'est la réutilisation des eaux usées pour d'autres usages que la consommation : on réutilise 1 à 2% d'eau usée alors qu'il faudrait être à 10%... »

Enfin, il énumère quelques autres enjeux d'adaptation d'infrastructures : la renaturation des cours d'eau (924 cours d'eau en Occitanie et seulement 56% en bon état écologique), la lutte contre les inondations (73% des communes d'Occitanie soumises au risque d'inondation), protection du littoral (30 communes littorales, 22% du linéaire côtier soumis à l'érosion, 72 km d'ouvrages de protection réalisés à entretenir sur 220 km de côtes, et une élévation du niveau marin de 1 mètre prévue à horizon 2100).

« C'est flou »

« Avec tous ces travaux nécessaires pour réussir la transition écologique, nous avons un mur d'investissement devant nous !, conclut Olivier Giorgiucci. Et un avenir serein, si tant est que les pouvoirs publics prennent bien en compte ce sujet... »

Le président de la FRTP Occitanie a néanmoins bien conscience que toutes ces grandes infrastructures s'offrent parfois à un problème d'acceptabilité citoyenne qui freine leur déploiement : « Ce que je regrette depuis trois ans, c'est que malgré les parcours judiciaires, des gens se mettent en travers des projets d'infrastructures, ce qui fait peur à certains élus. Ce n'est pas un bon signal... ».

Quant aux signaux envoyés par le gouvernement, là aussi, « c'est flou », disent les professionnels en région, qui attendent maintenant une déclinaison concrète des annonces présidentielles de la planification écologique.

Lire aussiPlanification écologique : Borne donne le mode d'emploi aux préfets pour territorialiser

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.