« 5.000 recrutements dans nos instituts de formation seront nécessaires sur les cinq prochaines années » (O. Giorgiucci, FRTP Occitanie)

ENTRETIEN - Activité des travaux publics en Occitanie, perspectives, relations avec les collectivités, difficultés de recrutements, positionnement sur la dernière feuille de route du gouvernement… Le point avec Olivier Giorgiucci, président de la FRTP Occitanie.
Olivier Giorgiucci, président de la FRTP Occitanie.
Olivier Giorgiucci, président de la FRTP Occitanie. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Après un exercice 2022 ébranlé par la guerre en Ukraine, comment se porte le secteur des travaux publics en Occitanie ?

Olivier GIORGIUCCI, président de la FRTP Occitanie - Globalement, l'activité est plutôt repartie à la hausse grâce à une stabilité des coûts des matières premières, voire même une baisse de certains produits. Après des mois de flambée des prix, c'est plutôt encourageant.

La FRTP regroupe environ 8.000 entreprises et quelque 30.000 salariés pour un chiffre d'affaire de 4 milliards d'euros. Quel est l'état de santé actuel de ces entreprises ?

Elles sont globalement en bonne santé et après trois années compliquées, avoir résisté donne une capacité à survivre très largement. Les dépôts de bilan ont été peu nombreux, nous avons eu surtout quelques alertes liées à l'inflation et au remboursement du PGE mais la fédération est montée au créneau pour demander des reports.

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Les commandes publiques prenant souvent du temps, quelles sont vos relations avec les collectivités en Occitanie ?

Les grandes collectivités que sont les deux métropoles régionales, les départements et à un niveau moindre la Région, sont très dynamiques. Bien sûr, ce sont de grands paquebots qui ont beaucoup d'inertie au démarrage mais qui, une fois lancés, ne s'arrêtent pas brutalement. A contrario, c'est plus compliqué avec les communautés de communes. Elles font preuve d'une frilosité qui peut paraître paradoxale alors que nous entrons dans une période pré-électorale qui est généralement plutôt porteuse pour nos métiers. Mais je pense que les petites collectivités sont plus contraintes en termes de subventions et de recherche de fonds. Elles ont moins de capacité d'ingénierie dans le montage des projets, et les taux d'intérêt, qui ont fortement augmenté en 2023, les pénalisent.

Quels grands chantiers régionaux sont dans les tuyaux ?

Le métro de Toulouse et l'autoroute Toulouse-Castres, même si les manifestants bloquent le démarrage du chantier (le projet de l'A69, jugé anti-écologique, a fait l'objet, en avril dernier, d'une mobilisation de milliers de personnes, NDLR). A Montpellier, l'extension de la ligne 1 et la ligne 5 du tramway, le bus à haut niveau de service, la fin du LIEN (Liaison Intercantonale d'Évitement du Nord, NDLR), le contournement Ouest et la déviation Est. Les conseils départementaux sont, eux aussi, plutôt dynamiques car ils continuent d'avoir des droits de mutation importants donc ils investissent dans l'entretien de leurs chaussées et de leurs ouvrages.

Ces chantiers d'envergure irriguent-ils les activités de l'ensemble de vos adhérents ?

Oui complètement. A l'inverse des travaux autoroutiers qui font appel à des entreprises extérieures, tous ces chantiers sont réalisables par des entreprises locales.

Comment se situe l'Occitanie au regard d'autres régions ?

Je dirais que le dynamisme des deux métropoles régionales est plus accentué chez nous qu'ailleurs, et ce pour des raisons politiques : nous avons une stabilité sur Toulouse et à Montpellier le changement de mandature s'est fait avec des gens qui ont envie de faire bouger les lignes en termes de mobilité. La région aquitaine était plus dynamique que nous, mais avec la nouvelle majorité, la tendance s'est aujourd'hui inversée. C'est la même chose pour la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Depuis 2021, les difficultés de recrutement ont augmenté dans toutes les branches d'activité. Comment réagit votre secteur en Occitanie ?

Le recrutement reste le principal frein au développement des entreprises. Après une baisse d'activité d'un point en 2020, on se retrouve aujourd'hui au niveau de 2019, c'est à dire avec 20% d'activité en plus. Trouver du personnel formé et opérationnel pour réaliser les chantiers, est un vrai casse-tête... Le secteur souffre encore d'une méconnaissance - certains métiers, comme celui de canalisateurs, sont très mal connus - et d'une image dégradée. Je schématise mais de nombreux jeunes imaginent encore qu'il s'agit de faire des tranchées ou de couper des arbres alors même que le cœur de notre métier, c'est la transition écologique : réaliser des voies douces, des canalisations de fibre optique, du renouvellement d'eau potable...

Quels sont vos leviers d'actions pour pallier ces tensions sur le recrutement ?

Principalement notre institut de formation. Nous avons 14 sites en Occitanie qui forment chaque année 500 jeunes. Pour donner plus de visibilité à nos métiers, nous avons organisé deux manifestations sous forme de pop-up, l'un à Toulouse en octobre 2022 et l'autre à Montpellier en février 2023, qui ont remporté un beau succès puisque nous avons réussi à augmenter de 10% les recrutements dans nos centres de formation. Mais nous sommes encore loin du compte : 5.000 recrutements seront nécessaires sur les cinq prochaines années.

En matière de transition écologique, le gouvernement a dévoilé, le 7 juin dernier, sa feuille de route pour les contrats de plan Etat-Région (CPER). L'enveloppe dédiée aux infrastructures routières a été réduite de moitié, au profit notamment du ferroviaire. Partagez-vous la mobilisation de Routes de France qui est vent debout contre cette décision ?

Je suis évidemment effaré qu'on puisse considérer qu'enlever des financements dédiés à la réalisation de routes pour le donner au ferroviaire est la solution. Je ne dis pas que le ferroviaire n'a pas besoin d'être développé, rien n'a été fait pendant des années, mais opposer les uns aux autres n'a aucun sens. Comme le souligne Bernard Sala, président de Routes de France, l'atteinte des objectifs de décarbonation ne se fera pas sans l'infrastructure routière qui supporte toutes les mobilités ferrées, actives ou automobiles. Encore aujourd'hui, près de 90% des transports de marchandises et de personnes se font par la route. Qu'on fasse le tramway ou les bus à haut niveau de service n'enlèvera pas les livraisons de camions du dernier kilomètre. Cela risque également d'accentuer les disparités territoriales et l'enclavement des territoires, le tout au détriment de la mobilité des français. La part des infrastructures représente 10% d'émissions de CO2, ce n'est pas en les réduisant qu'on va résoudre les problèmes climatiques. Et là, je ne parle même pas de la construction de nouveaux réseaux, mais de l'entretien des infrastructures. Cette question m'horripile...

Comment ça ?

On ne peut pas considérer que l'entretien des routes existantes doit être mis de côté. Nous avons aujourd'hui des routes qui se dégradent à grande vitesse : au classement mondial de l'état des routes, nous sommes passés en dix ans de la première à la 18e place ! C'est d'autant plus honteux qu'entretenir une route coûte dix moins cher que la laisser se détériorer puis la refaire à neuf au bout de vingt ans ! En amalgamant le support avec l'outil de mobilité, le gouvernement n'a rien compris. Peut-être que les associations d'usagers de la route seront plus entendues que nous...

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Malgré tout, comment pressentez-vous l'avenir du secteur ?

Etant entrepreneur, par définition je suis optimiste : je vois donc un avenir radieux car tant que la téléportation n'existera pas, on aura toujours besoin d'infrastructures pour se déplacer ! Face aux enjeux de transitions écologique et énergétique, nos entreprises continueront à être en première ligne.

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