« Nous avons de vrais atouts pour assurer l’indépendance des professionnels »

Guy Boulet, nouveau président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes depuis le 1er janvier 2015, fait le point sur l’actualité de la profession, entre réforme européenne de l’audit et craintes autour d’un dumping sur la sécurité financière.
Cécile Chaigneau

Combien de membres compte la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) et comment se renouvelle votre profession ?

La CRCC couvre le ressort de la Cour d'appel de Montpellier, c'est à dire les départements de l'Aude, de l'Aveyron, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales. Elle compte 362 personnes physiques, dont 20 % seulement de femmes, et 144 personnes morales. Les filles représentent plus de la moitié des diplômées, mais au moment de l'inscription en libéral, leur nombre se réduit beaucoup. Soit elles restent salariées en cabinet, soit elles partent en entreprises... Le renouvellement de notre profession ne se fait pas naturellement, et c'est un de nos challenges car la pyramide des âges est élevée : plus de 48 % des confrères ont plus de 50 ans. Notre profession souffre d'un déficit d'image vis à vis des jeunes, et nous nous efforçons de la rendre plus attractive pour les attirer.

L'Europe a engagé une réforme de l'audit. Qu'en pensez-vous et en quoi cette réforme va-t-elle toucher l'exercice de votre profession ?

En effet, si nous ne sommes pas concernés par la réforme française des professions réglementées, nous sommes très attentifs à ce qui se passe au niveau européen, et même mondial. Depuis 2001, nous avons connu des réformes successives qui sont la conséquence de grandes affaires financières américaines comme celles d'Enron et  de Lehman Brothers, pour lesquelles des auditeurs légaux ont été inquiétés. Un règlement et une directive de juin 2014 doivent être mis en application avant juin 2016. Nous sommes en pleine élaboration des textes, comportant de nombreuses options laissées aux états membres. La France n'a jamais connu d'affaires comme celles décrites ci-dessus car nous étions, depuis de nombreuses années, parmi les pays les plus avancés vers l'objectif de la réforme : permettre aux cabinets d'être les plus indépendants possible de leurs clients, en limitant les prestations qu'ils peuvent effectuer aux audits uniquement et non à l'exercice de conseils. La France ne va donc pas modifier grandement son dispositif. La durée de mandat du commissaire aux comptes en France est de six exercices, ce qui accroît son indépendance, l'entreprise ne pouvant pas changer de commissaire aux comptes si elle n'est pas satisfaite de son opinion sur les comptes. Il existe, par ailleurs, en France, une disposition reprise à titre facultatif par la commission européenne : le co-commissariat aux comptes. Elle oblige les entreprises qui présentent des comptes consolidés, à recourir à deux commissaires aux comptes, ce qui est un gage de pertinence et d'indépendance là encore. Ces dispositions ne devraient pas être modifiées.

Certains points de la réforme vous inquiètent-ils ?

Alors que nous avons de véritables atouts pour assurer l'indépendance des professionnels, l'Europe impose en sus, sur les dossiers importants, une rotation des commissaires aux comptes au-delà de  la durée de dix ans, vingt ou vingt-quatre sous certaines conditions. Notre crainte est de voir des cabinets régionaux perdre des mandats importants au profit d'opérateurs nationaux. Une concentration des mandats qui va à l'encontre de l'esprit initial du législateur européen d'empêcher ce qui a été qualifié de « risque systémique » par Michel Barnier, alors commissaire européen, à l'origine de cette réforme.

Votre prédécesseur avait lancé une alerte au dumping sur la sécurité financière... Où en est la profession sur cette question ?

Il s'agissait d'une alerte sur le niveau des honoraires que pratiquent quelques cabinets à l'occasion de l'ouverture de nouveaux marchés, comme les universités par exemple, qui ont désormais l'obligation d'avoir recours aux commissaires aux comptes. Certains ont pratiqué des honoraires bas pour remporter ces marchés, lancés sur appels d'offres publics. Il s'agit là d'un phénomène nouveau. Il convient de préciser que cette démarche ne doit pas être au détriment de la qualité. Le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, organisme extérieur à la profession qui dispose du pouvoir disciplinaire, vérifie les travaux effectués afin d'apprécier si les diligences définies par des normes internationales sont respectées.

Le gouvernement doit-il avancer sur d'autres dossiers ?

Une réflexion importante est menée sur l'obligation de nommer des commissaires aux comptes dans certaines collectivités locales, aujourd'hui astreintes uniquement au contrôle des Chambres régionales des comptes, dont les moyens diminuent. Ce thème avait déjà été le sujet des Assises nationales en 2012, à Montpellier. Pour le moment, la réflexion se poursuit.

Le Languedoc-Roussillon accueillera-t-il des événements en lien avec la profession en 2015 ?

Nous réfléchissons sur l'organisation, en partenariat avec la Compagnie des Commissaires aux Comptes de Nîmes, d'une manifestation à l'attention des chefs d'entreprises, ayant pour sujet la cybercriminalité et la « fraudes aux présidents ». Sujets qui font partie de notre mission et qui justifient notre slogan de « Commissaire aux Comptes, créateur de confiance » et garant de la sécurité financière.

Cécile Chaigneau

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