La numérisation des cabinets d’expertise comptable : question de survie ?

Le 10 juillet, le Conseil de l’ordre des experts-comptables de la région de Montpellier invitait la profession à une Journée régionale du numérique. Objectif : sensibiliser les experts-comptables et leur collaborateurs et les inciter à engager la transformation numérique de leur cabinet, une démarche incontournable pour ne pas rester au bord du chemin.
Cécile Chaigneau
Philippe Lamouroux, Miren Lafourcade et Arnaud Cayzac.
Philippe Lamouroux, Miren Lafourcade et Arnaud Cayzac. (Crédits : Cécile CHAIGNEAU)

« On est à la croisée des chemins : certains cabinets d'expertise comptable vont mourir et d'autres vont se développer, comme chaque fois qu'on assiste à des mutations importantes. La déréglementation va faire disparaître une partie de la profession... Il faut leur expliquer pourquoi ils doivent accepter de changer. »

Pascal Viaud, consultant du cabinet Qualixel qui accompagne les cabinets sur les aspects marketing et commerciaux, serait-il un incorrigible pessimiste, porteur de mauvaises nouvelles ? L'homme se veut surtout réaliste : « Nous sommes dans un phénomène de numérisation aujourd'hui et de digitalisation demain, ce qui signifie que beaucoup de tâches comptables vont disparaître. Bien sûr que tout le monde manque de temps mais là, c'est une question de priorité. Ceux qui anticiperont et seront proactifs pour s'adapter survivront ».

Pascal Viaud intervenait le 10 juillet au Domaine de Verchant, lors de la Journée régionale du numérique organisée par le Conseil régional de l'ordre des experts-comptables de la région de Montpellier (l'OEC Montpellier), et dont l'objectif était de sensibiliser les cabinets à la nécessité de la transformation numérique.

« J'ai placé l'année 2018 sous le thème du numérique, déclare Philippe Lamouroux, président de l'OEC Montpellier. Il s'agit pour nous d'accompagner les cabinets, notamment les petits, vers l'évolution de notre métier, vers la digitalisation de notre environnement et des cabinets. »

Sortir de la zone de confort

Arnaud Cayzac, expert-comptable à Montpellier et vice-président national du CJEC (Club des Jeunes experts-comptables et commissaires aux comptes) se veut moins pessimiste : « Il ne s'agit pas d'être dans la peur mais de favoriser une prise de conscience : le monde change et les vieilles professions réglementées, comme la nôtre, doivent aussi changer mais intelligemment. Il faut sortir certains collaborateurs de leur zone de confort. Il y a forcément une crainte, des réticences, mais je suis contre les discours anxiogènes. La clef est de leur donner une perspective et ensuite, d'argumenter sur les points forts de la transformation numérique, qui va nous enlever une partie de notre travail de base et ainsi nous libérer du temps pour être aux côtés de nos clients et faire du conseil ».

Pas de solution miracle

Nicolas Bollé, expert-comptable et commissaires aux comptes parisien, est qualifié, dans la profession, de « geek de la comptabilité ». En 2015, il a achevé la transformation numérique de son cabinet (1,4 M€ de chiffre d'affaires, 14 collaborateurs), passé du « 100 % papier au 100 % numérique en deux ans », en ayant recruté une personne à temps plein.

« Le bilan de cette numérisation, c'est que nous avons enregistré 15 % de croissance en 2016 et 20 % en 2017, témoigne-t-il. Beaucoup d'outils voient le jour depuis deux ou trois ans, mais qui nécessitent toujours une intervention humaine... On est dans un monde en perpétuelle évolution et les outils d'aujourd'hui ne sont pas ceux de demain. Il n'y a pas de solution miracle unique pour tous. »

D'autres intervenants venaient ponctuer la journée, parmi lesquels Miren Lafourcade, dirigeante de la société montpelliéraine NOUT (spécialiste de gestion auprès des entreprises), Constance Camillieri (directrice de l'innovation et du management des cabinets du CSOEC), Philippe Nahoum (dirigeant de l'agence web montpelliéraine Choosit), ou Daniel Guinier (expert en cybercriminalité et cybersécurité).

« Devenir des conseils utiles »

La journée, gratuite, a attiré quelque 180 personnes sur un total de 1 000 experts-comptables inscrits au tableau de l'ordre.

« Il faut que les experts-comptables cessent d'être uniquement des contrôleurs pour devenir des conseils utiles, observe Pascal Viaud, qui s'étonne du taux de présence. Leur positionnement auprès du chef d'entreprise, avec cette vision à 360° en continu, est unique. Encore faut-il qu'ils l'exploitent ! »

Le travail d'évangélisation se poursuivra tout au long de l'année. En effet, Philippe Lamouroux a d'ores et déjà prévu deux autres rendez-vous sur le numérique. Le 5 octobre, il invite ses confrères à une discussion croisée entre Olivier Ezratty, consultant en stratégies d'innovation, et le philosophe Gaspard Koenig.

Le 19 novembre, une journée « Fiscal Zoom » sur la fiscalité du numérique sera organisée avec, comme intervenants, un avocat spécialisé numérique et la Dircofi (direction de contrôle fiscal) de Toulouse.

Cécile Chaigneau

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