Gasoil, engrais, bouteilles... : les viticulteurs trinquent face une inflation tous azimuts

DOSSIER MONDIALISATION - Les viticulteurs subissent de plein fouet la hausse sans précédent des prix de leurs fournitures (matériels de culture, engrais, cartons...) importées pour la plupart. Leur marge de manœuvre pour y faire face est limitée. Et la répercussion de ces augmentations sur leurs tarifs de vente semble compliquée à un moment où le consommateur, pénalisé par l’inflation, surveille de près ses dépenses.
L'abandon progressif du glyphosate au profit du travail du sol impose des passages plus fréquents dans les vignes, et donc une consommation accrue de carburant qui pèse lourd sur les charges des viticulteurs.
L'abandon progressif du glyphosate au profit du travail du sol impose des passages plus fréquents dans les vignes, et donc une consommation accrue de carburant qui pèse lourd sur les charges des viticulteurs. (Crédits : DR)

C'est une série noire dont ils ne voient pas le bout. Après la crise sanitaire, le gel du printemps 2021 qui a décimé leur récolte, les viticulteurs prennent de plein fouet la flambée des prix de leurs fournitures importées pour la plupart.

Gasoil, tracteurs et matériels de culture, engrais, produits phytosanitaires, piquets et fils de fer, bouteilles, cartons... Les prix de tous ces produits, indispensables à leur activité, n'en finissent plus de grimper. Les viticulteurs paient cher leur dépendance aux produits d'importation.

Des délais qui s'allongent dangereusement

« C'est très inquiétant, confie Renaud Cavalier, chef de service et conseiller agro-équipement à la chambre d'agriculture du Gard. Non seulement les prix augmentent mais les délais de livraison s'allongent dangereusement pour le matériel de culture, car certains composants sont en rupture. Il peut y avoir jusqu'à 52 semaines de délais ! Que se passera-t-il en cas de panne d'un pulvérisateur en pleine saison de traitement ? Le vigneron pourrait perdre sa récolte s'il ne peut être dépanné faute de pièces. »

Viticulteur à Meynes, dans le Gard, Jean-Louis Portal se sent à la merci d'une situation géopolitique sur laquelle il n'a aucune prise : « En mars dernier, j'ai commandé une mini-pelle qui n'a toujours pas été livrée, car elle est bloquée sur le port de Shanghai, dont l'activité est entravée par la politique zéro Covid du gouvernement chinois. Je n'ai pas d'autre choix que de subir », lâche-t-il, dépité.

Pour se prémunir contre d'éventuelles difficultés d'approvisionnement en GNR (gazole non routier), il s'est équipé d'une seconde cuve de 1.500 litres, pour constituer un stock stratégique en complément de sa cuve de 2000 litres.

« En janvier 2021, le GNR était à 0,68 euro le litre, fait-il observer. Quand j'ai refait le plein à la mi-février cette année, il était déjà à 1 euro et trois jours après, quand j'ai voulu remplir ma nouvelle cuve, il avait bondi à 1,58 euro et il est monté jusqu'à 2,2 euro. Des hausses pareilles, c'est insensé. Et là encore, on a peu de marge de manœuvre. »

Achat groupé de GNR

En soutien à ses adhérents, la FDSEA de l'Hérault organise des opérations d'achat groupé de GNR. Le premier appel d'offres lancé à la mi-mai a conduit à un achat de 35.000 litres, générant une économie moyenne de 0,19 euro le litre. Pour le second appel d'offres, lancé mi-juin, les commandes ont bondi à 69.000 litres.

Installé sur le domaine familial de 22 hectares à Béziers, Jean-Pascal Pelagatti a profité de ce tarif préférentiel et ainsi pu économiser 300 euros sur sa dernière commande de carburant. Pour diminuer l'impact de ces hausses à répétition sur son revenu, il a également fait l'impasse cette année sur ses apports d'azote, dont les prix ont bondi de 40%.

« C'est une économie de court terme, ma récolte risque d'être amoindrie puisque les vignes seront moins bien alimentées, reconnaît-il. C'est une mesure que je ne pourrai pas renouveler l'an prochain. »

Des hausses de prix difficiles à répercuter

 Le renchérissement des coûts de production consécutif à cette inflation galopante des matières premières survient, de surcroît, au moment où les viticulteurs adoptent massivement des pratiques plus vertueuses pour l'environnement, mais plus coûteuses.

« L'abandon progressif du glyphosate au profit du travail du sol impose des passages plus fréquents et donc une consommation accrue de carburant. La note va être d'autant plus douloureuse », reconnaît Christophe Auvergne, conseiller à la chambre d'agriculture de l'Hérault.

Frédéric Rouanet, président du syndicat des vignerons de l'Aude estime à 1.000 euros/ha le surcoût des frais de culture du fait de l'envolée des prix des fournitures et à 30 euros/hl la hausse des frais de vinification. Des surcoûts qu'il sera difficile de répercuter sur le prix de vente du vin...

« Le marché n'est pas porteur, se désole David Drilles, président du syndicat des vignerons des Pyrénées Orientales. Le vin, qui n'est pas un produit de première nécessité, souffre de la baisse du pouvoir d'achat liée à l'inflation. C'est la double peine ! »

Si la mondialisation a eu des effets bénéfiques sur la filière viticole régionale, ouvrant de nouveaux marchés à l'international, elle a aussi ses revers.

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