
Il l'avait annoncé la veille sur les réseaux sociaux. Ce 15 novembre, François Ruffin était à Montpellier « en soutien aux grévistes de Onet ». Plus exactement sur le site du CHU de Lapeyronie, où pendant plus d'une heure, le député Insoumis de la Somme a écouté attentivement les doléances des grévistes et échangé avec eux alors que leur déléguée syndicale était en entretien avec les dirigeants de Onet.
Basé à Marseille, ce groupe international est spécialisé dans la prestation de services sur mesure pour les entreprises (450 agences et 73.000 collaborateurs en France) dans de nombreux domaines, de la logistique à la sécurité en passant par l'accueil ou les services aéroportuaires. Ainsi que la propreté, dont il se revendique le leader dans l'Hexagone.
« C'est du chronométrage minute par minute ! »
Cela fait 65 jours, soit depuis le 13 septembre dernier, qu'une partie du personnel de la société de nettoyage travaillant au CHU de Montpellier, soit 40 salariés sur les 115 intervenants sur le site, fait grève. Pour la plupart il s'agit de contrats précaires, majoritairement occupés par des femmes. En question, un nouveau dispositif de pointage pour le nettoyage des espaces qui rajoute une pression sur les salariés déjà à bout. Lesquels déplorent le travail de nuit, la surcharge de travail, les bas salaire ou la nocivité de certains produits d'entretien utilisés. Les revendications syndicales sont : une augmentation de 5% des salaires, une prime équivalent au 13e mois, la titularisation des CDD, le défraiement des trajets... En attendant, les salaires des grévistes ne sont pas payés, c'est pourquoi une caisse de grève a même été mise en place par la CGT, récoltant déjà plus de 13.000 euros.
« Où est l'état ? s'interroge François Ruffin. L'Etat a une double responsabilité car c'est l'hôpital le donneur d'ordres, donc l'Etat. Or l'Etat doit être le garant de l'ordre social, donc d'une certaine justice. Il y a là une situation injuste pour ces femmes et ces hommes qui font le ménage à l'hôpital. Ce que j'ai le plus entendu, ce n'est pas la question des salaires, mais celle du temps. L'objectif des entreprises est de chasser tous les temps morts, tous les temps improductifs. Ce que produit cette chasse au temps mort ? Le travail devient une souffrance. C'est ce que j'appelle le mal-travail. Il a été évalué à environ 100 milliards d'euros par an en France. Cela produit des inaptitudes à cause du burn-out ou des troubles musculo-squelettiques. Plus de 100.000 personnes chaque année quittent leur emploi pour inaptitude, c'est un chiffre que l'on ne veut pas voir. Ce mal-travail, qui était déjà présent, les pointeuses viennent ici l'amplifier. La pointeuse est là pour vérifier que dans chaque bureau, dans chaque toilette, dans chaque chambre qui sera nettoyée, il n'y aura pas 30 secondes de perdues. C'est du chronométrage minute par minute. »
Le député de la Somme rappelle qu'il avait déjà pris la défense des agents d'entretien au moment de la crise du Covid-19 : « En juin 2020, j'avais déposé une proposition de loi en faveur des agents d'entretien de tout le pays, plus de deux millions de personnes, qui tenait en deux points : ce qu'il y avait comme avantage ou comme droit chez le donneur d'ordres, comme ici à l'hôpital, devait automatiquement s'appliquer aux sous-traitants qui travaillent à temps plein sur le lieu de travail. Deuxième chose, il s'agissait de demander que les heures tôt le matin ou tard le soir soient surpayées pour inciter les donneurs d'ordres à faire du travail en journée. Je veux le 13e mois pour vous, comme nous avons arraché une prime équivalente à un 13e mois pour les femmes de ménage de l'Assemblée nationale. Mais je ne veux pas que ça soit une compensation et que en échange, vous puissiez être poussés à bout toute la journée et que vous n'arriviez pas aux 64 ans ».
« Nous voulons avoir le temps de faire notre travail correctement »
Selon Claire, une des salariée gréviste, il est avant tout question de trouver des solutions face à une véritable souffrance professionnelle, laquelle dépasse la simple question financière.
« Nous demandons de meilleures conditions de travail, et donc peut-être une meilleure rémunération, déclare-t-elle. Le problème de Onet et de toutes les entreprises de nettoyage, c'est qu'ils se réfèrent à une grille de salaires sans aucune possibilité de négociation. Pourtant, nous sommes à peine quelques centimes au-dessus du SMIC. Aujourd'hui, si nous sommes mobilisés sur le CHU, c'est au nom de toute la profession. Plus ça va, plus nous devenons low-cost, plus il faut rentabiliser. Nous voulons que les dirigeants comprennent que nous voulons avoir le temps de faire notre travail correctement. À chaque fois qu'il y a des négociations, ils se retranchent derrière le donneur d'ordres qui demande à ce qu'il y ait une traçabilité... »
De son côté, François Ruffin profite de ce déplacement pour affirmer continuer à défendre le mieux-vivre au travail à travers une nouvelle proposition qu'il présentera bientôt à l'Assemblée nationale.
« Je vais déposer avec ma collègue Alma Dufour, la semaine prochaine, une proposition de loi d'indexation des salaires sur l'inflation, annonce le député de la Somme. Quand l'inflation augmente de 5%, les salaires augmentent automatiquement de 5%. Cela va de soi selon moi. Il s'agit aussi de poser la question de bien vivre sur son lieu de travail. Quand la gauche reviendra au pouvoir, il faudra évidemment relever les salaires, mais une des priorités est d'imposer qu'il y ait des discussions à tous les échelons de l'entreprise sur comment on s'organise. L'organisation des travailleurs ne doit pas être décidée seulement par les grandes directions. Il ne faut pas que la démocratie s'arrête à la porte de l'entreprise. »
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