Immobilier neuf à Montpellier : « La récré est terminée », il faut maintenant débloquer les programmes

Panne de l’offre. Panne de la demande. Alors que la production de logements est insuffisante depuis des années en France, à Montpellier comme ailleurs, le marché immobilier s’est grippé. Le salon de l’immobilier ouvre pourtant ses portes ce 22 septembre dans la capitale languedocienne, mais l’atonie du marché se reflète dans les allées. Peu de stands, des promoteurs en rangs (très) clairsemés, et une question : les acquéreurs viendront-ils ? L’ambiance est tendue et tout le monde s’acharne à trouver des solutions pour débloquer la situation. Analyse.
Cécile Chaigneau
Le 22 septembre, le salon de l'immobilier de Montpellier ouvrait ses portes sur fond de crise du logement, en présence de Laurent Villaret (FPI Occitanie Méditerranée), Cédric Grail (Altemed), Michaël Delafosse (président de la Métropole de Montpellier) et Céline Torres-Guitard (pôle Habitat de la FFB Hérault).
Le 22 septembre, le salon de l'immobilier de Montpellier ouvrait ses portes sur fond de crise du logement, en présence de Laurent Villaret (FPI Occitanie Méditerranée), Cédric Grail (Altemed), Michaël Delafosse (président de la Métropole de Montpellier) et Céline Torres-Guitard (pôle Habitat de la FFB Hérault). (Crédits : Cécile Chaigneau)

Une vingtaine de stands seulement, dont onze promoteurs immobiliers et quatre constructeurs de maisons individuelles... Rarement les allées de ce salon de l'immobilier de rentrée à Montpellier (un autre a lieu en mars) n'ont été aussi clairsemées. Une situation qui reflète l'état du marché du logement neuf : exsangue. C'est la double panne : une offre en berne et une demande très frileuse. Et la double peine : des taux d'intérêt en hausse, bridant l'accès au crédit, mais des prix encore stables et qui hésitent, sur cette zone tendue, à s'infléchir.

Faute de programmes à présenter et à commercialiser, une grande partie des promoteurs immobiliers ont joué la chaise vide sur ce salon historiquement dynamique et porteur d'affaires... En ce vendredi matin 22 septembre, jour d'ouverture du salon pour trois jours au Parc des expositions, la question de la venue ou non d'un public acquéreur se pose également légitimement.

Les organisateurs du salon concèdent du bout des lèvres s'être interrogés sur le maintien ou non de la manifestation commerciale. Mais maintenant qu'elle ouvre ses portes, un seul mot d'ordre se répercute de bouche en bouche : trouver des solutions. Pas question de faire le dos rond et d'attendre que l'orage passe : le territoire a besoin de logements, les programmes doivent sortir de terre. D'autant qu'il y a un an et demi, en février 2022, le président (PS) de la Métropole, Michaël Delafosse, conscient d'une vive attente des promoteurs immobiliers et d'une crise du logement qui se profilait, avait présenté « un choc de l'offre ». Mais c'était avant que la guerre en Ukraine et l'inflation ne viennent bouleverser la donne. Aujourd'hui, des lots ont été attribués mais les promoteurs peinent à équilibrer financièrement les opérations.

45% des lots considérés « à risque »

« Michaël Delafosse a vu cette crise arriver puisqu'en février 2022, avant qu'elle ne commence vraiment, il a annoncé le lancement de 8.000 logements dans les deux ans, rappelle en effet Cédric Grail, le directeur général d'Altemed, le satellite de la Métropole de Montpellier qui chapeaute l'aménageur public SERM-SA3M et l'office public de l'habitat ACM Habitat. A Montpellier, on a un coup d'avance ! En 2022, nous avons lancé 4.782 logements en consultation, et cette année, parce que nous ne sommes nous-mêmes pas en dehors de la crise, ce sera sûrement 1.500. Soit entre 6.000 et 6.500 au total. Nous allons continuer à lancer des consultations, car celles qu'on lance aujourd'hui seront les logements disponibles dans quatre ans, mais ma priorité absolue, c'est surtout que les 5.500 déjà lancés ne soient pas bloqués, que le moteur ne soit pas grippé. »

Cédric Grail et Laurent Villaret, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Occitanie Méditerranée, l'affirment tous les deux : à Montpellier, il n'y a pas de programmes immobiliers stoppés et abandonnés, mais des programmes bloqués (40 à 50% des logements doivent avoir été vendus pour lancer la construction) qu'il faut renégocier. Et en ces temps de crise, tout le monde se remonte les manches, à commencer par la puissance publique.

« Sur les 97 lots pilotés par la SERM aujourd'hui, parmi lesquels 60 lancés par le choc de l'offre et le reste lancé avant 2021 (soit environ 7.000 logements au total, NDLR), 45% sont considérés "à risque" et une dizaine sont bloqués, détaille Cédric Grail à La Tribune. Aujourd'hui, les promoteurs ne commercialisent pas. Plus rien de se vend au dessus de 4.500 et 5.500 euros/m2 selon les zones. Pourtant les besoins n'ont pas disparu... Or les promoteurs ne peuvent pas financer tout en fonds propres. Depuis le 4 septembre, Altemed travaille avec eux pour débloquer les situations. Parce que soit on trouve une solution, soit on retire le lot. On ne veut pas procrastiner. »

« Pas là pour préserver la marge des promoteurs »

Mais attention, le directeur général d'Altemed prévient : « Pas de déblocage sans que toutes les parties fassent des efforts ! Altemed n'est pas là pour préserver la marge des promoteurs : ils ont pris un risque, ils sont dans le risque ».

Le dirigeant évoque différents leviers à activer : « Par exemple, augmenter la VEFA sociale (logements sociaux achetés par les bailleurs aux promoteurs immobilier - NDLR), qui représente 33% de la production sur le territoire métropolitain, en passant le prix du m2 de 2.150 à 2.350 euros. Ce n'est pas facile à absorber pour les bailleurs sociaux mais c'est obligatoire sinon il n'y a pas de projets ».

Autre levier, un rééquilibrage des catégories de logements : « Avant le choc de l'offre, on était sur une production de 33% de logements sociaux, 17% de logements abordables, 15% de logements intermédiaires et 35% de logements libres. Nous avons fait un moratoire sur les 15% de logements intermédiaires et augmenté le logement abordable qui passe de 17 à 22%, notamment avec le BRS (bail réel solidaire, dispositif d'accession à la propriété permettant de dissocier le foncier et du bâti et de baisser le prix des logements - NDLR), ce qui permet de faire plus de logement libre et un peu plus de logement social, et donne donc des marges de manœuvre aux promoteurs ».

Le bras armé de l'urbanisme métropolitain peut aussi concéder des arbitrages sur la densité en donnant davantage de surfaces de plancher aux promoteurs, ou sur la qualité architecturale.

« Il ne s'agit pas forcément de l'esthétique d'un immeuble mais aussi du choix des matériaux : par exemple, dans certaines ZAC, on avait spécifié une exigence de béton blanc mais si ça ne passe pas, on peut faire du béton peint en blanc, indique Cédric Grail. Il y a certains choix coûteux qu'on ne peut plus se payer... Ce à quoi on se refuse de toucher, c'est la taille des logements, la qualité de vie dans les logements et la qualité environnementale des programmes. D'une certaine façon, cette crise nous oblige à nous réinventer et à favoriser l'innovation. »

Pas de recette miracle

Si les promoteurs sont toujours en quête de nouveaux fonciers où ériger des immeubles, aujourd'hui, ils avouent un certain soulagement à voir la puissance publique territoriale se pencher sur leurs difficultés.

« La SERM étudie le modèle économique de nos programmes immobiliers au cas par cas avec nous pour le faire évoluer, confirme Laurent Villaret. Il n'y a pas de recette miracle : l'aménageur fait des pas vers nous, sur l'architecture par exemple, et nous sur les prix de ventes et sur nos rémunérations. Ce qui se passe est remarquable... Aujourd'hui, grâce à cette démarche, il n'y a pas de programme immobilier abandonné mais un certain nombre en cours de restructuration. Ensemble, c'est possible. »

Si Altemed négocie avec les promoteurs sur une dizaine de leviers, elle incite à jouer également sur d'autres, comme les honoraires des architectes, ou les honoraires de commercialisation ou de gestion. « Et pourquoi pas, au bout de la chaîne, sur la charge foncière », ajoute Cédric Grail.

Pour le directeur d'Altemed, « la récré est terminée, l'argent facile, c'est fini » : « On a été de plus en plus exigeants sur la qualité environnementale des logements, sur le social, sur la qualité architecturale, sur les logements intermédiaires, etc., et c'est le logement libre qui compensait tout ça. Les prix sont passés de 3.000 à 7000 euros et ça se vendait ! Mais aujourd'hui, il faut remonter toute la chaîne pour rééquilibrer les opérations et baisser les prix du logement libre en-dessous de 5.500 euros/m2. Sur les nouvelles consultations que nous lançons, ce n'est pas la peine d'attribuer des lots si on ne sait pas comment ils vont se faire. Nous allons quand même en lancer sur l'EAI ou sur la ZAC République Est, mais avec cette question de comment parvenir à un prix de sortie acceptable ».

« Le bail réel solidaire marche très bien »

Par ailleurs, Cédric Grail évoque une autre décision prise par la Métropole pour traverser la crise : le plan d'urgence pour le logement, voté le 11 juillet dernier et doté de 100 millions d'euros pour financier une douzaine de mesures (voir encadré). Ce plan prévoit notamment la mobilisation de fonds propre d'ACM Habitat.

« L'objectif de production était de passer de 300-400 logements sociaux par an à 1.000-1.200 à horizon 2025, explique Cédric Grail. Malgré la crise, nous maintenons cet objectif et nous le finançons sur la réserve de fonds propres d'ACM Habitat à hauteur de 30 millions d'euros. Mais nous serons obligés d'augmenter la part de logements en VEFA sociale : historiquement, à l'inverse de ce qui se fait en France, ACM Habitat produisait entre 60 et 70% de ses logements en maîtrise d'ouvrage directe et 30 à 40% en VEFA, et nous allons probablement inverser ces proportions. »

L'autre outil qui permettra d'atténuer les effets de la crise, c'est la montée en puissance du dispositif de BRS, qui rencontre une réelle appétence de la part des candidats à l'achat.

« Vu l'atonie du secteur du logement libre, le salon est quasiment devenu un salon du BRS car ça marche très bien ! », affirme Cédric Grail.

ACM Habitat et plusieurs bailleurs métropolitains ont obtenu l'agrément d'office foncier solidaire (OFS) pour faire du BRS, et la Métropole a elle aussi créé son propre OFS. Michaël Delafosse, qui martèle que la dynamique du territoire est au rendez-vous (obtention d'un IHU, huit projets lauréat d'un appel à projet national dans les industries culturelles et créatives, des filières ENR et santé qui se structurent, etc.) confirme l'objectif de réaliser 700 BRS dans les deux ans.

Une première opération, sur la ZAC Eurêka à Castelnau-le-Lez, a été lancée par ACM Habitat, mais Cédric Grail met en garde : « Comme pour le logement social, s'il n'y a pas de promoteurs, il n'y a pas de BRS ». D'où l'intérêt d'équilibrer les opérations immobilières pour leur permettre de sortir de terre...

« Demain, les Gilets jaunes du logement ? »

« L'acte de bâtir est un métier de cycles avec des périodes difficiles et d'autres moins, lance Laurent Villaret lors de l'inauguration. Je veux m'adresser aux acquéreurs du territoire métropolitain : sur les réseaux sociaux, on lit partout qu'il ne faut pas acheter, que ce n'est pas le moment ! La moitié de la crise du logement, c'est une crise de confiance ! Mais il existe des solutions. »

Si le promoteur immobilier tente de rester optimiste, à ses côtés, Céline Torres-Guitard, présidente du pôle Habitat de la FFB dans l'Hérault (également gérante du groupe Immo Sélection, constructeur de maisons individuelles) ne mâche pas ses mots : «  Je suis en colère face à l'indifférence et au silence du gouvernement ! Il n'y a rien de plus mortifère que l'inaction. Malgré de nombreux mois de crise violente du logement, je suis stupéfaite par cet attentisme irresponsable. Les ministres évoquent le risque de bombe sociale mais il ne se passe rien, et toutes nos propositions restent lettre morte ! Pire, l'exécutif annonce l'extinction du Pinel sans suite et du PTZ, seuls dispositifs pour soutenir la demande du neuf. Sur l'autel de la réduction de la dépense publique, le tableur Excel de Bercy a parlé : on abandonne en rase campagne toute la filière du logement neuf. Cette inaction vient attiser la rancœur des Français... Demain, les Gilets jaunes du logement ? Ça peut arriver plus vite que prévu ! ».

« Le 17 novembre, auront lieu les Assises de l'économie, mais il y aura aussi un temps sur l'immobilier et le logement, plutôt fin novembre, promet, en réponse, Michaël Delafosse. Mais vous avez raison de parler de bombe sociale. La pauvreté, il faut la prévenir. La République doit assurer la dignité à chacun et chacune, et ça passe par le logement. Dans ces Assises, nous créerons des groupes de travail pour faire des propositions. Je veux prendre la parole au niveau national sur le logement, dire la méthode montpelliéraine, remettre la question du logement dans le pacte républicain. »

Et l'élu de conclure : « Ne soyons pas pleurnichards, soyons conquérants »...

Un Plan d'urgence Logement de 100 millions d'euros voté en juillet 2023

Le 11 juillet 2023, le conseil métropolitain de Montpellier a voté un Plan d'urgence pour le logement de 100 millions d'euros pour tenter d'endiguer la crise du logement sévère qui touche Montpellier comme toutes les métropoles françaises. Parmi les 13 mesures, figurent :

  • Un fonds de 20 millions d'euros sur deux ans (2023 et 2024) en soutien
 aux bailleurs sociaux dans le cadre de
 la convention de délégation des aides
 à la pierre conclue entre l'État et la Métropole. Son objectif : accélérer la construction de logements sociaux. Dans le parc privé de la Métropole, 75% des locataires sont éligibles au logement social (contre 60% au niveau national).
  • Un coup d'accélérateur sur le bail réel solidaire (BRS), dispositif de l'accession à la propriété, avec l'ambition de proposer 700 logements de 30 à 50% moins chers que le marché en 2023 et 2024.
  • À partir du 3 octobre, l'Aide Plan Climat de la Métropole (aide à la rénovation énergétique des logements) passe de 1.300 à 2.600 euros pour les propriétaires, copropriétaires, habitants ou bailleurs, d'un logement individuel ou en copropriété, et sans condition de ressources.

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 22/09/2023 à 19:05
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Ceux sont les mêmes qui veulent sauver la planète..l’escroquerie continue

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