Pénurie de main d’œuvre dans le tourisme : « Ce sera difficile à résoudre dès cet été » (Olivia Grégoire)

La ministre déléguée en charge des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, était à La Grande Motte le 8 juillet pour prendre le pouls du secteur touristique à l’heure du grand rush estival. Professionnels de l’hôtellerie de plein air ou de la restauration sont venus exposer leurs difficultés, notamment celles du recrutement de personnel.
Cécile Chaigneau
La ministre déléguée en charge des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, était à La Grande Motte le 8 juillet, aux côtés du préfet de l'Hérault, Hugues Moutouh.
La ministre déléguée en charge des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, était à La Grande Motte le 8 juillet, aux côtés du préfet de l'Hérault, Hugues Moutouh. (Crédits : Cécile Chaigneau)

Pour son premier déplacement depuis sa nomination dans le gouvernement Borne 2, Olivia Grégoire, ministre déléguée en charge des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, est venue rencontrer les acteurs du tourisme à La Grande Motte, haut lieu historique du tourisme français.

Alors que la saison estivale entre dans sa phase haute et que le préfet de l'Hérault, Hugues Moutouh, annonce une augmentation de 30% de la fréquentation touristique cette année par rapport à 2021, les professionnels accumulent les difficultés, qu'ils ont exposées à la ministre : au-delà des inquiétudes sur les effets d'un pouvoir d'achat en berne et d'un budget vacances largement amputé par le coût du carburant, tous évoquent en premier lieu la problématique de recrutement. Les métiers sont en tension maximum et certains établissements risquent de ne pas ouvrir en pleine capacité faute de main d'œuvre...

« Il faut arrêter de diaboliser nos métiers »

Aux avant-postes, Jacques Mestre, le président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) dans l'Hérault (1.000 adhérents) : « Le vrai problème que nous avons, c'est l'emploi, alors que les salaires ont été revalorisés. Dans mon entreprise, les premiers salaires sont à 2.000 ou 2.500 euros nets, et c'est bien plus en cuisine ! Mais plus personne ne veut travailler le samedi et le dimanche. Pourtant, il y a bien des métiers où c'est pareil, les cinémas, les boulangeries, etc. Il faut arrêter de diaboliser nos métiers ! Pour ceux qui travaillent, l'hébergement est un problème : à La Grande Motte par exemple, ils trouvent des studios à 400 euros la semaine, ce qui engloutit une grosse partie de leur salaire. Et j'ai oublié le problème du transport pour rentrer tard le soir quand ils habitent loin ! Enfin, il y a trois mois, j'ai voulu mettre en place une formation avec la CCI, Pole Emploi et la Mission Locale : on proposait quatre mois de formation et un mois dans l'entreprise. A la sortie, seulement six candidats ont voulu travailler et je ne les ai pas formés car ça coûtait trop cher pour seulement six personnes... Il faut faire quelque chose et rapidement car l'an prochain, ce sera la catastrophe ! ».

« Le point 1 du plan tourisme, c'est la formation et la revalorisation des métiers pour créer une filière d'excellence, répond la ministre. Il y a du quantitatif et du qualitatif à faire... En octobre 2021, le gouvernement a lancé un plan de réduction des métiers en tension doté de 1,4 milliard d'euros dont 800 millions d'euros centrés uniquement sur les demandeurs d'emploi. Au 5 juin dernier, Pôle Emploi avait pourvu 1,2 millions d'offres d'emploi dont 150.000 dans le secteur CHR (café-hôtellerie-restauration, NDLR).

Exonération de cotisations contre formation ?

Bernard Cabiron est traiteur à Montpellier. Il est aussi président national de la branche traiteurs du GNI (groupement national des indépendants) et vice-président national de l'association Traiteurs de France. Une profession qui subit elle aussi la pénurie de main d'œuvre.

« Le problème n'est pas la rémunération, les salaires ont été revalorisés et sont à 5% au-dessus du Smic, analyse-t-il. Le problème, c'est la flexibilité du travail : depuis le confinement, on a pris l'habitude de travailler quand on veut. Or nos métiers sont des métiers de services et aujourd'hui, il est encore plus difficile de trouver des personnes qui veulent travailler quand les autres font la fête. On est volontaire pour les former mais le coût n'est pas neutre. Je fais donc une suggestion : faire comme en agriculture quand de nouveaux entrants arrivent dans un métier, la première période d'emploi, en général d'une semaine, est considérée comme un stage exonéré de cotisations sociales et elle permet de former les gens à moindre coût. »

Une maison du travail saisonnier

Olivia Grégoire, elle, répond « contrat d'engagement Jeune ». Ce dispositif, en vigueur depuis mars 2022, s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et présentent des difficultés d'accès à un emploi durablement. Mis en œuvre par Pôle emploi et les missions locales, il propose un accompagnement individuel avec un objectif d'entrée plus rapide dans l'emploi.

Eve Deloffre, directrice adjointe de la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de l'Hérault, annonce qu'à ce jour, « 4.500 contrats d'engagement jeune ont été signés dans le département, sur les 9.000 à pourvoir, et nous les avons orientés sur les métiers en tension ».

Autre annonce faite par la DREETS : « Une maison du travail saisonnier va être créée sur ce territoire (autour de La Grande Motte, NDLR), qui sera financé par l'Etat. Il en existe déjà une à Agde et une autre a été supprimée à Béziers. La future maison du travail saisonnier ciblera les problématiques locales, comme le recrutement, l'hébergement saisonnier ou le transport ».

Chacun est bien conscient que les difficultés de recrutement sont structurelles.

« Ce qui m'inquiète, c'est que les tensions sont plurielles, et évidemment, ça va être difficile de résoudre ce problème pour cet été, reconnaît Olivia Grégoire. Ce qui me frappe, c'est qu'en 2017, j'étais arrêtée dans la rue par des gens qui me disaient ne pas trouver de travail, et cinq ans après, c'est l'inverse : je croise des entrepreneurs qui cherchent à recruter et ne trouvent pas. Et c'est une bonne chose, c'est encourageant. On est passé d'un taux de chômage de 9,4% à 7% aujourd'hui, et à 5%, c'est le plein emploi ! Donc il y a eu un ré-engagement des Français au travail. Sur le dernier quinquennat, nous n'avons pas sous-estimé le problème : nous avons mis 15 milliards d'euros dans le plan d'investissement dans les compétences, il y a aujourd'hui quasiment un million de jeunes apprentis, le plan "un jeune une solution" a permis à des centaines de milliers de jeunes de trouver un emploi, et le taux de chômage des jeunes n'a jamais été aussi bas. »

Camping : la France risque de se faire doubler

Autre problème structurel rapporté par les opérateurs de l'hôtellerie de plein air : une érosion du nombre de campings en France.

« Cette année, on devrait faire mieux qu'en 2019 et dépasser les 130 millions de nuitées, alors que le record est à 129 millions, déclare Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air. Mais on perd 100 campings par an et on a perdu 60.000 emplacements en dix ans, notamment en raison de problème d'adaptation à la réglementation. Le modèle économique d'un camping est difficile à trouver car il nécessite de gros investissements et les charges de maintenance sont lourdes... En France, on compte environ 7.600 campings pour 3.000 en Italie et on fait le même chiffre d'affaires, soit 3 milliards d'euros. Alors qu'on pourrait monter à 4 ou 4,5 milliards si on réhabilitait certains établissements. On ne demande pas à créer de nouveaux campings ou à faire des extensions mais on aimerait juste optimiser ce qui existe. Aujourd'hui, ceux qui meurent figurent parmi les 500 campings 1 ou 2 étoiles car les classes populaires n'y vont pas. 49% des campings ont 3,  4 ou 5 étoiles et réalisent 85% des nuitées et 92% du chiffre d'affaires... On compte 3.000 petits campings  français de moins de 60 places qui pourraient faire du camping insolite mais qui sont bloqués car cela nécessite des aménagements réglementaires. Aujourd'hui, la France est le 1er pays d'Europe sur le camping mais on risque de se faire doubler, par l'Italie, la Grande-Bretagne, la Croatie ou l'Allemagne. »

« Je vous solliciterai fin août pour regarder les entraves, promet Olivia Grégoire. Je rappelle qu'en novembre 2021, Jean Castex a lancé le plan Destination France, doté de 2 milliards d'euros pour accompagner les 2 millions d'entrepreneurs du tourisme. Ce plan a quatre objectifs : favoriser le recrutement et renforcer la filière de formation touristique en France, renforcer la résistance du secteur touristique et accompagner sa montée en qualité, opérer une transformation du secteur pour un tourisme plus durable, et traiter les enjeux du tourisme patrimonial. Il s'agit aussi de simplifier le cadre réglementaire de l'hôtellerie de plein air qui compte beaucoup de normes, dont certaines qui sont bloquantes. »

Cécile Chaigneau

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Commentaires 3
à écrit le 11/07/2022 à 7:52
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Certaines entreprises sont "en recrutement permanent" selon leurs propres termes. Des CDD payés au SMIC conclus pour une durée au maximum de 2 semaines qui se succèdent ou pas selon les besoins de l'entreprise. Des horaires décalés. Vous avez l'o...

à écrit le 09/07/2022 à 8:49
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Il suffit d'augmenter les salaires et d'améliorer les conditions de travail pour attirer la main d'oeuvre, non ? . N'est-ce pas la loi du marché que prônent nos élites économiques ? Y'a pas que les ingénieurs et les hauts fonctionnaires qui doivent ê...

à écrit le 08/07/2022 à 20:44
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le pb c'est que c'est comme chez jacques martin, tout le monde a raison....ceux qui ont tire sur la corde jusqu'au bout payent, et ceux qui ne l'ont pas fait payent aussi, peut etre un peu moins....le retour de balanceier c'est quand les restos vont ...

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