Recyclage : SAO Textile veut offrir une seconde vie aux filets de pêche

Du filet au fil. C’est le projet de la toute jeune entreprise SAO Textile, créée en février dernier dans l’Hérault : transformer des filets de pêche usagés en textile écoresponsable. Sa fondatrice, Marine Olacia, raconte cette aventure entrepreneuriale qui vise à faire de SAO Textile un tisserand nouvelle génération.
Cécile Chaigneau
La toute jeune entreprise héraultaise SAO Textile veut transformer les filets de pêche en textile écoresponsable fabriqué en France.
La toute jeune entreprise héraultaise SAO Textile veut transformer les filets de pêche en textile écoresponsable fabriqué en France. (Crédits : Antonin Grenier)

« Sao est la divinité grecque qui protégeait les marins », rappelle Marine Olacia, la fondatrice de l'entreprise à mission SAO Textile, en février dernier, au sein de la pépinière d'entreprises Gigamed de Bessan (Hérault).

Son métier d'origine, c'est styliste. Un métier qui lui fait porter un regard aiguisé sur le monde de la mode et du textile : « En voyageant, j'ai pu observer les impacts de la fast-fashion, notamment au Bangladesh où j'ai vu l'impact de l'industrie textile sur l'environnement et le social. J'ai eu envie de travailler différemment et de changer l'industrie de la mode en retrouvant du sens. Lors d'une action de dépollution avec une association environnementale dont je suis bénévole, nous avons récupéré dix tonnes de filets de pêche ».

L'idée est née ainsi : réduire l'impact des déchets marins sur l'environnement en recyclant des filets de pêche usagés en textile écoresponsable. L'idée n'est pas nouvelle, d'autres ayant déjà commencer à l'explorer. Mais pour s'approvisionner, l'entrepreneuse n'a presque qu'à tendre la main dans les eaux bleues de la Méditerranée, dont SAO Textile rappelle qu'elle est « l'une des plus polluées au monde selon un rapport de WWF en 2018 : à eux-seuls, les 640.000 tonnes de filets de pêche perdus en mer ou rejetés chaque année au fond des océans (800 tonnes pour la France) représentent plus de 10% de la pollution plastique sous-marine ». En fin de vie, les filets de pêche, dérivés du plastique et dont la durée de dégradation est estimée à plusieurs centaines d'années, deviennent des déchets destinés à être enfouis ou incinérés.

Des filets de senne à thon

Pour répondre au problème de la gestion de ces déchets en même temps qu'à celui de la surproduction dans l'industrie de la mode, SAO Textile a travaillé avec des ingénieurs textiles pour mettre au point un procédé de valorisation des différents types de filets de pêche, afin d'obtenir un fil 100% recyclé ne nécessitant pas d'apport de matière vierge.

« Je travaille depuis deux ans à ce projet, indique Marine Olacia. Les filets que je traite sont les filets de senne à thon. Sète est le port principal de pêche au thon rouge et les filets en fin de vie ne sont pas valorisés. J'ai cette ressource entre les mains : je savais qu'on pouvait en faire du textile... Je travaille avec un centre de recherche spécialisé dans les textiles innovants en France (identité non communiquée, NDLR). Nous découpons le filet, et par processus thermo-mécanique, nous le transformons en granulé, que nous ferons ensuite fondre afin ensuite de texturiser un filament qu'on peut tisser ou tricoter. La preuve de concept a été faite : nous sommes capables de valoriser les filets de pêche à 100%, sans ajout de matières chimiques. »

Sur son site internet, SAO Textile le promet : « La création d'un fil recyclé en France permettra d'économiser près de 2,29 kg équivalent CO2 par tonne de fibre, soit 700 kg de pétrole brut par tonne de fibre ».

Identifier les stocks dormants de filets

En seulement quatre mois, ce tisserand nouvelle génération a récupéré 15 tonnes de filets de pêche usagés et en fin de vie, qui ne finiront ni enfouis, ni incinérés. Marine Olacia ajoute être en train d'« identifier les stocks dormants de filets chez les pêcheurs ». Elle mise également sur des dons volontaires des pêcheurs avec lesquels elle est en contact direct et indique se rapprocher « de la coopérative maritime, accompagnée par le syndicat mixte du bassin de Thau ».

Dans son modèle économique, la jeune femme prévoit « d'abord de sous-traiter la fabrication via des partenariats, ce qui permettra de redynamiser la filière textile française », évoquant notamment, en Occitanie, « la Filature du Parc, une filature de matière naturelle qui traite le lin, la laine et le coton » (à Brassac dans le Tarn), ou d'autres ressources possibles du côté de Grenoble.

« Nous adresserons d'abord le marché du BtoB en ciblant des marques françaises qui veulent produire et se sourcer en France, précise la fondatrice. Aujourd'hui, cinq m'ont déjà dit être intéressées car nous garantissons la traçabilité des filets et nous valorisons un déchet jusqu'à présent destiné à l'enfouissement. Par la suite, à horizon de deux ou trois ans, nous souhaiterions développer une marque de vêtements de sport. »

Côté financement, l'entrepreneuse s'est dans un premier temps autofinancée : « Pour la première phase de R&D, j'ai été accompagnée par la CCI de l'Hérault et j'ai perçu une subvention "Start'Occ projet" de la Région Occitanie. J'ai aussi pu compter sur de la love-money auprès de mon entourage. Mon dossier de Bourse French Tech est en cours et j'ai candidaté à l'appel à projets Avenir Littoral, dont la réponse est annoncée pour l'automne prochain... Mais aujourd'hui, j'ai besoin de faire de la pré-série pour montrer que le modèle industriel existe. Il me faut donc des financements plus importants, de la part d'investisseurs et d'industriels, pour le changement d'échelle... Je prévois donc une levée de fonds auprès de business-angels, qui permettra de faire effet levier auprès des banques. »

Cécile Chaigneau

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