« La crise va accélérer le phénomène des tiers-lieux, observe Vincent Gatin, responsable de Lozère Développement, l'agence d'attractivité, d'accueil et d'innovation territoriale du Département de la Lozère, à Mende. Après le premier confinement, TF1 a diffusé un reportage sur la Lozère et nous avons reçu 600 coups de téléphone de personnes qui se renseignaient. Nous avons déjà beaucoup plus de sujets à traiter, et on arrête de faire de la communication car c'est déjà trop à gérer... On sent que les gens sont en recherche de sens, ont envie de se mettre à leur compte et cela aura un impact sur les tiers-lieux. »

Véritables phénomènes, les tiers-lieux agissent comme des laboratoires au cœur des territoires, permettant de faire évoluer les pratiques, de lancer des expérimentations et ainsi de faire émerger collectivement des réponses concrètes aux grands défis en contribuant aux transitions technologique, économique, écologique, démocratique.

Et la crise sanitaire liée au Covid-19 confirme leur utilité : installation à la campagne, télétravail, solidarité numérique, économie de proximité... En milieu rural, ils permettent, par une remobilisation citoyenne, de créer ou recréer des liens, de faire société autour de projets collectifs.

Parfois difficiles à appréhender mais aussi formidablement malléables pour s'adapter aux spécificités de chaque espace de vie, les tiers-lieux sont une opportunité pour le développement des territoires.

150.000 euros sur trois ans

C'est la raison pour laquelle Lozère Développement a candidaté à l'appel à manifestation d'intérêt "Fabriques de territoire" lancé par le gouvernement et visant à soutenir le développement des tiers-lieux et la structuration et professionnalisation du réseau de ces lieux hybrides. Elaboré en collaboration avec le Conseil départemental de la Lozère, le projet était retenu fin 2020. Il consacre une dynamique collective de structures regroupées dans le tiers-lieu POLeN (pôle lozérien d'économie numérique) à Mende : l'association Num'n Coop, l'agence régionale Ad'Occ et la Communauté de communes Cœur de Lozère.

Le label "Fabriques de territoire" dote chaque lauréat d'une subvention de 150.000 euros sur trois ans qui permettront de « financer de l'ingénierie et du temps humain ». Objectif : promouvoir le travail collaboratif, l'inclusion numérique et l'innovation en Lozère, et accompagner les tiers-lieux du territoire à émerger et se pérenniser.

« A POLeN, on faisait déjà ce travail d'accompagnement mais en marge de Lozère Développement, témoigne Vincent Gatin. Avec le label "Fabrique de Territoires", je peux mobiliser une personne supplémentaire sur l'accompagnement d'autres lieux avec même dynamique à Florac, Marvejols, Langogne, etc... Ça fait un appel d'air et nous donne du temps pour se parler entre accompagnateurs de projets de tiers-lieux. Or la Région Occitanie ayant été active avec son appel à projet Tiers-lieux, il doit y en avoir une centaine en Occitanie. »

Des lieux où retrouver une communauté

La Lozère compte déjà 17 sites considérés comme des tiers-lieux, « dont quatre ou cinq qui sont de véritables tiers-lieux, comme La Pompe à Florac ou l'Anti-Rouille à Mende, et une dizaine de lieux de médiation numérique », précise Vincent Gatin. Car les tiers-lieux forment une grande famille disparate de lieux hybrides, certains destinés à répondre à un besoin croissant d'accompagnement numérique dans le quotidien des Lozériens (culture, inclusion, accès au droit) ou dans le cadre du travail à distance (télétravail, marketing...), d'autres qui rassemblent des porteurs de projets divers ou dans un secteur d'activité qui les rapprochent.

« L'État voit les tiers-lieux comme des espaces où former au numérique. Avec la crise sanitaire, tout le monde a pris le pas de la visio-conférence et se met au télétravail. Ça bouge beaucoup... Au départ, l'approche était très économique, type mini-pépinière d'entreprises. Mais en fait, les gens veulent un lieu agréable, ou il y a de la vie, ils veulent de petits bureaux individuels avec des espaces collectifs où retrouver une communauté. Des lieux juste équipés, ça ne marche pas... »

Gouvernance élargie, modèle à réinventer

Mais les projets sont souvent complexes à monter « car il faut un projet artistique ou citoyen, un porteur de projet, un bâtiment, créer un esprit autour du lieu, apporter de l'animation, et c'est tout ça qu'on accompagne », ajoute Vincent Gatin.

Ce type de projet exige par ailleurs de s'approprier une nouvelle culture de l'initiative, de l'innovation et du risque, avec une gouvernance élargie et un modèle économique à réinventer. C'est pourquoi ils nécessitent une démarche structurée et un accompagnement méthodologique.

D'autant qu'ils peuvent mêler l'initiative privée et publique : « Les Communautés de communes portent en général des équipements de médiation numérique pour les usagers, mais ce n'est pas suffisant donc on ajoute quelques tables pour proposer du coworking, petit à petit, le lieu évolue, et on renforce en rajoutant une brique tiers-lieux, détaille Vincent Gatin. En zones rurales, le privé et le public peuvent se croiser à un moment donné, notamment quand une collectivité a un bâtiment qui peut servir à accueillir un projet privé ».

Cécile Chaigneau

03 Févr 2021, 14:41

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