Plan quantique : « Il faut identifier les cas d’usage et créer un vivier quantique en France » (Xavier Vasques, IBM Systems)

INTERVIEW. Depuis 2018, IBM a installé à Montpellier son premier et encore unique centre quantique. Alors qu’Emmanuel Macron a lancé, le 21 janvier, un ambitieux plan quantique français de 1,8 milliard d'euros pour faire de la France un leader du secteur, Xavier Vasques, directeur mondial des centres technologiques IBM Systems, décrypte les promesses et les enjeux de cette technologie révolutionnaire qui intéresse de nombreux secteurs industriels, et précise quelle sera l’implication d’IBM dans cette stratégie.
Cécile Chaigneau
Xavier Vasques, directeur mondial des centres technologiques IBM Systems.
Xavier Vasques, directeur mondial des centres technologiques IBM Systems. (Crédits : IBM)

La Tribune - Pouvez-vous rappeler ce qu'est l'informatique quantique et quel est ce virage que la France ne doit pas manquer de prendre ?

Xavier Vasques - Cette technologie qui fait partie du monde sous-atomique. La plupart des phénomènes naturels sont régis par des lois physiques, comme la relativité d'Einstein. Alors qu'il existe un autre monde, celui de l'infiniment petit. L'informatique quantique utilise les lois et les propriétés physiques et mathématiques de l'infiniment petit, fondées notamment sur le principe de superposition : quand l'ordinateur standard est régi par le binaire, des 0 et des 1, l'informatique quantique utilise des Qubits, c'est à dire des bits quantiques qui peuvent prendre différentes probabilités utilisant à la fois le 0 et le 1. Ce qui permettra de faire des calculs complexes, difficiles à faire avec les technologies d'aujourd'hui.

En 2018, IBM a ouvert un centre quantique à Montpellier et initié un partenariat avec l'Université de Montpellier. Quelle est sa vocation ?

Ce centre quantique est unique en France. Il a aussi été l'occasion de signer le premier partenariat avec une université, l'Université de Montpellier, soutenu par la Région Occitanie, Carole Delga (la présidente de la Région Occitanie, NDLR) ayant une vraie vision stratégique sur l'avenir de l'informatique quantique. Le plan lancé par Emmanuel Macron aujourd'hui prouve qu'on a eu raison... Ce centre montpelliérain a deux missions. Tout d'abord, développer et nouer des partenariats avec l'écosystème français, et promouvoir l'informatique quantique en France. Sa 2e mission, c'est d'aider les grands partenaires d'IBM sur le quantique à développer leurs algorithmes et à les porter sur nos 22 machines dans le monde. L'ordinateur quantique est plus qu'un supercalculateur. Il est un accélérateur pour des problèmes impossibles à résoudre avec l'ordinateur le plus puissant du monde, ce qui peut intéresser les secteurs de l'intelligence artificielle, de la santé, de la chimie, de la logistique, de la santé, etc.

Le plan quantique de 1,8 milliard d'euros annoncé par Emmanuel Macron est-il suffisamment ambitieux pour la France ?

C'est un plan qu'il était temps d'avoir. A Montpellier, nous avons une vision mondiale des choses, et nous avons vu des pays investir sur le quantique, notamment les Etats-Unis, la Chine mais aussi l'Allemagne qui a investi 150 millions d'euros l'an dernier et vient de rajouter des financements au travers de son plan de relance. Nos équipes à Montpellier travaillent déjà avec l'Allemagne, pour aider à développer leurs machines et des cas d'usage. Nous considérons que ce plan quantique est une très bonne chose pour la France. On parle beaucoup de souveraineté nationale aujourd'hui. Il est donc important de développer sa propre technologie et de ne pas mettre ses œufs dans le même panier... Installer un calculateur quantique en France sera un projet à la main du gouvernement. Par exemple, en Allemagne, le gouvernement a décidé de se doter de l'ordinateur quantique d'IBM. Même chose au Japon.

Dans le plan de 1,8 milliard d'euros pour booster l'informatique quantique, on compte des fonds publics (1 milliard d'euros par l'État français), des fonds européens (200 millions d'euros), mais aussi des fonds privés (550 millions d'euros) dont IBM. Quelle sera la contribution d'IBM ?

Elle devrait se faire par projets via des partenariats publics-privés. En fonction, nous pourrons fournir de l'expertise, des moyens, etc... L'ordinateur quantique reste un projet de recherche, même si IBM a déjà une feuille de route sur le quantique : nous allons doubler le volume quantique tous les ans et augmenter le nombre de Qubits produits chaque année, c'est à dire 127 cette année, 433 l'an prochain et 1.121 en 2023, et ceci afin de permettre à nos clients de faire tourner leurs algorithmes dès aujourd'hui de manière à ce que, dans quelques années, ces algorithmes tirent bénéfice de la technologie quantique.

Quels sont les premiers enjeux de cette stratégie française d'investissement sur l'informatique quantique ?

Il faut identifier et développer les cas d'usages, et renforcer les compétences au travers de filières de formation, et le centre de Montpellier en sera partie prenante... Les grands groupes et les start-ups développent déjà des cas d'usage pour bénéficier de cet avantage quantique dans quelques années. Il est donc crucial d'aider à développer ces cas d'usage en France. Par exemple, aujourd'hui il est difficile de modéliser la réactivité d'une molécule un peu complexe, alors que le quantique le permettra. Cela ouvrirait la porte à la médecine personnalisée et ce serait un accélérateur de molécules thérapeutiques pour les vaccins. Pour donner un autre exemple, les batteries sont notamment faites avec du lithium, ce qui a un impact sur l'environnement : le quantique permettra de travailler sur les batteries du futur, propres, rechargeables et qui durent plus longtemps... Il existe des cas d'usage aussi dans la finance, pour de l'optimisations de portefeuilles. Ou dans l'intelligence artificielle.

Cette stratégie doit donc aussi travailler la question de ses compétences sur le sujet...

C'est fondamental. Il faut créer un vivier quantique en France dès maintenant. C'est une manière pour le pays d'attirer les investissements étrangers et des talents. Dans le cadre de notre partenariat, l'université de Montpellier a ouvert des formations, des thèses avec des industriels ont démarré, des filières qui se mettent en place. Il y a des chercheurs qui émergent et qui publient aujourd'hui dans le monde entier. Nous sommes en discussion pour ouvrir d'autres partenariats avec d'autres universités en France, notamment à Saclay, mais aussi avec le privé.

Cécile Chaigneau

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Commentaires 4
à écrit le 25/01/2021 à 21:28
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"de 1,8 milliard d'euros pour faire de la France un leader du secteur, Xavier Vasques, directeur mondial des centres technologiques IBM Systems". Pour résumer , du pognon français va finir dans les poches d'une boite américaine qui fait un PSE en ...

le 26/01/2021 à 5:14
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Du pur Hollande/Macron ... et le pire est que les autres n'auraient pas fait mieux. Il ne nous reste plus qu'à financer le quantique d'Alibaba/Tencent/Huawei ...

à écrit le 25/01/2021 à 18:54
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Identifier les cas d'usage c'est faire preuve de l'inutilité de buzz quantique... sauf pour les poches subventionnées de ses promoteurs.

à écrit le 25/01/2021 à 17:39
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Faites donc! C'est fait avec l'argent des français mais cela ne servira nullement les français!

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