Artisanat d’art : à Montpellier, un dinandier fait de la résistance

La dinanderie est un métier qui se fait oublier. À Montpellier, un artisan a créé son atelier il y a deux ans. Mais François Kivig ne se contente pas de reproduire les savoir-faire ancestraux de sa profession : il tente de la moderniser en intégrant des techniques innovantes, comme le recours à l’imprimante 3D.
Cécile Chaigneau
François Kivig, dinandier à Montpellier.
François Kivig, dinandier à Montpellier. (Crédits : DR)

Le dinandier est en quelque sorte un artisan d'art en voie de disparition... Mais qui sait aujourd'hui ce qu'est la dinanderie ? Car c'est bien là le problème de l'artisan montpelliérain François Kivig, qui déplore cette méconnaissance et l'invisibilité de la profession qui en résulte.

La dinanderie consiste à mettre en forme par martelage des feuilles de métaux comme le cuivre, le laiton, l'argent ou l'étain, après avoir éventuellement opéré des traitements thermiques spécifiques afin de restaurer l'aptitude du matériau à la déformation.

C'est en 2016 que François Kivig, qui travaillait jusqu'alors dans le bâtiment, s'est décidé à embrasser la profession « par passion ». Une profession qu'exerçaient avant lui plusieurs de ses ancêtres, son père et son grand-père lui ayant transmis les fondamentaux. Il crée les Ateliers F.K. et s'installe sur le secteur de Garosud à Montpellier.

« Dinandier, c'est la partie noble de la chaudronnerie, déclare François Kivig. Je suis la 4e génération à faire ce métier dans la famille. Je suis dinandier mais aussi orfèvre, car dans ma famille, on a développé l'orfèvrerie, notamment religieuse. Je travaille le cuivre, le laiton, le zinc, l'argent ou l'or, et je peux fabriquer des objets allant d'une petite cuillère jusqu'à une baignoire, mais aussi des fonds baptismaux, des objets de cuisine ou des casseroles, des objets de décoration, des luminaires la lustrerie étant une partie importante. Je fabrique mais je restaure aussi. »

Le seul en Occitanie ?

Ils ne seraient qu'une petite douzaine de dinandiers en France. Et François Kivig pense être le seul en Occitanie. Pourquoi ce métier disparaît-il peu à peu ?

« Le cuivre s'est éteint petit à petit et aujourd'hui, on ne voit bien que quelques chefs qui travaillent avec des casseroles en cuivre, observe François Kivig. C'est un métier qui s'est perdu par effet de mode et en plus, aujourd'hui, il n'existe pas de formation pour être dinandier, hormis une option dans une école parisienne... Personne ne sait qu'on fait encore ça. Et le marché est fermé par de grosses entreprises, de lustrerie par exemple. »

Depuis deux ans, François Kivig travaille seul. Pour se démarquer et dépoussiérer sa profession, il n'hésite pas à intégrer des techniques innovantes aux gestes ancestraux.

« Je travaille à la main, ce qui me permet de repousser les limites des machines pour recréer un objet à partir d'une photo, d'un dessin ou de n'importe quelle pièce historique. Par exemple, refaire d'anciennes lanternes... Mais je modélise aussi avec une imprimante 3D afin d'avoir une vue de l'ensemble. Ça permet aux clients de se rapprocher de la réalité et de travailler sur le projet en amont. J'ai aussi comme idée de scanner les objets en restauration pour en faire un archivage, ce qui permettrait de s'y référer pour restaurer plus tard l'objet en son état initial. »

Du piano de cuisine à la cathédrale

En création, François Kivig travaille pour des particuliers ou pour l'hôtellerie et la restauration haut de gamme, comme l'hôtel des Pyrénées tenu par la famille Arrambide à Saint-Jean-Pied-de-Port, ou l'hôtel du Palais à Biarritz. Mais la restauration du patrimoine reste la plus grosse partie de son activité, qu'il peut exercer pour le compte de collectivités, des Monuments historiques ou d'associations.

« Pour la création, l'artisan est confronté à des pièces faites en série, il n'est donc pas compétitif, note-t-il. En restauration, je refais entièrement le piano de cuisine du Château de la Piscine à Montpellier, un piano à l'ancienne en fonte et en laiton, avec un vieux système de tournebroche. On m'a aussi demandé, pour la cathédrale de Mende, de créer un système mécanique pour pouvoir descendre et remonter les tapisseries. Je suis en train d'y travailler avec un ingénieur. J'utilise la 3D, j'essaie d'amener de l'innovation pour repousser les limites du savoir-faire avec des techniques d'aujourd'hui. Ça ouvre le champ des possibles pour la restauration du patrimoine. »

Bientôt MOF ?

L'artisan est actuellement en finale du Meilleur Ouvrier de France (MOF) pour laquelle il fabrique un baptistère en laiton. Ils sont trois dinandiers en lice, pour un résultat début 2019. Pour le Montpelliérain, le premier de sa famille à se présenter au célèbre concours, l'enjeu est double : « Cela me permettrait de retrouver une visibilité mais ce serait aussi une satisfaction vis-à-vis de mon père et de mon grand-père ».

Lauréat d'un appel à projet de la fondation EY en 2017, qui lui vaut un accompagnement de deux ans, François Kivig a aussi décroché un prix Vieilles Maisons Françaises la même année, une distinction qui lui a permis de remporter le projet du Château de la Piscine.

Cécile Chaigneau

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