Crise de l’immobilier : Michaël Delafosse (ignoré par le ministre de passage à Montpellier) lance des ateliers du logement

Le salon de l’immobilier de Montpellier s’est tenu du 15 au 17 mars dans un contexte de crise aiguë du logement et du bâtiment tout entier. Le maire de la capitale languedocienne, Michaël Delafosse, a largement fait comprendre sa surprise concernant la venue du ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, quelques jours avant, sans même passer par la case mairie… L’édile lance des ateliers du logement en espérant apporter localement des réponses à un secteur qu’il estime abandonné en rase campagne par le gouvernement.
Cécile Chaigneau
Michaël Delafosse au salon de l'immobilier de Montpellier, le 15 mars 2024, regrette que le ministre du Logement, invité par Midi Libre quelques jours plus tôt, ne soit pas venu le rencontrer.
Michaël Delafosse au salon de l'immobilier de Montpellier, le 15 mars 2024, regrette que le ministre du Logement, invité par Midi Libre quelques jours plus tôt, ne soit pas venu le rencontrer. (Crédits : Cécile Chaigneau)

En pleine crise du secteur du logement, de l'immobilier et du bâtiment en général, les allées du salon de l'immobilier de Montpellier (du 15 au 17 mars) étaient plus clairsemées mais le salon s'est maintenu. Les organisateurs, chez Cible Publicité, aiment à dire qu'il est l'un des rares salons en France à avoir résisté, Guilhem Michel ajoutant que cette année, « ça a été dur de le sortir ». L'impact de la crise sur le salon montpelliérain, habituellement plutôt bien fréquenté en raison de la dynamique de marché, a été palpable et l'organisateur avance le chiffre de 2.100 visiteurs (unique chiffre disponible), contre 4.300 l'an dernier...

C'est le maire de la ville et président de la Métropole de Montpellier, Michaël Delafosse (PS), qui a ouvert les festivités, avec un discours de mobilisation mais aussi très ouvertement agacé. Quelques jours avant, le 11 mars, le nouveau ministre du Logement Guillaume Kasbarian était en déplacement à Montpellier, invité par le quotidien régional Midi Libre pour un échange avec ses lecteurs. L'élu montpelliérain semble avoir peu goûté que le ministre ne daigne pas lui faire un signe.

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« Les élus ne peuvent pas être seuls »

« Le ministre du Logement, qui vient sur ce territoire où il y a une telle dynamique, où l'on fait du réinvestissement urbain à la Restanque, de la surélévation à la Cité Créative ou de la transformation de bureaux en logements sur le site de Groupama, aurait pu venir discuter avec les élus, single l'édile montpelliérain. Les élus locaux ne peuvent pas être seuls sur ces sujets, certaines dispositions relèvent du législateur ou de la loi de finances. Aujourd'hui, il y a un acteur qui ne répond plus présent sur le logement, c'est le gouvernement ! (...) Je veux mettre le sujet du logement à l'agenda national. Les maires doivent prendre ensemble une forme de leadership. Que le ministre vienne à Montpellier et je lui ferai une proposition : libérer du foncier public d'Etat ».

L'élu local rappelle que la métropole a voté un plan Logement d'une centaine de millions d'euros en juillet 2023 (dont 78 pour la production de logements sociaux, 23 pour l'accession abordable). Et tacle certaines des mesures proposées par Guillaume Kasbarian, notamment la digitalisation des procédures, déjà largement utilisée sur la chaîne de fabrication de la ville... Michaël Delafosse s'insurge également avec virulence sur la volonté du gouvernement de revenir sur la loi SRU : « Elle a survécu à tous les gouvernements de gauche et de droite car elle fait consensus, et aujourd'hui, on voudrait revenir dessus car il y a des maires qui ne veulent plus construire sur leur territoire ?! ».

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« Une bombe à fragmentation »

Aux acteurs de l'immobilier présents, Michaël Delafosse dit vouloir « prendre sa part » et tenter de répondre à la crise en cours : « La machine est grippée partout en France, peut-être un peu moins ici qu'ailleurs. Nous avons donné de la visibilité sur les zones aménagées avec le choc de l'offre (voir encadré, NDLR), ce qui permet aujourd'hui de voir quelques grues ! La doctrine gouvernementale sur le logement est totalement chahutée, avec notamment la fin du dispositif Pinel ou la mise en œuvre du ZAN, mais je n'ai pas vu de signal pour remobiliser l'économie de l'immobilier. Demain on aura des tensions sur les prix, les finances locales seront fragilisées et les plans sociaux arrivent ! Ce raisonnement nous interroge. (...) Certains parlent de bombe sociale, je crois que c'est une bombe à fragmentation si on ne la résout pas. Et la seule réponse ne peut être l'offre, l'offre, l'offre ! ».

Le président de la Métropole annonce donc le lancement des « ateliers du logement » avec l'ambition de mettre les problèmes sur la table et d'y apporter des réponses : « S'il y a un projet de loi Logement, les acteurs montpelliérains peuvent nourrir la réflexion du législateur. Et parallèlement, nous allons travailler sur les nouveaux projets, comme la redynamisation de l'opération Ode à la Mer avec un nouvel urbaniste. On pilote le présent, ça tangue, mais on reste mobilisés ». Avec un espoir : avoir de la lisibilité quand la crise s'estompera.

Une vingtaine de chefs de projet d'Altémed (bras armé de la métropole sur l'urbanisme et le logement social) vont être immédiatement mobilisés pour lancer le travail autour de sept grandes questions, notamment « qui veut-on loger, comment loger ceux qui n'ont pas accès au logement, où crée-t-on ces nouveaux logements, comment en créer plus ? ». L'ambition annoncée est, après dix semaines de travail, comprenant aussi des auditions d'acteurs régionaux et nationaux, de faire émerger à la mi-juin une centaine de propositions concrètes, opérationnelles, réalisables et adaptées au territoire. Ensuite devrait s'amorcer un travail avec des experts nationaux du logement dans l'objectif de remettre des propositions nationales au gouvernement en septembre.

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« On est à quelques semaines près »

L'initiative est volontiers saluée par les acteurs régionaux de l'immobilier, mais avec une nuance : compte tenu de l'urgence de la situation, l'heure est-elle encore aux réunions et à la réflexion ?

« On a besoin de vous rapidement, plaide Céline Torrès, présidente du Pôle habitat de la FFB Hérault et de la FFB Occitanie. J'entends votre volonté mais on assiste au décès de nombreux acteurs. On n'est pas à six mois près mais à quelques semaines ! Les jours sont comptés. On n'a plus le temps de se retrouver dans des réunions sur l'acte de bâtir demain, on a besoin de bâtir aujourd'hui ! »

Laurent Villaret, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers Occitanie Méditerranée, n'est lui non plus pas très tendre à l'endroit du ministre du Logement : « Nous avons eu l'impression qu'il n'avait pas la conscience du territoire qu'il a visité, qu'il n'avait pas la compréhension des modèles économiques de la production de logements, et même qu'il n'avait pas de conscience sociale sur ce qui se passe actuellement. Nous lui avons fait des propositions concrètes : que les particuliers puissent acheter du logement intermédiaire en direct, et que les foncières privées puissent elles aussi acquérir du logement intermédiaire. Il nous a renvoyé au PLF 2025... Je suis très dubitatif ! ».

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Choc de l'offre : où en est-on ?

Il y a deux ans, le président de la Métropole de Montpellier avait annoncé un choc de l'offre à hauteur de 8.000 logements en ZAC dans les deux années à venir. Selon ses services, à ce jour, « 85% des lots sont attribués, et environ la moitié sont bloqués en raison de la conjecture, que nous essayons de débloquer en travaillant chaque dossier avec les promoteurs ». L'aménageur Altémed peut consentir « à baisser la charge foncière sous réserve que des efforts aient été faits par l'ensemble des acteurs ». Mais dans l'incertitude de la période sur les prix des matériaux de construction, les taux d'intérêt et les prix des logements, la Métropole a décidé de mettre en place une clause de retour à meilleure fortune : « Si, dans dix-huit mois, les taux d'intérêt ont baissé de manière importante, si les coûts de construction sont plus bas et si les promoteurs réussissent à vendre plus cher en dégageant une marge d'au moins 5%, alors la marge complémentaire sera partagée entre les promoteurs et l'aménageur, comme l'a été l'effort initial ».

Cécile Chaigneau

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