Logement social : les opérateurs d’Occitanie votent « contre » la programmation 2024 présentée par l'Etat

Pour la première fois, le mouvement HLM et les acteurs de l’hébergement de l’Occitanie viennent de voter contre la programmation régionale annuelle du logement social et de l’hébergement, présentée par les services de l’Etat le 7 mars. Elle est, selon eux, insuffisante, alors que 190.000 demandeurs d’un logement social sont encore sans réponse. Ce vote d’opposition, inédit, a vocation de cri d'alarme face à la crise aiguë du logement qui sévit dans la région.
Cécile Chaigneau
Michel Calvo, président de Habitat Social Occitanie et de l'OPH ACM Habitat à Montpellier.
Michel Calvo, président de Habitat Social Occitanie et de l'OPH ACM Habitat à Montpellier. (Crédits : DR)

« Le compte n'y est pas », pas question de valider. La crise du logement social a pris un tour très concret en Occitanie, le 7 mars, à l'occasion de la présentation de la programmation régionale annuelle du logement social et de l'hébergement par les services de l'Etat, dans le cadre du Comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH). C'est la première fois, depuis la création de cette instance, que les acteurs du logement et de l'hébergement d'Occitanie (quinze organisations*) s'expriment en défaveur d'une programmation. La cause, sans surprise : les propositions sont jugées « très insuffisantes ».

« L'an dernier, nous avions lancé un avertissement en nous abstenant, les bailleurs sociaux mais aussi déjà les associations de l'hébergement d'urgence, rappelle Michel Calvo, le président d'Habitat Social en Occitanie (fusion des Unions Sociales de l'Habitat de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon, comptant notamment 64 offices publics HLM, 20 entreprises sociales de l'habitat et 15 coopératives HLM) et président de ACM Habitat à Montpellier. Cette année, nous avons plus clairement exprimé notre mécontentement et notre inquiétude. »

Une posture inédite en Occitanie, qui a aussi été exprimée à Paris récemment, « mais sans les associations de l'hébergement d'urgence », précise Michel Calvo, qui s'attend à d'autres votes identiques prochainement dans d'autres régions de France.

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« C'est toute la chaîne du logement qui est grippée »

Le mouvement HLM et la filière du logement social dans son ensemble dénoncent depuis longtemps « le manque de vision, de volonté et de moyens dans les propositions émanant du gouvernement ». Le 1er février dernier, à Montpellier, les opérateurs régionaux dressaient déjà un bilan catastrophique de la situation : quelque 190.000 demandeurs d'un logement social en Occitanie identifiés au 1er janvier 2024 (soit une hausse de +10% en un an, de +62% en dix ans), et en face, une production de logements sociaux en recul de 12% et des attributions en baisse de 6% en 2023. Un effet ciseau implacable signant un « désastre social », pointaient-ils, avançant les chiffres de « six demandes pour une attribution, sept ou huit à Toulouse, et même à neuf à dix à Montpellier » et « 30% des demandeurs n'ont pas de logement stable »...

Le vote « contre » du 7 mars est donc le résultat de cette équation déséquilibrée entre une demande exponentielle et une sous-offre. La programmation régionale 2024 prévoit en effet 8.456 logements alors que les besoins sont estimés à 14.000 logements par an par les professionnels. Dans une déclaration commune, les quinze organismes signataires rappellent qu'« en cinq ans, en Occitanie, le nombre
de livraisons effectives de logements a été divisé par deux ».

« C'est toute la chaîne du logement, de l'hébergement en passant par le secteur social et médico-social, qui est grippée, ajoutent-ils. Faute de logements disponibles, dans certains territoires, les associations n'ont pas pu ouvrir des places supplémentaires d'hébergement d'urgence déjà financées, alors même que les capacités existantes restent insuffisantes à ce jour. »

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« Le préfet prend acte »

Outre le manque d'investissement public, les opérateurs du logement social continuent de dénoncer « la persistance de ponctions budgétaires massives sur les finances des organismes de logement social » ainsi que la hausse du taux de livret A à 3%, qui impacte les organismes, « en particulier ceux qui ont beaucoup construit ces dernières années ».

« C'est la double peine pour nous ! », s'emporte Michel Calvo.

Les récentes déclarations du Premier ministre Gabriel Attal, lors de sa déclaration de politique générale, ne sont pourtant pas de nature à les rassurer : « La
remise en cause de la loi SRU avec la possible intégration du logement intermédiaire dans le décompte du quota des logements sociaux est de nature à nous inquiéter, et les contours de la loi décentralisation annoncée pour 2024 sont encore flous, (...) de nombreuses questions se posent sur les financements et compétences associés à cette démarche. Cette loi ne saurait masquer l'absence de politique en matière de logement. Il y a urgence ! ».

Alors quelles conséquences aura cette opposition à la programmation régionale annuelle du logement social ?

« Ce vote n'est qu'indicatif, donc le préfet en prend acte mais les chiffres seront exécutés, répond Michel Calvo. Néanmoins, ce vote de mécontentement sera remonté par le préfet au ministre du Logement et au Premier ministre, d'autant qu'on ne sera pas les seuls à s'exprimer ainsi... Et peut-être que ce ne sera pas complètement sans conséquences : l'an dernier, les chiffres de la programmation étaient autour de 6.000 logements sociaux en Occitanie, mais en octobre, le nouveau ministre du Logement Patrice Vergriete, constatant que tous les crédits n'avaient pas été consommés, a demandé aux bailleurs de déposer des dossiers et nous avons obtenu 2.000 logements supplémentaires... Cette année, le gouvernement a fait un effort sur le financement des logements PLAI (locataires en situation de grande précarité, ndlr) à hauteur de 10.000 euros par logement contre 8.200 l'an dernier. Ils ont ce pouvoir sur la répartition de l'aide. »

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« Pas un boycott mais une alarme »

Face à cette crise, les quinze organismes ont déroulé onze propositions qu'ils ont adressées au Comité Régional de l'Habitat et de l'Hébergement d'Occitanie, affirmant vouloir « poursuivre un dialogue et un travail constructif tant avec les élus du territoire qu'avec les services de l'État en région ».

Parmi elles, programmer les crédits nécessaires à la construction de 14.000 logements sociaux par an, orienter les objectifs de production vers le logement PLAI et PLUS (correspondant aux locations HLM), revaloriser le montant des APL et du forfait charge pour les résidents, ou accélérer et simplifier la procédure de mise à disposition du foncier à destination du logement social. Sur ce dernier point, Michel Calvo regrette notamment que le foncier d'Etat (Education nationale, justice ou armées) ne soit pas utilisé et qu'il échappe aux préfets...

« Notre réaction n'est pas un boycott mais une alarme, et ce vote nous met tous dans un processus de remobilisation, affirme Michel Calvo. L'Etat se désengage en réduisant ses financements, donc on va chercher d'autres modèles économiques, d'autres modes de gestion, d'autres services à proposer, comme la sécurité et tranquillité publique. Et nous avons un travail de rapprochement à opérer avec les collectivités territoriales : dans le débat sur la décentralisation, il faut fédérer le monde professionnel du logement social et les élus locaux pour défendre le logement social durablement. La République sociale marche sur deux pieds : le droit au travail et le droit au logement. C'est un pilier qui doit demeurer. »

* HSO, Fapil, Fondation Abbé Pierre, fédération des acteurs de la solidarité, Unafo, URIOPSS, URHAJ, AFOC, CFDT, CGT, CLCV, CNL, CSF, Droit Au Logement, UNLI.

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Cécile Chaigneau

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