Dix mesures annoncées par le ministre du Logement : « Ce sont des mesurettes or on est déjà dans le mur ! »

Alors que le MIPIM bat son plein à Cannes et que le Salon de l’immobilier de Montpellier a ouvert ses portes pour trois jours ce 15 mars, les professionnels de la filière ne désarment pas pour alerter et tenter d'endiguer la crise du secteur. Ils ont remis aux parlementaires héraultais un manifeste axé sur la transformation du choc de l’offre en réalité opérationnelle.
Cécile Chaigneau
Énième cri d'alarme des professionnels du bâtiment qui implorent le gouvernement de mettre en place des mesures à même d'endiguer la crise dans le secteur.
Énième cri d'alarme des professionnels du bâtiment qui implorent le gouvernement de mettre en place des mesures à même d'endiguer la crise dans le secteur. (Crédits : Reuters)

Au moins trois ans qu'ils agitent le chiffon rouge... Les professionnels de l'acte de bâtir continue d'alerter par tous les moyens possibles sur la crise qui affecte le secteur du bâtiment, pointant le risque de défaillances d'entreprises, de perte d'emplois ou de disparition des compétences en marge d'une crise sociale du logement. Le 29 février dernier, la FFB de l'Hérault avait invité le préfet François-Xavier Lauch pour poser concrètement les problèmes sur la table et mettre le représentant de l'Etat à contribution pour trouver rapidement des solutions.

François-Xavier Lauch  avait concédé que « le bâtiment est la filière la plus en danger dans le département ». Assurant être « mobilisé » et promettant d'user de son « pouvoir d'influence », il évoquait comme une piste à explorer à court terme l'idée de forcer le déblocage des principales opérations de logements de la métropole montpelliéraine sur la base d'« une liste ramassée d'opérations à fort enjeux en termes de logements » demandée aux promoteurs et aux bailleurs.

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« Bercy ne nous entend pas ! »

Alors que le MIPIM bat son plein à Cannes et que le salon de l'immobilier de Montpellier a ouvert ses portes pour trois jours ce 15 mars, les professionnels de la filière de désarment pas. Le 14 mars, l'association ABCD (Académie du Bâtiment et de la Cité de Demain, qui rassemble les professionnels de l'immobilier et de l'acte de bâtir de l'Hérault) a remis aux parlementaires héraultais un manifeste orienté sur « comment transformer le choc de l'offre en réalité opérationnelle ».

Les professionnels continuent de brandir la maxime « quand le bâtiment va, tout va », ajoutant « et là ça ne va pas ! ». Et les oreilles de Bercy ont dû siffler car le ministère de l'Economie et des Finances a été conspué...

« Comment Bercy ne peut-il pas penser que si la filière du bâtiment ne fonctionne pas, c'est de la fiscalité en moins ? », interroge le président de la CCI Hérault, André Deljarry.

Il n'est pas le seul à interpeller Bercy... Céline Torrès, présidente du pôle Habitat de la FFB Hérault), souligne le silence de Bercy : « Le prêt à taux zéro rapporte et permet de loger les citoyens, il faudrait le décentraliser et l'ouvrir à tous les types d'habitat, dont les maisons individuelles et la promotion horizontale. Mais Bercy ne nous entend pas, on a besoin de vous, parlementaires, pour l'interpeller ! ».

Le sénateur de l'Hérault Henri Cabanel (groupe RDSE) n'est pas optimiste : « Bercy, c'est l'Etat dans l'Etat. Il y a trois mois, on a voté un projet de loi de finances et trois mois après Bruno Le Maire annonce un plan de 10 milliards d'euros d'économie : à quoi on sert ?! Le problème, c'est que dans les débats parlementaires, on sépare les dépenses et les recettes, donc c'est difficile de mettre les deux en balance. Par exemple, rebooster le prêt à taux zéro qui coûte 2,5 milliards d'euros : comment voter si on ne met pas ce que ça peut rapporter en face ? ».

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Déclarer le logement « enjeu d'intérêt général majeur »

À la FFB 34, le président Gilbert Comos enfonce le clou : « On n'ose pas imaginer ce qui s'annonce en 2025 : on parle de précipice... Notre secteur génère 90 milliards d'euros de recettes pour 42 milliards d'euros de dépenses. Aujourd'hui, il faut que les parlementaires fassent un front d'élus, accompagnés par le préfet, pour faire du département de l'Hérault un territoire de projets ».

« Il faut déclarer le logement enjeu d'intérêt général majeur, scande Philippe Roussel, président de l'Union nationale des aménageurs en Languedoc-Roussillon (UNAM-LR). Quant à l'application du ZAN, on s'en accommode, mais la problématique, c'est l'interprétation des services de l'Etat qui font comme si on était déjà en 2050 ! ».

Les professionnels de l'acte de bâtir attendent aussi une simplification des normes, notamment environnementales : « On construit déjà écologique, on est les meilleurs élèves de l'Europe avec la RE2020, mais on demande un allègement des normes, un rétropédalage pour se situer quelque part à mi-chemin entre la RT2012 et la RE2020 », demande Céline Torrès.

« Ce n'est pas assez et pas assez vite ! »

Au MIPIM, le nouveau ministre du Logement Guillaume Kasbarian, nommé le 8 février, a déroulé une liste d'une dizaine de propositions de simplification et d'accélération pour endiguer la crise du logement. Parmi elles, étendre les permis d'aménagement multi-sites qui permettent de simplifier l'instruction de la demande, accélérer l'obtention des permis de construire dans les zones d'aménagement, faciliter la densification en lotissement, accélérer la digitalisation des procédures et des échanges, diminuer les délais de recours gracieux, ou encore statuer plus rapidement sur la recevabilité des recours.

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À Montpellier, les professionnels ne semblent pas convaincus.

« Ce sont des mesurettes et qui seront longues à mettre en place, réagit Céline Torrès. Il n'y a pas de choc, or on est déjà dans le mur ! Ce n'est pas assez et pas assez vite ! »

Quant à Laurent Villaret, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers Occitanie Méditerranée, il avoue « ne pas avoir trop compris » la simplification annoncée des PLU, et tacle la proposition de simplification des procédures des recours : « Certes, c'est une bonne chose mais ce n'est pas le sujet ! Il faut retrouver une vision politique du logement. Une partie du logement se fait avec des investisseurs, on est dans une économie de marché et il faut leur redonner de la confiance. Sans vision, pas de confiance ! ».

Le promoteur en profite pour replacer une idée sur laquelle il confie avoir « fait une note au ministre du Logement », sans écho pour l'heure : « Pourquoi l'application du PLH se fait-il à la parcelle et non par quartier ? Pourquoi une mixité de quartier et non une mixité de palier ? C'est une mesure qui ne coûterait rien et qui permettrait de faire baisser le m2 de 500 à 1.000 euros sans mesure de fiscalité ! ».

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« Il y a urgence »

Alors les professionnels héraultais, rassemblés au sein de l'association ABCD, ont signé un manifeste qui propose quatre axes de travail pour sortir de la crise : re-solvabiliser les acquéreurs, baisser les prix de vente (notamment avec une pause normative et une adaptation des normes), encadrer le prix du foncier, encourager la production de logement (simplifier les PLU et les procédures d'urbanisme), et instaurer de nouvelles mesures fiscales. Charge aux parlementaires de transmettre au ministre du Logement.

« Sinon, nous allons vers une grave crise de la construction qui affectera les citoyens en raison de la fracture d'accès au logement, les entreprises et les emplois, menace Patrick Ceccotti, le président d'ABCD. Il va y avoir des défaillances en cascade, peut-être 5.000 ou 10.000 emplois en danger localement et une perte de fiscalité de 100 millions d'euros. Il y a urgence ! »

Le sénateur Jean-Pierre Grand (groupe Les Indépendants - République et Territoires) martèle à plusieurs reprise « le logement, c'est politique ! ». Une évidence... L'élu prône « un plan jeunes avec deux volets : location et accession à la propriété », avec notamment une mesure sur la taxe foncière  : « Il n'y a plus de taxe d'habitation, il reste la taxe sur le foncier bâti donc on pourrait y appliquer des taux différents pour les jeunes, au moins sur une période donnée, ça ne coûterait rien à l'Etat ! », affirme-t-il, balayant pour l'heure le fait que ça coûterait aux communes...

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Cécile Chaigneau

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