A Montpellier, les promoteurs proposent un nouveau modèle, fondé sur la péréquation des opérations immobilières

La profession de la promotion immobilière est aux abois. Les mises en vente de logements neufs s’écroulent et les ventes nettes s’effondrent sous le coup de l’inflation des prix et des taux d’intérêt qui désolvabilisent les ménages. A Montpellier, les promoteurs font des constats chiffrés mais se mobilisent aussi pour proposer des sorties de crise. Avec notamment cette idée nouvelle : jouer la péréquation des opérations immobilières à l’échelle d’un quartier pour répartir la mixité à la parcelle, redonner de l’air au logement libre en permettant de mieux équilibrer les opérations, baisser les prix et donc restituer aux ménages leur accès à l’achat. Une boucle vertueuse, selon eux. Qu’il resterait à faire adopter par les pouvoirs publics.
Cécile Chaigneau
Effondrement du marché du logement neuf : sur la métropole de Montpellier, les mises en vente ont chuté de 39% sur les trois premiers trimestres 2023 et les ventes nettes de 48%.

Morne ambiance et inquiétude chez les promoteurs... Le constat sur les trois premiers trimestres 2023 est le même partout en France, et même « plus marqué » sur l'ex-Languedoc-Roussillon et en particulier la Métropole de Montpellier, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Occitanie Méditerranée : une forte baisse des mises en vente de -30% au niveau national (par rapport aux trois premiers trimestres 2022), -37% sur l'ex-Languedoc-Roussillon, -39% dans la métropole montpelliéraine. En parallèle, cette baisse d'activité s'accompagne d'un effondrement des ventes : -47% dans la région, -48% dans la métropole et -50% sur la seule ville de Montpellier...

« L'activité est quasiment divisée par deux par rapport à l'année précédente qui était déjà gravement impactée par la crise, ajoute Laurent Villaret, le président de la FPI Occitanie Méditerranée. On n'a jamais aussi peu construit en Languedoc-Roussillon ! Alors que la région est dynamique et que le taux démographique continue d'augmenter. Le bâtiment est la première industrie de l'Héraut : on est une des régions les plus menacées en France ! Nous sommes très inquiets concernant les entreprises du bâtiment, qu'il faudra sauver l'an prochain... Pour revenir aux chiffres, ce qui n'apparaît pas sur ces graphes des trois premiers trimestres 2023, c'est qu'en 2017, les transactions de logements avaient une proportion de vente en bloc moins importante qu'aujourd'hui, ce qui signifie qu'aujourd'hui, les ventes réelles de logements libres sont encore inférieures ! »

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« Une augmentation de 1.548 euros du m2 depuis 2008 »

Laurent Villaret poursuit son observation à la loupe des chiffres et des courbes : « Une baisse de 48% des ventes sur la Métropole de Montpellier, ça représente 700 logements vendus sur les 31 communes. Si on retire les 409 sur la ville de Montpellier, ça fait une moyenne de 10 logements pour chacune des 30 autres communes de la métropole ! »

Les promoteurs font les comptes : 1.780 lots mis en vente dans la région sur les trois premiers trimestres 2023, contre 4.000 sur les années 2019 ou 2021. Ou encore 1.839 ventes nettes contre 5.500 en 2019 et 2021, 4.500 en 2022. « On montera à 2.300 maximum en 2023 », s'inquiète Laurent Villaret.

Et le promoteur de se prêter à un jeu : regard comparatif dans le rétroviseur depuis 2012.

« Entre 2012 et 2014, on enregistrait 3.900 à 4.000 ventes nettes en région Languedoc-Roussillon, 6.000 en 2016, 6.800 en 2017, puis elles sont redescendues à 5.000 en 2021 et 2022. En 2023, on finira à 2.300. Soit la moitié de ce qui se vendait en 2012. Entre 2015 et 2022, on a chuté d'environ 70% ! »

Dans le miroir, les prix font le chemin inverse : « 3.235 euros le m2 en 2008, 3.424 euros en 2012, 3.500 euros en 2016, 3.789 euros en 2019, 3.954 euros en 2020, 4.261 euros en 2021, 4.420 euros en 2022 et 4.780 euros en 2023. Soit une augmentation de 1.548 euros du m2 depuis 2008 ».

Des prix qui augmentent alors que les ménages subissent la hausse des taux d'intérêt qui obèrent leur accès aux crédits immobiliers : logiquement, la durée de commercialisation des logements s'en ressent. Elle a explosé partout en France, montant jusqu'à 38,1 mois à Nantes, 32,3 mois à Lille ou 26,6 mois à Lyon.

« A Montpellier, il y a trois ans, on était dans une crise de l'offre et la durée d'écoulement des logements était de dix mois, et aujourd'hui, on est à plus de 15 mois, indique Laurent Villaret. Les opérateurs se tournent vers les ventes en blocs pour maintenir un rythme de vente minimum acceptable. Ce phénomène devrait impacter le marché au premier semestre 2024. »

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« L'équation ne marche pas ! »

Le modèle économique de la promotion immobilière ne tient qu'à un fil, soumis à des facteurs bloquants désormais bien connus : hausse des prix des matières premières, sur-empilement normatif, restriction de l'artificialisation des sols et donc des permis de construire, désolvabilisation des ménages, aides à la pierre concentrées sur les zones tendues...

« On est maintenant dans une inflation structurelle et non plus conjoncturelle, fait observer Laurent Villaret. Trouver des leviers pour faire baisser les prix, on ne sait pas faire. Donc il est impossible que les prix diminuent aujourd'hui ! Le rachat de logements abordables par la Caisse des Dépôts et Action Logement nous permet de boucler nos opérations sans trop de perte mais ne permet pas à nos bilans de tenir... Je rappelle que dans le même temps, les Métropoles, dans leur PLUI, rajoutent du logement abordable. Or entre le logement social que nous vendons 1.000 euros le m2 en-dessous du prix de revient, et le logement abordable que nous vendons à prix de revient, comment fait-on tenir nos bilans ? Alors que les prix du marché libre sont déjà trop chers ! Les banquiers, eux, ne regardent que le risque, c'est à dire le logement libre, qu'on ne sait pas vendre. Donc ils ne nous financent plus. L'équation ne marche pas ! »

A ce stade, les promoteurs immobiliers posent une question : « Mais que fait donc le gouvernement ? ».

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Scepticisme sur le plan du gouvernement

Le 16 novembre dernier, la Première ministre Elisabeth Borne a justement présenté la nouvelle feuille de route du gouvernement en la matière, promettant notamment qu'une réflexion allait être engagée en vue de lancer un deuxième plan de rachat de logements à des promoteurs pour relancer des chantiers en berne et produire du logement social et intermédiaire, avec d'autres bailleurs que la Caisse des dépôts et Action Logement.

L'Etat et de la Caisse des Dépôts ont également pris un engagement à hauteur de 500 millions d'euros pour la construction de logements locatifs intermédiaires, un geste financier qui est aussi attendus des investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance, fonds d'épargne..) pour arriver, au total, à 30.000 nouveaux logements par an.

« 30.000 logement, c'est rien du tout ! », raille Laurent Villaret, sceptique.

Quant à l'amélioration annoncée de l'accès au prêt à taux zéro (PTZ) dans le cadre de la loi de finances 2024, qui devrait permettre, dès l'année prochaine, à 6 millions de Français d'y être éligibles, les promoteurs ne croient nullement à un effet bénéfique : « L'Etat déplafonne le PTZ mais exclut les maisons individuelles, les maisons en bande et les zones non tendues. Et ça ne suffira pas pour permettre aux ménages d'accéder à l'achat car les banques ne prêteront pas. Donc l'Etat sait qu'il ne consommera pas cette aide à la pierre, c'est une fumisterie ! ».

Même scepticisme affiché face  à la sélection annoncée, d'ici à janvier 2024, de vingt territoires qui s'engageront à « accélérer » leurs opérations d'aménagement pour faire sortir de terre, d'ici à trois ans, environ 1.500 logements chacun, soit 30.000 logements en tout : « Comment, à quel prix et par quel mécanisme ? », demande Laurent Villaret.

En attendant, toute la profession de la promotion immobilière dit se creuser les méninges pour changer l'équation et sortir de l'impasse. Car selon eux, les entreprises de promotion immobilière sont en danger et, avec des bilans réduits de 30%, ont déjà commencé à alléger leur masse salariale.

« Personne n'a fermé mais on est en période de survie », déclare le président de la FPI Occitanie Méditerranée, qui prédit un décrochage au 4e trimestre et une année 2024 très incertaine et évoque, en guise de solutions, « une pause normative, un choc fiscal ».

Une ingénierie de mixité par quartier

Emerge également une idée nouvelle sur laquelle les promoteurs montpelliérains disent travailler depuis un certains temps mais qui n'était pas recevable à un moment où le marché était florissant. Aujourd'hui, « les taux bancaires ont doublé, les prix de vente sont montés jusqu'à 5.500 euros le m2... comment fabriquer de l'immobilier pour vendre à 4.500 euros le m2 ? », interroge Thierry Iacazio, vice-président de la FPI Occitanie Méditerranée.

« Une solution pour baisser les prix immédiatement : travailler sur la péréquation de nos opérations immobilière, lance Laurent Villaret. Ce qui signifierait faire des opérations 100% logements sociaux, d'autres 100% logements abordables et d'autres 100% logements libres. Dans les ZAC, c'est immédiatement faisable. Dans le diffus, Michaël Delafosse (maire de Montpellier, ndlr) a dit vouloir travailler en territoire de projets pour arrêter l'urbanisme à la parcelle qui défigurait les quartiers : pourquoi pas y ajouter cette ingénierie de mixité des quartiers ? C'est de l'ingénierie financière : le promoteur achèterait le terrain plus cher pour y faire du logement libre uniquement, mais il aurait un bilan plus sain, il pourrait donc vendre à prix plus bas et ainsi re-solvabiliser le marché. Et à l'inverse, le foncier serait moins cher pour y faire du logement social ou abordable. Si on veut gérer la péréquation à l'échelle d'un quartier, toutes les parcelles n'ayant pas la même valeur, il faut le juste prix, autant pour celui qui vend son terrain pour du logement social que celui qui vend pour du logement libre. Le promoteur paierait une contribution à la collectivité pour abonder un fonds qui financerait le logement social et abordable. Cela suppose que les pouvoirs publics repensent le prix du foncier et créent des outils juridiques pour le gérer. Ça ne coûte pas d'argent au contribuable, on déplace juste les règles. »

Laurent Villaret dit avoir sollicité un rendez-vous avec Michaël Delafosse, auquel il veut soumettre l'idée. Et d'ajouter que « c'est ce qui se fait à Bruxelles notamment pour ordonnancer la mixité de quartier »...

Cécile Chaigneau

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