Pour atteindre les objectifs fixés par le plan REPowerEU, visant à réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures russes, il faudra notamment produire de l'hydrogène mais aussi l'acheminer via de vastes corridors européens vers les centres de demande. Le 20 octobre dernier, la France, l'Espagne et le Portugal annonçaient avoir trouvé un accord pour créer un pipeline sous-marin entre Barcelone et Marseille (Fos-sur-Mer précisément), destiné à acheminer du gaz puis de l'hydrogène vert sur le marché européen.
Une annonce un peu tombée de nulle part, selon le sénateur audois Sébastien Pla, porte-parole des parlementaires occitans signataires d'une tribune intitulée « Oui à l'interconnexion énergétique transfrontalière "BarMar", mais non à l'abandon des écosystèmes énergétiques territoriaux de la Région Occitanie Pyrénées ».
« Du jour au lendemain, le Président Emmanuel Macron annonce ce projet, sans études d'impact, de faisabilité ni de coût. C'est un projet pertinent, mais il remet en question de dix ans de travail et la région Occitanie risque de passer à coté de perspectives de développement et de production d'hydrogène décarboné compétitif car on ne sera pas interconnecté à ce réseau. »
Car en effet, ce corridor sous-marin viendrait remplacer le projet MidCat, un pipeline de 190 kilomètres allant d'Hostalric, au nord de Barcelone, à Barbaira, à l'est de Carcassonne, en passant par les Pyrénées, et qui visait à relier les réseaux gaziers français et espagnol. Le projet MidCat avait été abandonné en raison de son impact environnemental essentiellement.
Un plan régional hydrogène à 150 millions d'euros
Le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, le Président français Emmanuel Macron et le Premier ministre portugais Antonio Costa doivent se retrouver au Sommet EuroMed les 8 et 9 décembre prochain à Alicante, en Espagne, pour finaliser l'accord du corridor sous-marin.
Le projet inquiète donc des députés et sénateurs de la région Occitanie. Leur peur : que le projet annoncé vienne freiner les ambitions de la filière hydrogène régionale et laisse « les écosystèmes territoriaux au bord de la route »...
27 parlementaires (ils étaient 25 au départ et deux autres viennent de signer à leur tour, indique Sébastien Pla) interpellent donc le gouvernement dans une tribune commune et proposent une 3e voie alternative, mi-sous-marine, mi-terrestre.
Car rappelons-le, la collectivité régionale mise massivement sur l'hydrogène comme levier de développement économique et de souveraineté énergétique. Alors que la présidente de Région Carole Delga (PS) a opté comme slogan énergétique de « faire de la région la première région à énergie positive à horizon 2050 » (stratégie RePOS), la collectivité a adopté, dès 2019, un plan régional pour le déploiement de l'hydrogène renouvelable, doté de 150 millions d'euros d'ici à 2030. L'un de ses projets-phares est la construction d'une usine de production d'hydrogène vert à Port-la-Nouvelle, d'une capacité de 6.000 t/an par électrolyse de l'eau, grâce à l'électricité produite par les éoliennes au large de Port-la-Nouvelle : elle a créé, à cet effet, la société de projet Hyd'Occ en partenariat avec Premier Elément, filiale du groupe héraultais Qair, et l'AREC Occitanie.
« Risque d'être stoppées net »
« La massification de la production d'hydrogène vert, qui fera la force de notre industrie de demain, en région Occitanie, représente un atout majeur pour accompagner les territoires sur la voie de la sobriété énergétique, écrivent les élus. Le département de l'Aude accueillera, demain, LE premier port de la transition énergétique de la Méditerranée occidentale. (...) Le corridor Hydrogène, engagé par notre région Occitanie, intègre aussi le déploiement, sur les grands axes de mobilités terrestres, d'un vaste plan de stations hydrogène pour favoriser les mobilités zéro-émission. »
Si les élus reconnaissent l'intérêt du corridor sous-marin entre l'Espagne et Fos-sur-Mer, ils affichent une requête : « Ce projet d'infrastructure doit impérativement relier dans le sud-ouest, et notamment en Région Occitanie, le développement stratégique de toute une filière industrielle de massification de production d'hydrogène décarboné multi-usages en phase opérationnelle, sans quoi la prospective conduite par la Région Occitanie Pyrénées, et avec elle toute la filière industrielle d'énergie bas-carbone du sud de la France, risquent d'être stoppées net ».
Initiatives diplomatiques
Les parlementaires occitans demandent au Président de la République de considérer le modèle régional et sa dynamique hydrogène, et d'activer les leviers diplomatiques auprès de ses homologues.
« La problématique est l'interconnexion à ce gazoduc de l'ensemble des réseaux régionaux, que ce soit celui de Port-la-Nouvelle ou celui de Lacq (à Pau, NDLR), explicite le sénateur Pla. Demain, dans le cadre de ce projet européen, les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ne seront pas connectées... Nous proposons une 3e voie : un pipeline sous-marin de Barcelone à Port-la-Nouvelle puis un corridor terrestre jusqu'à Fos-sur-Mer. C'est une voie qui a déjà été étudiée en partie par l'industriel Terega à Lacq. Notre objectif, c'est de mobiliser les acteurs politiques et industriels pour faire comprendre au Président de la République, avant le Sommet de décembre à Alicante, de ne pas s'engager trop vite... »
Dans leur tribune, les parlementaires concluent : « Nous appelons donc le chef de l'Etat français à mener toutes initiatives diplomatiques auprès de ses homologues et lui demandons, dans la foulée, de mobiliser aussi l'Union Européenne pour qu'elle accompagne, en conséquence, le soutien à la dynamique hydrogène en Région Occitanie Pyrénées dans le cadre de la liaison Barcelone Fos-sur-Mer "BarMar" ».
La présidente de la Région Occitanie, Carole Delga - dont nous avons sollicité les services, sans retour au moment où nous publions ces lignes - pourrait se dirige vers une saisine...
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