SolarinBlue installe la première ferme solaire en pleine mer à Sète

Le 17 mars, l’entreprise SolarinBlue, créée par Armand Thiberge (par ailleurs fondateur de la pépite SendinBlue), présentait son projet baptisé Sun’Sète : les premières unités solaires flottantes installées en pleine mer, en l’occurrence au large du port de Sète-Frontignan (Hérault), qu’elles alimenteront en électricité. Une première en France.
Cécile Chaigneau
D'ici six à huit semaines, les 25 flotteurs du projet Sun'Sète, seront ancrés à 1,5 km au large du port de Sète, à l'emplacement de l'ancien poste de déchargement des hydrocarbures en mer.
D'ici six à huit semaines, les 25 flotteurs du projet Sun'Sète, seront ancrés à 1,5 km au large du port de Sète, à l'emplacement de l'ancien poste de déchargement des hydrocarbures en mer. (Crédits : DTS)

On connaissait l'éolien offshore (posé ou flottant). On connaissait le photovoltaïque sur des lacs ou des étangs, en eaux calmes. Voici venu le photovoltaïque maritime, des parcs solaires sur flotteurs en pleine mer. Les technologies pour y parvenir en sont encore au stade expérimental, par exemple la plateforme flottante pilote Seavolt qui devrait être installée au large de la côte belge dans le courant de l'été prochain.

La startup française SolarinBlue, quant à elle, déploie actuellement les deux premières unités solaires flottantes de son projet Sun'Sète au large du port de Sète-Frontignan (Hérault). Une première en France, qui permet aux fondateurs de SolarinBlue de se targuer qu' « en Méditerranée, le photovoltaïque flottant devance l'éolien en mer »...

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SolarinBlue a été co-créée en 2019 par Armand Thiberge, fondateur de la pépite parisienne SendinBlue (voir encadré). Fondée à Paris, le siège social de SolarinBlue a été déplacé à Montpellier (au Business Innovation Center). La startup, qui emploie huit salariés aujourd'hui, a derrière elle plus de deux ans de R&D pour le développement d'une technologie d'unités solaires flottantes, adaptées aux conditions de la pleine mer. Et c'est au large de Sète qu'elle va l'expérimenter pour la première fois.

A 1,5 km de la côte

Le démonstrateur a été fabriqué et assemblé sur le port sétois par des entreprises de la région, une trentaine ayant été « mobilisées pour les études environnementales, la fourniture de matériaux, l'assemblage, la logistique et les tests d'un ancrage innovant et écologique », indique SolarinBlue.

Le 17 mars, la startup présentait officiellement ce démonstrateur, dont les premiers modules sont pour l'heure amarrés dans le port de commerce. Il sera composé de 25 unités flottantes (12 mètres de long, 9 mètres de large et 3,5 mètres de haut chacune, avec une capacité de 20 panneaux solaires par unité), soit une emprise sur l'eau de 0,5 hectares, pour une puissance totale de 300 kWc.

La construction du prototype a démarré en septembre dernier à Sète. Selon le planning de SolarinBlue, l'installation des unités flottantes solaires en pleine mer à 1,5 km de la côte (à l'emplacement de l'ancien poste de déchargement des hydrocarbures) sera terminée d'ici six à huit semaines, pour un raccordement électrique prévu début 2024.

Résister à une houle de plus de 10 mètres

« Notre solutions repose sur une rupture technologique permettant de faire face aux conditions de pleine mer et donc aux contraintes liées aux vagues, explique Antoine Retailleau, cofondateur de SolarinBlue et directeur des opérations. Il s'agit d'une structure légère mais robuste, sur laquelle on surélève les panneaux photovoltaïques pour qu'ils ne soient jamais en contact avec les vagues. L'ensemble est capable de résister à une houle de plus de 10 mètres et à des vents de plus de 200 km/h... Il est possible d'ancrer notre solution à des profondeurs marines qui se situent entre 20 et 150 mètres. Nous avons développé un système d'ancrage innovant, des ancres hélicoïdales
écologiques de moins d'un mètre d'emprise au sol, très peu impactant sur les fonds marins et rapide d'installation, pour des installations modulables et des parcs de toutes tailles. »

Aurélien Croq, directeur général et directeur du développement de SolarinBlue, évoque aussi « une structure conçue pour nécessiter le moins d'investissement possible car conçue en acier marine avec des flotteurs en plastique recyclé et recyclable, pour une durée de vie de 30 ans ».

Une technologie qui peut trouver une synergie avec les parcs éoliens en mer avec lesquels des mutualisations de raccordement seront possibles. « D'autant que photovoltaïque et éolien bénéficient d'un foisonnement favorable, le solaire produisant davantage en été, et l'éolien en hiver par vent fort », souligne Antoine Retailleau, ajoutant que les flotteurs peuvent facilement être construits à proximité des sites d'installation, sans nécessiter de capacités portuaires industrielles comme pour l'éolien en mer flottant.

Enfin, les équipes de SolarinBlue pointent un autre avantage : un impact visuel nul au-delà de 3 km des côtes. Ce qui ouvre, selon elles, un champ des possibles important.

Décarbonation du port

L'énergie produite par les panneaux solaires du projet Sun'Sète, acheminée par un câble sous-marin, alimentera en électricité renouvelable les infrastructures du port de Sète-Frontignan. Le projet s'inscrit dans la stratégie de décarbonation de l'infrastructure portuaire.

« Nous valorisons les toitures de nos entrepôts, avec déjà 46.000 m2 de photovoltaïque sur le port, et nous allons installer les trois premiers hectares d'ombrières d'ici 2025 pour alimenter l'éclairage des terre-pleins, le fonctionnement de nos grues ou les branchements à quai des navires, détaille Olivier Carmès, le directeur du port. En matière d'innovation, nous réfléchissions au revêtement au sol par exemple, ou à valoriser les façades. C'est pourquoi le projet de SolarinBlue nous a intéressés. »

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Durant les deux années qui suivront le raccordement de la ferme solaire offshore, les équipes de SolarinBlue étudieront le comportement marin des flotteurs, la robustesse de la structure, la pertinence des ancrages et la production photovoltaïque, afin de confirmer le potentiel de cette technologie et de préparer son développement à grande échelle. 


Investir les façades maritimes

« Nous visons trois marchés : les installations portuaires, les zones côtières densément peuplées, et les îles et systèmes insulaires où l'énergie est souvent chère, indique Aurélien Croq. Il s'agit d'une nouvelle forme d'énergie marine, écologique, durable et compétitive qui a vocation à trouver sa place dans le mix énergétique partout dans le monde. »

SolarinBlue vise ainsi « parvenir à une parité réseau dans les trois ans et atteindre les 50 euros/MW en 2030 », précise Antoine Retailleau.

Alors que SolarinBlue a déjà une filiale en Inde, dirigée par Kapil Sharma, co-fondateur de SendinBlue avec Armand Thiberge, ce dernier annonce avoir déjà « plusieurs projets dans le pipe en France, en Europe de l'est et Inde. Notre objectif est d'atteindre 1 GW installé en 2030... En France, le scenario maximisé de RTE est 200 GW de solaire à installer en 2050 et aujourd'hui, on est à 15 GW. Il va donc falloir recourir à différentes technologies et déployer des fermes solaires de manière massive. Le solaire offshore prendra une partie importante de ces 200 GW ».

« On n'atteindra pas nos objectifs si on n'investit pas nos façades maritimes, renchérit le directeur délégué Occitanie de l'ADEME. La transition énergétique donc passe par la mer. »

Des giga-financements pour des giga-fermes

L'ADEME a d'ailleurs soutenu financièrement SolarinBlue dans le cadre de l'appel à projet PME-TASE pour le développement de briques technologiques pour les systèmes énergétiques. Le projet Sun'Sète a également été accompagné par le programme d'innovation CITEPH (programme d'open innovation qui unit 15 sociétés leaders au sein de l'association EVOLEN pour faciliter l'accès à des financements privés) et soutenu par la Région Occitanie.

Armand Thiberge, qui a lui-même mis des fonds dans l'entreprise, précise avoir « obtenu 2,5 millions d'euros de financement publics et privés, avec notamment de la love-money. Le démonstrateur a nécessité plus d'un million d'euros d'investissement, R&D incluse ».

Mais la jeune pousse va avoir besoin de beaucoup de financements pour poursuivre l'aventure du solaire offshore.

« Nous voulons faire du développement et vendre notre technologie, donc pour installer des giga-fermes, plus d'un km2, il nous faudra des giga-financements, qui passeront par des partenariats avec des développeurs comme EDF ou Engie avec qui on discute déjà, indique son fondateur. Par ailleurs, pour poursuivre nos développements et notre R&D, nous prévoyons de faire une levée de fonds d'ici fin 2023 ».

Armand Thiberge, serial entrepreneur

Armand Thiberge, c'est le fondateur de la pépite parisienne SendinBlue, spécialisée dans le marketing digital à destination des TPE et des PME, des artisans, des e-commerçants et des associations, auxquels elle propose un logiciel doté de tous les outils de base du marketing digital : campagnes par emailing, SMS et newsletters, chatbots, outils de "marketing automation" ou CRM.

En octobre 2020, elle a levé 140 millions d'euros, dans l'objectif de préserver son avance technologique, de conquérir rapidement de nouveaux marchés à l'international, et ainsi de devenir l'outil de référence pour le marketing digital des petites et moyennes entreprises.

Cécile Chaigneau

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