Coup de tonnerre, la justice ordonne le démontage d’éoliennes dans l’Hérault

La cour d’appel de Nîmes vient d’ordonner la démolition des sept éoliennes de Bernagues-Lunas, installées depuis les hauteurs du massif de l’Escandorgue, dans l’Hérault, depuis 2016. L’exploitant, la société Energie Renouvelable du Languedoc (filiale de Valeco-EnBW), annonce se pourvoir en cassation.
Le 7 décembre 2023, la justice ordonne le démantèlement des sept éoliennes de Bernagues-Lunas, dans l'Hérault.
Le 7 décembre 2023, la justice ordonne le démantèlement des sept éoliennes de Bernagues-Lunas, dans l'Hérault. (Crédits : Association Sites et Monuments)

Le démontage d'un parc de sept éoliennes de Bernagues-Lunas, dans l'Hérault, vient d'être ordonné, dans un jugement du 7 décembre 2023, par la cour d'appel de Nîmes. La décision judiciaire exige également la remise en état du site, le tout dans un délai de 15 mois.

Ça n'est pas tout à fait un épilogue, dans ce long feuilleton judiciaire, car la société Énergie Renouvelable du Languedoc (ERL), filiale du groupe Valeco (lui-même filiale du groupe allemand EnBW) annonce déjà qu'elle va se pourvoir en cassation. Il s'agit néanmoins une étape majeure qui va marquer le monde éolien et alimenter une jurisprudence possiblement compromettante pour ce segment des énergies renouvelables, déjà pointé du doigt pour la longueur de ses procédures.

Edifiées en 2016 dans l'arrière-pays héraultais, sur une zone classifiée zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) où vivent des rapaces (notamment le vautour-moine ou l'aigle royal), ces sept éoliennes étaient toujours en fonctionnement, malgré l'annulation à deux reprises de leur permis de construire (en 2010 puis 2017) et après plusieurs plaintes déposées pour atteinte sur la faune avicole par trois associations de protection de l'environnement.

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« Un cimetière au pied des éoliennes »

Mais ces annulations du permis de construire des éoliennes ne suffisant pas pour exiger leur démantèlement, il fallait que la justice civile l'ordonne.

« Le parc éolien avait été construit par ERL alors qu'un contentieux était en cours : ils ont joué et ils ont perdu ! », déclarait Me Nicolas Gallon, l'avocat des associations de défense de l'environnement, à La Tribune en début d'année.

La cour de cassation venait alors de casser le jugement de la cour d'appel de Montpellier, donnant raison au collectif sur la démolition des éoliennes, et renvoyant l'affaire devant la Cour d'appel de Nîmes. Qui vient donc de le confirmer.

« Avec plus de 1.099 oiseaux retrouvés morts rien qu'en 2019, c'est un véritable cimetière au pied des éoliennes », a expliqué Me Nicolas Gallon à l'AFP.

Dans son arrêt, la cour d'appel de Nîmes indique en effet que « la délivrance du permis de construire a été faite dans des conditions d'information insuffisante ayant conduit à ce que les éoliennes fonctionnent dans un cadre non suffisamment réglementé, à l'origine d'un préjudice notamment pour la protection des oiseaux ». Le 16 janvier, un cadavre d'aigle royal, espèce protégée, avait ainsi été retrouvé sous les éoliennes. Il avait été démontré que sa trajectoire l'avait conduit à percuter une des pales.

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Un délai de quinze mois

En février dernier, Me Gallon indiquait que « de tous les contentieux éoliens  en cours en France, celui des éoliennes de Bernagues-Lunas est le plus avancé, et le seul où la démolition d'aérogénérateurs pourrait être décidée »... Un pas de plus vient d'être franchi.

ERL avait demandé qu'en cas de démolition obligatoire un délai de vingt-six mois lui soit octroyé et que cette pénalité journalière ne dépasse pas 500 euros. Selon la décision de justice, le démontage des sept éoliennes et la remise en état du site de Bernagues, sur la commune de Lunas, devront être effectifs dans un délai de quinze mois, avec une pénalité de 3.000 euros par jour de retard à verser aux associations (1.000 chacune), durant 180 jours. Au delà de cette date, la cour se réunirait à nouveau pour statuer.

Sollicité par la rédaction, Valeco s'est contenté d'une réponse par mail : « La société ERL va se pourvoir en cassation, dans le respect de cette échéance, il n'y aura pas de commentaire. »

Selon l'avocat des associations environnementales Me Gallon, «  les chances de succès de ce pourvoi sont faibles puisque la Cour de cassation avait déjà rendu un arrêt précédemment ».

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A l'arrêt la journée

« Le préjudice écologique a été admis et reconnu, s'est félicitée quant à elle Marjolaine Villey-Migraine, porte-parole du collectif des associations. Mais notre combat n'est pas tout à fait terminé, puisqu'ils ont quinze mois pour démonter les éoliennes, temps durant lequel ils souhaitent poursuivre leur fonctionnement. Or les éoliennes ont déjà causé beaucoup de dégâts ».

Le parc éolien avait eu interdiction de fonctionner en 2020, suite à la mort d'un vautour-moine, espèce en voie d'extinction. ERL avait eu droit de les relancer en octobre 2022 après avoir installé un système d'effarouchement des oiseaux, mais la mort de l'aigle royal en janvier 2023 les avait à nouveau mises à l'arrêt... la journée, l'aigle royal étant un oiseau diurne. Les éoliennes pouvaient donc tourner la nuit.

« Le préfet de l'Hérault a pris un arrêté (le 13 octobre 2023,  NDLR) pour qu'elles puissent redémarrer la journée sous certaines conditions, notamment la mise en place d'un détecteur de passage des oiseaux, mais il n'est pas certain qu'ERL ait déjà investi dans tout cela, indique Marjolaine Villey-Migraine à La Tribune. On verra ce que la DREAL décidera  compte tenu de cette décision de la cour d'appel de Nîmes. »

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Commentaires 3
à écrit le 15/12/2023 à 9:10
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Il y a bien plus que 7 éoliennes sur la photo. Quid des autres ?

à écrit le 09/12/2023 à 7:23
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Tout comme iberdrola qui vient d'obtenir un prix de la démocratie avec une commune dont 75% des habitants sont contre ce projet en ayant signé la petition, un maire qui refuse tout débat public ainsi que toute consultation de la population .....Le CN...

à écrit le 09/12/2023 à 0:17
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Les éoliennes dans le paysage ne me gêne pas je trouve ça «  surréaliste » apres tout on a bien des lignes à hautes tensions et des silos immondes ou personne ne dit rien étrangement - par contre s il y a de risques pour la faune - déjà bien malme...

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