13,8 millions d’euros redressés pour travail dissimulé en Languedoc-Roussillon en 2021

Pas de crise sanitaire qui tienne pour les services de l’Urssaf dédiés à la lutte contre le travail dissimulé. Leur travail de fourmi, désormais dopé par les techniques d’exploitation des données, a permis de redresser 13,8 millions d’euros en 2021 sur le périmètre de l’ex-Languedoc-Roussillon. Soit un nouveau montant record et une hausse de 50% par rapport à 2019.
Cécile Chaigneau
Dans sa lutte contre le travail dissimulé, outre les secteurs exposés comme le BTP, les cafés-hôtels-restaurants ou la sécurité, l'Urssaf dit aussi cibler les auto-entrepreneurs.
Dans sa lutte contre le travail dissimulé, outre les secteurs exposés comme le BTP, les cafés-hôtels-restaurants ou la sécurité, l'Urssaf dit aussi cibler les auto-entrepreneurs. (Crédits : DR)

162 redressements pour travail dissimulé, pour un volume de redressement global de 13,8 millions d'euros (contre 13,3 millions sur l'année 2020). C'est le fruit du travail de l'Urssaf en 2021 sur le périmètre de l'ex-Languedoc-Roussillon dans sa lutte contre le travail dissimulé.

Ces chiffres s'inscrivent dans le bilan annuel que vient de dévoiler l'Urssaf. A l'échelle nationale, ce sont 789,4 millions d'euros de cotisations qui ont été redressés en 2021 au titre de la lutte contre le travail dissimulé. Soit une hausse de 30% par rapport à l'année 2020 et un nouveau montant record.

L'image de l'Urssaf a favorablement évolué dans l'esprit des entreprises à la faveur des reports de cotisations accordés durant la crise sanitaire, comme le souligne François Hiebel, directeur régional de l'Urssaf Languedoc-Roussillon : « Concernant les cotisations qui restent dues aujourd'hui, pour la première fois, c'est l'Urssaf qui s'est adressé aux employeurs ou travailleurs indépendants à compter de septembre 2021 pour leur proposer des délais de paiement. 29.000 plans d'apurement ont été établis pour 290 millions d'euros, et il reste à ce jour 135 millions d'euros à recouvrer. Dans l'ensemble, les échéances sont respectées ».

Pour autant, les obligations en matière de respect de la réglementation du travail demeurent et l'organisme a poursuivi son action pour débusquer les fraudeurs.

« Même pendant la crise sanitaire, nous avons maintenu notre action contre le travail illégal, déclare François Hiebel. La progression des montants redressés en 2021 est en hausse de + 50% par rapport à 2019. Ça n'a rien à voir avec la crise sanitaire, c'est le fruit de notre action, à laquelle nous avons donné des moyens... Nous n'avons pas eu à traiter de très grosses affaires mais plutôt des montants moyens de 85.000 euros. »

La force du data-mining

Pour s'adapter aux diverses formes que peut prendre le travail dissimulé, les méthodes d'investigation de l'Urssaf et les cibles évoluent.

« Je rappelle que nous agissons dans le cadre d'un travail partenarial avec la DGFIP (Direction générale des Finances publiques, NDLR), la DREETS (Direction Régionale de l'Économie, de l'Emploi, du Travail et des Solidarités, NDLR), la gendarmerie et la police, ainsi que les procureurs de la République, réunis au sein du CODAF (comité opérationnels départementaux anti-fraude, NDLR), insiste François Hiebel. L'Urssaf Languedoc-Roussillon compte 60 inspecteurs, dont 50 pour les contrôles comptables d'assiettes et dix affectés à la lutte contre le travail illégal, mais les deux équipes ne sont pas étanches et nous avons demandé aux inspecteurs contrôleurs de porter plus d'attention sur ce sujet. Et bien sûr, nous mobilisons l'exploitation de nos bases de données de manière plus importante. »

Des techniques de data-mining et un « travail de fourmi » qui donnent de meilleurs résultats. Le plus gros redressement, dans la région en 2021, a dépassé les 300.000 euros.

En vertu de ces nouveaux moyens, le directeur régional n'hésite pas à afficher des objectifs à la hausse pour les années à venir : « J'ambitionne que nous continuions à développer nos résultats, et je vise une hausse de + 50% en 2022 ». Avis aux fraudeurs...

Micro-entrepreneurs : 2,5 millions d'euros redressés

Qui est prioritairement dans le viseur de cette action anti-travail illégal ?

« D'abord les activités qui présentent plus de risque que d'autres, comme le BTP, les cafés-hôtels-restaurants ou, ce qui s'est développé plus récemment, la sécurité, répond François Hiebel. Nous portons par ailleurs une attention croissante aux micro-entrepreneurs, surtout les auto-entrepreneurs dont le nombre a fortement augmenté : sur les 220.000 travailleurs indépendants en Languedoc-Roussillon aujourd'hui, ils sont 120.000 auto-entrepreneurs. Si on agit, c'est pour deux motifs majeurs : les droits des personnes qui ne sont pas déclarées et qui, par exemple, ne se constituent pas de droits à la retraite, et le risque de concurrence déloyale. »

En 2021, les redressements portant sur les micro-entrepreneurs se sont élevés à 2,5 millions d'euros, parfois pour des gros montants. Le plus gros redressement effectué par l'Urssaf chez un micro-entrepreneur de la région a dépassé les 200.000 euros...

Concernant le risque encouru pour le fraudeur, François Hiebel le rappelle : « Dès lors qu'une personne a procédé à du travail dissimulé, outre les poursuites judiciaires ou amendes auxquelles elle s'expose, toutes les aides auxquelles elle a droit sont annulées (en l'occurrence, les droits à exonération, NDLR). Et il faut recouvrer les dettes de travail dissimulé : nous y sommes vigilants et ça peut aller jusqu'à la saisie des biens ».

L'Urssaf a-t-elle dans son viseur les éventuelles fraudes aux dispositifs d'aide dont les entreprises ont bénéficié durant la crise sanitaire, par exemple le chômage partiel abusif ? François Hiebel indique que c'est « un travail partenarial qui se fait avec les DDEETS et les DDFIP mais nous n'en sommes pas à l'initiative ».

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Vigilance maintenue sur les travailleurs détachés

En droit du travail, le statut de travailleur détaché est un statut défini par la directive européenne du 16 décembre 1996 permettant à un employé travaillant dans un État membre de l'Union européenne d'être détaché pour aller travailler dans un autre État membre pendant une période limitée, tout en restant assujettis à son régime habituel de sécurité sociale. Ce qui peut se révéler financièrement intéressant pour l'employeur...

« Ce qui est interdit, c'est l'abus du travail détaché, indique François Hiebel. Nous luttons contre les entreprises qui ont en permanence des salariés détachés. En Languedoc-Roussillon, nous avons notamment eu une grosse affaire, celle de Terra Fecundis (entreprise d'intérim espagnole qui a surtout sévi dans le Gard et en région PACA ou Auvergne-Rhône-Alpes : déjà condamnée en 2021 par le tribunal judiciaire de Marseille, elle vient d'être frappée d'une interdiction d'exercer son activité en France par le tribunal correctionnel de Nîmes, NDLR). Nous avons quelques dossiers mais portant sur des redressements peu importants. Ce qui ne signifie pas qu'il y a une baisse du recours au travail détaché, qui reste un objet de vigilance pour l'Urssaf. »

Cécile Chaigneau

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