Pour son retour après deux années occultées pour cause de Covid (une édition numérique avait eu lieu l'an dernier), le Medfel, salon des fruits et légumes méditerranéens, survenait dans un contexte très particulier, entre calamités climatiques, hausse des prix des intrants et incertitudes géopolitiques...
L'année n'est pas terminée, les campagnes de fruits d'été ne sont pas commencées que les calculettes affichent déjà des surcoûts très conséquents. À la production, dans les vergers, les hausses de prix des engrais, des produits phytosanitaires ou du carburant font bondir le coût de revient. Avec, selon les cas, des progressions de 10 à 15% par rapport à l'an dernier et de près de 30% par rapport à l'année 2020.
Dans les stations de conditionnement, on se gratte également la tête. En plus des augmentations de l'énergie (pour les frigos), il y a également de grandes tensions sur les palettes, les plastiques, le coût du travail et surtout sur le carton. Et même une double tension, sur les prix et sur les approvisionnements. À la coopérative agricole Ille Fruits (à Ille-sur-Têt dans les Pyrénées-Orientales), un des principaux opérateurs en fruits d'été et en concombre du département, les équipes ont tenté de tout border pour l'année après un gros coup de chaud sur le concombre.
Plannings décalés
« Le prix du gaz a été multiplié par deux et demi par rapport à l'an dernier, détaille Jean-François Not, président de la coopérative illoise. L'an passé, pour chauffer nos serres à concombres, nous en avons eu pour 197.000 euros. Cette année, la facture du seul mois de janvier s'élève à 194.000 euros et nous allons finir la campagne à un demi-million d'euros pour le seul poste gaz... Par chance, les conditions de marché ont été très bonnes, avec une moindre production en Europe et des prix restés élevés cet hiver et au début du printemps. Cela nous permet de ne pas perdre d'argent, mais nous n'en gagnons pas avec cette production cette année. »
Directeur du marché de Saint-Charles, Cyril Gorne explique que c'est un peu le même schéma qui s'est produit pour la tomate : « À cause du prix du gaz, les Hollandais, qui sont les principaux producteurs de tomates en Europe, ont décalé leurs plannings pour moins chauffer, et de leur côté, les Marocains ont contingenté leurs exportations pour privilégier leur marché intérieur pendant le Ramadan. Donc tout est fluide pour le moment, les prix sont hauts mais il faudra aussi compter avec le coût du fret, cette année ».
Anticipation
Pour la campagne d'été, la coopérative Ille Fruits a anticipé avec ses fournisseurs et espère ne pas avoir de pépin. D'autant que le secteur doit aussi faire face à un changement réglementaire qui leur impose d'abandonner les emballages en plastique au bénéfice du carton... Ce qui fait enrager Jean-François Not.
« Nos plastiques étaient des plastiques recyclés et on nous impose des conditionnements en carton qui changent la donne en matière de conservation et prennent beaucoup plus de volumes, raille-t-il. Pour le même poids de fruits, il faut compter six fois plus d'espace dans les camions, donc un surcoût important en frais de transport. »
Sans compter que le carton, comme le reste, flambe.
« Les cartons, c'est 20 à 30% d'augmentation depuis le début de l'année, ajoute ainsi François Bes, directeur de la coopérative. Mais tout a augmenté, le travail aura pris près de 10% aussi ces derniers mois, et je ne parle pas de l'énergie... »
Au total, François Bes estime de 15 à 20% l'augmentation du prix de revient des fruits d'été, soit une dizaine de centimes au kilo. Qu'il faudra bien faire supporter par quelqu'un.
Prix soutenus ?
« Pour l'instant, la distribution est attentive à ce qui se passe, et nous espérons que nous arriverons à répartir cette augmentation sur tous les maillons de la chaîne », prédit Jean-François Not.
Pour les fruits à noyau, c'est peut-être le malheur des Espagnols - qui ont perdu la moitié de la production d'abricot début avril à cause du gel, et probablement autant en pêche - qui permettra au prix de se tenir et aux entreprises de sauver la mise. À condition que la consommation soit là cet été, sans coup férir, malgré le recul du pouvoir d'achat.
Quant à l'après, pour 2023, c'est peut-être moins les problèmes de prix qui inquiètent la filière que la disponibilité des emballages et de la main d'œuvre. Mais à chaque année suffit sa peine.
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