Vendanges sur fond de crise : « C’est toute une économie qui risque de s’effondrer »

VITICULTURE (2/2) – Alors que les vendanges s’accélèrent sous l’effet des températures caniculaires, les viticulteurs sont inquiets. Les difficultés d’écoulement de la récolte précédente font craindre une campagne difficile. Chez les viticulteurs, les responsables tirent la sonnette d’alarme.
Alors que les vendanges commencent dans les vignobles du Languedoc-Roussillon, les viticulteurs s'inquiètent de ces nouveaux volumes qui vont arriver sur un marché déjà très encombré.
Alors que les vendanges commencent dans les vignobles du Languedoc-Roussillon, les viticulteurs s'inquiètent de ces nouveaux volumes qui vont arriver sur un marché déjà très encombré. (Crédits : Michèle Trévoux)

La campagne viticole 2023-2024 s'annonce à haut risque. Alors que les vendanges ont tout juste commencé, les professionnels s'inquiètent déjà de l'arrivée de ces nouveaux volumes sur un marché déjà très encombré. Lors de la campagne précédente, face au déséquilibre de l'offre et de la demande, la filière viticole a obtenu la mise en œuvre d'une distillation de crise pour éliminer les surstocks. Producteurs et négociants ont souscrit massivement à cette mesure (4,4 millions d'hectolitres), si bien que l'enveloppe de 160 millions d'euros initialement annoncée a été largement dépassée. Le bassin viticole du Languedoc-Roussillon, à lui seul, a candidaté pour l'élimination de 2 millions d'hectolitres.

En visite dans l'Hérault le 25 août, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, a annoncé avoir mobilisé la réserve dite « de crise » de l'Union européenne, pour abonder cette opération de distillation et atteindre un maximum de 200 millions d'euros. Cette rallonge, très attendue par les responsables professionnels, va permettre de distiller 3 millions d'hectolitres, sans atteindre pour autant la totalité des volumes souscrits. L'inquiétude demeure toutefois sur l'évolution des prix au cours de cette campagne.

« Cela n'est plus tenable ! »

« Nous sommes déçus par la campagne qui vient de s'écouler : malgré des prix trop bas, nous avons continué à perdre des parts de marché, c'est très inquiétant, prévient Ludovic Roux, président des Vignerons coopérateurs d'Occitanie. La situation est dramatique, car depuis cinq ans, les aléas climatiques, la hausse des coûts de production et les nouvelles contraintes environnementales ont asséché les trésoreries. Nous arrivons au bout d'un système, et certaines caves coopératives sont en très grandes difficultés. Nous allons perdre des vignerons. C'est toute une économie qui risque de s'effondrer. »

Frédéric Rouanet, le bouillonnant président du syndicat des Vignerons de l'Aude, est tout aussi inquiet.

« La situation de la filière viticole audoise est préoccupante : après avoir subi une succession de crises climatiques et économiques, après avoir vu leurs charges exploser en raison d'une inflation hors normes, et alors qu'une partie du vignoble a été détruite par la sécheresse sur le littoral, qu'une autre est atteinte par un important épisode de mildiou sur l'ouest du département, et que la consommation reste atone avec des prix très faibles, la filière viticole audoise est à bout de souffle, s'insurge-t-il dans un communiqué de presse. Le vin est le seul produit alimentaire qui n'a pas vu son prix suivre la courbe de l'inflation. Il reste vendu dans les magasins au même prix qu'avant la crise, alors que les coûts à la production ont explosé et que la poignée de négociants qui tient le marché ne cesse de vouloir tirer les prix d'achat aux vignerons vers le bas. Dépenser plus pour être toujours moins payé, cela n'est plus tenable ! »

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« Nous ne sommes pas à l'abri des secousses du marché »

Anthony Bafoil, qui préside la cave de Lédignan dans le Gard, est lui aussi préoccupé, malgré le contrat triennal signé avec Castel, un des plus acheteurs en Languedoc : « Nous avons été une des premières caves à signer cette contractualisation sur trois ans. Aujourd'hui, nous nous en félicitons. Nous avons 23.000 hectolitres qui sont réservés sur les 30.000 hectolitres que nous espérons produire cette année. C'est déjà pas mal... Mais même avec cette contractualisation, nous ne sommes pas à l'abri des secousses du marché. Cette année, Castel a réduit de 25% les volumes de rouge qu'il nous prend habituellement ».

« On va vers des mois compliqués, pronostique Ludovic Roux. Si notre filière s'écroule, ce sera des rentrées en moins pour l'Etat. Il faut une réaction forte de la profession comme des pouvoirs publics. Nous avons toute une série de mesures à proposer. Par exemple des aides pour un arrachage temporaire et pour l'accompagnement des vignerons contraints d'arrêter leur activité. Ou des aides au stockage privé et pour les coopératives qui sont des amortisseurs sociaux faisant vivre de nombreux agriculteurs et familles, et qui ne pourront pas assumer ce rôle sans être accompagnées. Ou encore une année blanche des cotisations MSA, un dégrèvement à 100% de la TFNB (Taxe Foncière sur le Non Bâti, NDLR), une dérogation des amortissements afin de les différer et de donner de la perspective aux trésoreries affaiblies de nos entreprises, des mesures d'accompagnement à l'ouverture des marchés à l'export... J'espère qu'on sera écoutés ».

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