Immobilier montpelliérain : entre ville et campagne, « des comportements irrationnels »

SERIE Immobilier (3/3) – Après deux années chamboulées par la crise sanitaire et les élections municipales, le marché immobilier montpelliérain a subi quelques électrochocs. Une évolution est cependant constante, c’est la hausse des prix.
Cécile Chaigneau
Thomas Brée, dirigeant de l'agence immobilière France Gestion à Montpellier et président de la FNAIM Hérault.
Thomas Brée, dirigeant de l'agence immobilière France Gestion à Montpellier et président de la FNAIM Hérault. (Crédits : DR)

La remontée des taux est observée avec inquiétude par les ménages mais le ralentissement de la production de crédits immobiliers n'est pas tant lié à cette hausse, plutôt contenue (selon les chiffres de la Banque de France, publiés le 5 mai dernier, les taux moyens pratiqués étaient de 1,17% en avril, contre 1,1% en décembre, hors assurance et sûreté), qu'à des contraintes réglementaires et à une dégradation de l'environnement. Même si en ces temps chahutés d'une économie mondiale perturbée par la crise sanitaire puis par le conflit en Ukraine et une inflation à la hausse, la pierre reste un placement rassurant et porteur...

« On nous fait peur avec la remontée des taux alors qu'elle reste relativement faible, analyse Thomas Brée, dirigeant de l'agence immobilière France Gestion à Montpellier et président de la FNAIM Hérault. Ce n'est pas le vrai frein ! Ce qui est un frein aujourd'hui, ce sont les prix élevés car cette hausse, elle, ne s'arrête pas ! Elle est progressive et incontournable... Dans la métropole montpelliéraine, les prix ont augmenté de + 8% en 2021 en moyenne, de + 8,3% intramuros et même de + 12% dans le quartier Port Marianne. »

Pour expliquer ce phénomène récurrent de hausse des prix qui semble ne pas avoir de fin, le dirigeant incrimine un système qui s'est inversé : « Aujourd'hui, ce ne sont plus les agents immobiliers qui fixent le prix d'un bien, c'est le vendeur ! Ils demandent des prix trop élevés et comme ça ne correspond pas au marché, ça ne se vend pas. Le marché se retrouve comme anesthésié, même s'il y a une forte demande ».

De la ville vers la campagne... et inversement

L'accès à la propriété reste ainsi complexe pour les ménages modestes, qui sont obligés de rogner sur certains de leurs besoins pour y parvenir.

« Chez les primo-accédants, s'ils justifient de deux salaires et acceptent une pièce en moins, ils y arrivent, indique Thomas Brée. Mais on n'a pas de refus de prêts massifs. »

En revanche, l'expert immobilier observe un autre retournement : après avoir ardemment souhaité quitter la ville pour un logement à la campagne où ils pourraient se confiner plus confortablement, les clients des agences immobilières, confrontés à un environnement qui a changé, font machine arrière...

« En 2021, tout le monde voulait sa maison avec son jardin, et les gens se sont éloignés de la ville, témoigne-t-il. Aujourd'hui, quand il y a deux personnes qui doivent faire la route tous les jours pour venir travailler à Montpellier, passer à la pompe à essence, ça fait mal... Alors maintenant, ils reviennent nous voir pour chercher un appartement peu énergivore, proche de leur lieu de travail pour y aller en vélo. Du coup, ils veulent vendre leur maison cher et retrouver l'équivalent en ville. On est sur des comportements irrationnels ! »

Réhabilitation de Béziers, Lunel ou Lodève

 « En sortie du confinement, avec l'envie de changement de cadre de vie, on a fait une bonne année 2021 dans l'Hérault et des villes comme Béziers, Lunel, Pézenas ou Lodève ont connu une vraie dynamique, souligne Thomas Brée. On n'avait jamais vu ça de façon aussi rapide... La crise sanitaire a revalorisé ces territoires ruraux. Aujourd'hui, les gens reviennent donc à Montpellier, et comme il n'y a plus d'offre dans le logement neuf, l'ancien se porte bien ! D'autant que pour des Parisiens par exemple, rien n'est cher... »

Avec des prix dans l'ancien qui se portent aujourd'hui à 3.200 euros le m2 en moyenne, « avec des pics à 6.000 euros à Port-Marianne », précise Thomas Brée, l'opération est plus difficile pour les Montpelliérains qui n'ont pas les moyens de suivre cette hausse et revoient donc la voilure sur la taille du logement. Un autre changement se profile à la faveur de cette hausse des prix : certains quartiers à la réputation abîmée retrouvent la cote.

« C'est le cas de Celleneuve, Malbosc ou les Cévennes, qui sont en train de changer de population », indique Thomas Brée.

Du côté des maisons individuelles dans l'ancien, Thomas Brée assure que « c'est la ruée dès qu'il y en a une sur le marché, quel que soit le prix, tant l'offre est rare »...

 « Qui peut s'offrir du neuf ? »

Dans le logement neuf, en effet, après une année 2020 figée par la crise sanitaire et les élections municipales et une année 2021 peu productive à Montpellier en raison du frein imposé par l'exécutif en place, l'offre s'est raréfiée : « Aujourd'hui, il y a quelques permis de construire qui se libèrent mais l'offre n'est pas prête d'arriver et celle qui sort est à 8.000 euros le m2. Qui peut se l'offrir ? », interroge le dirigeant.

Le 23 juin prochain, le maire Michaël Delafosse devrait annoncer le retour des "Folies architecturales montpelliéraines" qui devraient être au nombre de dix. Une décision qui sera probablement applaudie du côté des promoteurs immobiliers.

Mais il y a une décision qui ne satisfait personne, ni les promoteurs ni les agents immobiliers, c'est l'expérimentation de l'encadrement des loyers qui va démarrer le 1er juillet prochain.

Vent debout contre ce dispositif, Thomas Brée, qui regrette un manque de concertation des professionnels de l'immobilier dans cette affaire, s'est fendu d'une tribune au lendemain de l'annonce du maire : « Le véritable problème en matière de logement à Montpellier n'est pas le niveau des loyers mais bien le manque de logements sociaux ou dans le neuf, par manque d'attribution de permis de construire depuis janvier 2020 », écrit-il notamment.

Parer la fuite des forces commerciales

En marge de l'agitation sur les marchés, une mutation, invisible pour qui n'est pas dans le secteur immobilier, est en cours.

« Notre difficulté aujourd'hui, c'est une fuite de nos forces commerciales vers les réseaux de mandataires immobiliers qui prennent de plus en plus de parts de marché, raconte Thomas Brée. Nous avons rencontré les mandataires pour comprendre et ce qui ressort comme valeur ajoutée majeure du statut de mandataire immobilier, c'est la liberté ! Ils ne veulent pas être dépendants d'un patron. Et ils sont formés... Alors pour faire face à ce phénomène, même si on accepte la concurrence, on se doit de réagir. C'est un problème qui n'est pas propre à notre département mais la FNAIM Hérault a décidé de passer à l'offensive et de faire parade en proposant la mise en place d'un "Pacte agent commercial", sorte de boîte à outils pour recruter et fidéliser les agents. Il s'agira d'un package administratif avec tous les éléments nécessaires à la création du statut, avec des outils de suivi comptable et de formation, qui servira aussi une fois en poste... Nous allons présenter ce dispositif le 23 juin prochain, lors de notre assemblée générale. Cette boîte à outils sera mise en œuvre dès cet été pour être opérationnelle en septembre. C'est une chose de se plaindre de ce phénomène, c'en est une autre d'agir pour le contrer. Aucune FNAIM ne s'arme comme on va le faire. »

En parallèle de cette fuite des compétences vers une concurrence moins traditionnelle, l'agent immobilier assure avoir observé « une aversion pour le statut de salarié au profit d'agent commercial » : « Et ce n'est pas un effet générationnel mais plutôt conjoncturel. Le Covid a changé beaucoup de choses dans les comportements et personne aujourd'hui n'a plus envie de revenir à un travail astreignant, avec des contraintes horaires et de petits salaires ».

Cécile Chaigneau

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