Animation 3D et talents : comment l’ESMA attire les plus grands studios du monde à Montpellier

Alors que les industries créatives et culturelles (ICC) prennent une place de plus en plus importante en Occitanie, l’École supérieure des métiers artistiques (ESMA) affirme chaque année davantage son rôle de pôle de formation d’excellence en animation 3D et effets spéciaux. Avec son siège à Montpellier, au coeur de la Cité créative, l'école contribue à fournir en main d’oeuvre experte un secteur de l’animation en forte croissance en France et à l’étranger. À tel point que les plus grands studios n’hésitent pas à faire le déplacement pour venir repérer et recruter ses étudiants.
Le 7 septembre 2023, 28 courts-métrages réalisés par les étudiants en 4e année de l'ESMA étaient projetés en simultané dans plusieurs salles du Gaumont Montpellier Multiplexe devant 1.300 spectateurs (certains à distance).
Le 7 septembre 2023, 28 courts-métrages réalisés par les étudiants en 4e année de l'ESMA étaient projetés en simultané dans plusieurs salles du Gaumont Montpellier Multiplexe devant 1.300 spectateurs (certains à distance). (Crédits : Alice Rolland)

Le 7 septembre dernier, 28 courts-métrages étaient diffusés simultanément dans plusieurs salles du Gaumont Multiplexe de Montpellier, devant près de 1.300 spectateurs, dont certains à distance. Ces films d'animation sont l'aboutissement de quatorze mois de travail intense pour les étudiants de la promo 2023 de l'École supérieure des métiers artistiques (ESMA). Ou plutôt de l'ensemble des promotions du réseau Icônes, la galaxie d'écoles qui égrène son enseignement à Montpellier (siège social), Toulouse, Nantes, Lyon et bientôt Rennes, sous la houlette du Montpelliérain Karim Khenissi.

Fait notable, parmi les spectateurs sont présents une cinquantaine de professionnels des métiers créatifs liés à l'image, qu'il s'agisse du jeu vidéo, de la publicité ou du cinéma d'animation. Représentant une trentaine de studios de renom (dont certains comme Fortiche Production, Mathematic ou Ubisoft ont aujourd'hui un ancrage montpelliérain), ces derniers participent au jury pour remettre des prix aux quatre meilleurs courts-métrages de la promotion 2023. Une petite touche glamour qui voit les prix remis en grandes pompes et habits de soirée par le président du jury, David Alaux, président et co-fondateur des studios toulousains TAT Production, fer de lance du secteur en région.

 « Les courts-métrages sont tous de qualité supérieure : c'est un travail très abouti artistiquement comme techniquement avec des styles complètement différents », résume David Alaux au nom du jury.

Un propos que complète Emmanuelle Aubeau, Talent Acquisition Manager chez Fortiche Production : « C'est intéressant de voir que les étudiants ont la capacité d'avoir des univers complètement différents  mais aussi de travailler en équipe pendant plusieurs mois. Cela veut dire qu'ils vont pouvoir bien s'intégrer dans l'ensemble des studios et des productions sur le marché et pour lesquels on recherche des talents ».

Lire aussiPourquoi les studios d'effets spéciaux Mathematic et The Yard s'installent à Montpellier

Âge d'or de l'animation

Car le véritable enjeu de cet événement annuel est bien le recrutement des talents. Il s'agit pour la trentaine de studios présents de faire leur marché d'étudiants en fin de cursus capables de réaliser une première production quasiment en conditions réelles. Pour faciliter la mise en relation, l'ESMA y met les formes, organisant le lendemain un jobfare, soit plus de 1.300 entretiens individuels entre les recruteurs potentiels et les 230 élèves (dont 70% de filles) de la promotion 2023. Pour combien de recrutements immédiats ? Difficile à dire, et tous les studios sont unanimes : c'est top secret. La concurrence n'a jamais été aussi rude dans un secteur toujours en plein essor, qui irrigue de nombreux domaines de l'entertainment et s'est, depuis, largement émancipé du public jeunesse.

Notamment grâce au succès hors normes (4 Emmy Awards en 2022) de la série Arcane réalisée par Fortiche Productions (installée à Paris, Montpellier et Las Palmas), qui a contribué à élargir le domaine de l'animation à un public adulte en s'emparant de l'univers du jeu vidéo League of Legends. Dans ce contexte, la France semble plus que jamais tirer son épingle du jeu, expliquant que nombre de studios présents à l'événement de l'ESMA soient francophones. Selon une étude d'Audiens de 2019-2022, « La France est le troisième pays au monde et le premier pays européen en volume de séries d'animation en cours de commande, d'après les études récentes menées par le CNC . Cela correspond à une masse salariale de 184,6 millions d'euros ». David Alaux parle même de « l'âge d'or de l'animation en France ». Et il est bien placé pour le faire. Son dernier long-métrage, Les As de la Jungle 2, cartonne dans les salles et de nombreux projets sont en vue pour TAT Production.

 « C'est du pain béni pour les studios de pouvoir venir et commencer à chasser les talents quand on en a besoin, de les avoir juste à côté, reconnaissent David Alaux et Stéphane Margail chez TAT Production. Nous sommes encore en phase de croissance, on s'est donné deux à trois ans de croissance pour atteindre les 350 personnes au studio, donc nous sommes toujours en recherche de talents. Je ne vais pas proposer des contrats demain, mais dans les mois qui viennent il y aura sûrement des recrutements. Nous avons une vingtaine de métiers différents dans le studio. »

Lire aussiNouveaux campus, écoles de langue, stratégie immobilière : l'ESMA élargit son champ d'action

Une French touch très recherchée

Ainsi, pour la plupart, c'est avant tout une porte ouverte.

« Il peut s'agir de répondre à des besoins immédiats ou à très court terme mais aussi d'échanger avec les étudiants et leur permettre de mieux s'identifier à ce que fait un studio pour s'y projeter, confirme Emmanuelle Aubeau chez Fortiche Production. À nous de garder en mémoire les étudiants rencontrés et de suivre ce qu'ils vont faire s'ils ne nous rejoignent pas tout de suite. »

Selon Aymeric Gesse, Animation Technical Director chez le géant Ubisoft, « c'est l'idéal pour parler de nos différents domaines, et dans notre cas, nous pouvons avoir besoin de profils cinématographiques dans le cadre de jeux vidéos ».

De son côté, l'ESMA (dont le cursus en quatre ans, auxquels se rajoute une année préparatoire, coûte entre 6.000 et près de 8.000 euros par an de frais de scolarité) se targue, vingt-et-un ans après la sortie de sa première promotion en 2002, d'avoir un taux de placement de 93% dans les six mois qui suivent la remise du diplôme. Pour attirer les futurs élèves, elle peut compter sur le récent classement du site Animation Career Review, qui la classe 2e meilleure école française, 8e au monde et 5e en Europe.

« En France nous formons des profils plus généralistes que les Etats-Unis, ce qui permet à nos étudiants d'être lead dans leur domaine tout en pouvant encadrer une équipe assez rapidement grâce à leur excellente connaissance de l'ensemble de la chaîne de production, affirme Karim Khenissi, le dirigeant de l'ESMA. Ils sont ouverts à l'art, au cinéma, à la culture en général. C'est ce qu'on pourrait appeler la French touch. Et c'est aussi pour cela qu'ils sont très recherchés. »

Lire aussiComment le studio Fortiche Production s'est ancré à Montpellier depuis le succès d'Arcane sur Netflix

Manque de main d'oeuvre

Preuve en est le parcours d'un des recruteurs, Joakim Riedinger, un ancien de l'ESMA qui a rejoint il y a quelques mois Fortiche Production dans ses locaux de Montpellier.

« Je suis sorti diplômé de l'école il y a douze ans, j'ai été embauché au studio The Mill à Londres qui faisait de la publicité, puis j'ai travaillé à Paris sur les films des Minions, je suis allé en Allemagne avant de collaborer avec Sony Picture, notamment sur Spiderman : Into the Spiderverse, à Vancouver au Canada qui est peu le nouvel Hollywood de l'animation, raconte-t-il. Puis je suis retourné en Allemagne pour travailler sur House of the Dragon...Je suis à Fortiche depuis quelques mois seulement. »

Evidemment, aucun des 230 élèves de ce cru 2023 d'étudiants de l'ESMA ne sait ce qui l'attend dans sa vie professionnelle, ni si le studio de son choix va le recruter dans les mois à venir. Ce qui est sûr, c'est que côté salaire, la convention collective du cinéma d'animation en France garantit un minimum salarial de 95 à 125 euros brut par jour, selon l'intitulé du poste et la possibilité d'avoir le statut d'intermittent du spectacle (au bout de 507 heures de travail).

« Il y a un manque de main d'oeuvre très important, les studios s'arrachent les talents avec une surenchère qui peut être énorme, reconnaît Karim Khenissi. En sortie d'école, le salaire moyen peut aller de 32.000 euros net à des niveaux plus exceptionnels de 60.000 à 65.000 euros. »

Lire aussiLes As de la Jungle 2 : vers un succès pour le studio toulousain TAT Productions

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.