« On peut parler d'un retour d’appétence pour les métiers de l’industrie » (Pierre-Damien Rochette, UIMM)

La dynamique actuelle autour des ambitions de réindustrialisation et un travail de promotion des métiers de l’industrie dont ils récoltent les fruits redonnent le sourire aux industriels. Malgré tout, le contexte impose quelques défis de taille, autour du recrutement, du financement ou de la décarbonation. A l’UIMM Méditerranée Ouest, les dirigeants se réjouissent de bonnes nouvelles sur le front de l’emploi et planchent sur les marges de progrès pour combattre les freins à la réindustrialisation.
Cécile Chaigneau
Pierre-Damien Rochette, président du groupe Rochette Industrie (pièces complexes et  sous-ensembles mécaniques et hydrauliques pour les secteurs pétrolier et aéronautique) et président de l'UIMM Méditerranée Ouest.
Pierre-Damien Rochette, président du groupe Rochette Industrie (pièces complexes et sous-ensembles mécaniques et hydrauliques pour les secteurs pétrolier et aéronautique) et président de l'UIMM Méditerranée Ouest. (Crédits : DR)

« Dans l'Hérault, le secteur d'activité qui a créé le plus d'emplois en 2022, c'est l'industrie avec +3% de création d'emplois selon les données de l'Urssaf et hors intérim. Pour comparaison, en Occitanie, c'était +1,8%. Et la tendance perdure puisque on est à +3,6% au premier trimestre 2023, soit 27.000 personnes travaillent aujourd'hui dans l'industrie dans l'Hérault. »

Le poids grandissant du secteur industriel dans l'emploi sur le département de l'Hérault, c'est la bonne nouvelle qu'était venue porter Philippe Soursou, directeur de Pôle Emploi Hérault, le 19 septembre, à l'issue de l'assemblée générale de l'UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) Méditerranée Ouest.

Une bonne nouvelle qui vient rejoindre, au rang des indicateurs optimistes, le travail de promotion des métiers de l'industrie dont les dirigeants industriels récoltent les fruits et la dynamique actuelle autour des ambitions de réindustrialisation. Alors malgré un contexte inflationniste qui obère leurs objectifs de rentabilité et malgré des difficultés à recruter, les patrons de l'industrie retrouvent le sourire.

« L'industrie se porte très bien en France, on a enregistré plus de 300 créations d'usines dans le pays en 2023 contre 200 en 2022, se réjouit Pierre-Damien Rochette, le président de l'UIMM Méditerranée Ouest (et président du groupe Rochette Industrie, fabricant de pièces complexes et des sous-ensembles mécaniques et hydrauliques pour les secteurs pétrolier et aéronautique). L'ensemble de l'écosystème pousse l'industrie aujourd'hui. »

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« Des projets qui font davantage rêver les jeunes »

Les défis pour le secteur ne manquent donc pas : prix explosifs de l'énergie, décarbonation impérieuse mais lourde et chère à mettre en œuvre, financement fragile, et main d'œuvre difficile à trouver pour soutenir la croissance. Pourtant, sur la question des compétences, après des décennies de dévalorisation du travail industriel, la vapeur semble commencer à s'inverser.

« L'activité est repartie dans tous les secteurs et il est difficile de recruter aujourd'hui, mais les entrepreneurs ont un rôle à jouer pour aller rencontrer les jeunes et les faire venir demain dans nos entreprises industrielles, et l'UIMM et Pôle Emploi ont lancé beaucoup d'actions dont on commence à voir les résultats, souligne Pierre-Damien Rochette. L'UIMM Méditerranée Ouest dispose d'un centre de formation et sait créer des formations rapidement. La promotion des métiers a été notre combat, au niveau national comme au niveau régional. Dans l'Hérault, nous avons relancé la tournée de l'Industry Camp (faire découvrir aux jeunes les entreprises industrielles du territoire, NDLR) dans toutes les villes industrielles, et le salon Intersud avec la CCI. Aujourd'hui, nous sommes à +6% d'apprentis dans notre centre de formation. Oui, on peut parler d'un retour d'appétence pour les métiers de l'industrie et on voit les jeunes qui reviennent à l'industrie car les projets sur lesquels on communique, c'est l'hydrogène, l'éolien flottant, des projets qui font davantage rêver... On observe aussi une prise de conscience au niveau politique et de l'Education nationale avec la réforme des lycées professionnels où aujourd'hui, l'industrie est à nouveau mise en avant. »

Philippe Soursou alerte toutefois sur un point de crispation : « Aujourd'hui, le métier le plus en tension, c'est celui de technicien de maintenance. Nous devons donc développer les contrats de professionnalisation sur ce segment d'activité, sinon il est probable qu'on ait un problème pour faire venir de nouveaux arrivants sur le territoire. Il y a une vraie réflexion à mener ».

« On manque de culture innovation »

Même en phase de croissance, les entreprises ne doivent pas oublier le volet innovation, qui dessine aujourd'hui leur avenir. Or sur ce point, le président de l'UIMM Méditerranée Ouest pointe une faiblesse.

« Notre tissu industriel est fait de TPE et de PME qui innovent peu, note-t-il. On manque de culture innovation en France, alors que dans l'écosystème régional, on compte tous les bons ingrédients : les meilleurs chercheurs, un centre de formation, des incubateurs, etc., et pourtant ça ne marche pas ensemble ! Je rappelle que l'innovation, ce n'est pas que l'innovation de produit mais aussi sur les process, les RH, sur la chaîne de la valeur... »

Et de témoigner de la démarche qu'il a initié au sein de son groupe Rochette Industrie : « Nous avons opéré la digitalisation de nos process, soutenus financièrement par une subvention de la Région Occitanie, et alors qu'auparavant, nous pilotions l'usine avec des indicateurs papiers, aujourd'hui, nous les avons remplacé par des outils numériques et les salariés peuvent se concentrer sur la vraie valeur ajoutée ».

L'argent étant finalement souvent le nerf de la guerre, l'un des enjeux de l'industrie aujourd'hui est aussi le financement des investissements industriels.

« C'est le sujet du moment, après tout ce qu'on a subi, analyse Pierre-Damien Rochette. D'autant que le remboursement des PGE génère un endettement plus important des entreprises, ce qui crée une frilosité des banques à prêter de l'argent pour des investissements, et qu'il y a une croissance à assumer qui mobilise des besoins en fonds de roulement. »

Les entreprises ont toutefois pu s'appuyer sur le plan France 2030 (54 milliards d'euros) mais Pierre-Damien Rochette indique que ces fonds sont « accessibles surtout pour les entreprises qui ont une belle visibilité, pour les grandes entreprises, celles qui ont de gros projets, mais heureusement pour toutes les autres, il existe plein d'autres dispositifs ».

Décarbonation : l'UIMM lance Boost Energie

Quant à la décarbonation de l'industrie, les marges de manœuvre et d'action sont encore vastes... Selon le premier baromètre d'Argos Wityu et du BCG publié le 13 septembre dernier, les PME et ETI européennes sont très majoritairement conscientes de l'importance de la décarbonation, mais plus de 60% d'entre elles déclarent ne pas avoir investi fortement dans leur transition verte jusqu'à présent. Parmi les 38% ayant fortement investi, 11% seulement ont effectué ces investissements après avoir fait un bilan carbone et construit un plan structuré de décarbonation...

« C'est vrai, c'est un sujet dont les PME ne s'en emparent pas suffisamment, reconnaît Pierre-Damien rochette. Si nous avions encore le luxe de pouvoir passer à côté il y a quelques années, nous avons le devoir de le faire aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle l'UIMM Méditerranée Ouest lance ce 19 septembre le programme Boost Energie qui propose un accompagnement aux dirigeants d'entreprise qui veulent se lancer mais qui sont pris par le quotidien et n'ont pas les compétences internes pour s'en occuper. Boost Energie offre trois niveaux d'accompagnement : un audit énergétique avec Veritas, l'étude de faisabilité des solutions à mettre en œuvre, et trouver des financeurs. C'est un programme qui coûtera peu cher aux entreprises. »

Reste une problématique qui peut freiner toute démarche de réindustrialisation, celle du foncier : « On manque d'opportunités foncières et les temps administratifs sont encore assez longs, environ neuf mois pour avoir tous les accords. Dès que nous serons libérés des problèmes de recrutement et de financement, le foncier sera "le" défi à relever » ».

Lire aussi«La réindustrialisation n'est pas un vain mot »  (Thierry Chaumont - UIMM Alpes-Méditerranée)

Cécile Chaigneau

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