Innovation collaborative : ce qu’on observe dans l’écosystème montpelliérain

La chaire Coo-innov de l’Université de Montpellier, récemment créée et dédiée à l’innovation collaborative, vient de publier un premier rapport sur l’innovation collaborative dans l’écosystème montpelliérain. Forces et faiblesses.
Cécile Chaigneau
L'innovation collaborative, porteuse de nombreuses opportunités pour l'entreprise, peut aussi engendrer certains risques.
L'innovation collaborative, porteuse de nombreuses opportunités pour l'entreprise, peut aussi engendrer certains risques. (Crédits : DR)

Quel est le potentiel de l'innovation collaborative et à quels défis doivent faire face les entreprises pour innover ensemble ? C'est pour répondre à ces questions que s'est créée, en février 2020, la chaire Coo-innov (pour "Coopétition" et "Ecosystème d'innovation") de l'Université de Montpellier. Elle regroupe une quinzaine d'enseignants-chercheurs et de doctorants de l'Université de Montpellier et de Montpellier Business School.

« On ne peut plus faire de l'innovation tout seul dans le monde d'aujourd'hui car cela demande des budgets, des connaissances, etc., font observer Frédéric Le Roy et Anne-Sophie Fernandez, enseignants à l'Université Montpellier Management, chercheurs au sein du laboratoire Montpellier Recherche Management, et co-dirigeants de la chaire Coo-innov. Donc l'innovation collaborative se développe de plus en plus. Voyez l'exemple du 1e vaccin contre le Covid, conçu par Pfizer et BioNTech. »

Des avantages et des risques

Aujourd'hui, l'innovation en entreprise passe donc notamment par le développement de projets communs avec des partenaires de différentes natures, qu'ils soient fournisseurs, universités, start-ups.

Si elle peut être d'initiative privée, l'innovation collective gagne à impliquer aussi des acteurs publics, entre autres pour mutualiser des moyens financiers. C'est notamment le rôle assigné aux pôles de compétitivité qui prennent une part importante dans la structuration et le développement de ces collaborations.

Mais l'innovation collaborative, porteuse de nombreuses opportunités pour l'entreprise, peut aussi engendrer certains risques.

« Parmi les avantages de l'innovation collaborative, on compte le partage du risque lié à l'innovation, le partage des coûts de développement, l'accès à des compétences qui seraient trop longues à développer seul en interne, l'accès à des marchés auxquels une entreprise n'aurait pas accès toute seule, l'accélération du time-to-market, souligne Anne-Sophie Fernandez. Mais dans ce type de collaborations, on s'expose aussi au risque d'appropriation, au risque que comporte le partage de ressources et d'informations, avec la crainte que la concurrence s'en empare... Cela crée une incertitude sur les échanges de connaissances. Et suppose de s'interroger sur la propriété intellectuelle et la manière de se répartir la richesse créée par l'innovation collaborative. »

Environnement favorable

La chaire vient de publier son premier rapport sur l'innovation collaborative en en s'appuyant sur l'exemple de l'écosystème montpelliérain. Celui-ci s'inscrit au sein d'une région, l'Occitanie, offrant un paysage plutôt très favorable à l'innovation, avec plus de 245.000 étudiants, 29.400 chercheurs et deux cités start-ups à Toulouse et à Montpellier, et 13 pôles de compétitivité ayant une activité dans la région.

Le rapport de la Coo-Innov souligne également l'existence de 1.048 startups (soit 7% du total national) et rappelle que la « Métropole de Montpellier figure parmi les précurseurs du label French Tech et jouit d'une réputation dynamique favorable à la jeunesse ».

« En 2018, la ville a été retenue parmi les trois villes de la mission gouvernementale "Campus de l'innovation" et Montpellier est le 1er territoire en termes de création d'emplois dans les start-ups », ajoutent les auteurs du rapport.

Dynamique mais un manque de grandes entreprises

« Nous avons d'abord voulu savoir ce qui se passait au niveau institutionnel, établir un état des lieux des dispositifs existants, explique Frédéric Le Roy. Nous avons campé le décor et confirmé qu'il y avait bien un vrai sujet... Il y a une attente des start-ups mais aussi des PME. Nous étudions aussi la compétition au sein des écosystèmes. »

Le rapport de la chaire Coo-Innov révèle quelques grandes caractéristiques qualifiant l'état de l'innovation collaborative dans l'écosystème montpelliérain.

Première conclusion, mais ce n'est pas une surprise : les pôles de compétitivité impulsent l'innovation collaborative (c'est leur rôle premier), et les incubateurs la facilitent (jouant notamment le rôle de mise en réseau).

Si l'étude de l'écosystème montpelliérain confirme les avantages, les risques et l'importance des questions de gouvernance dans les projets d'innovation collaborative, elle met à jour deux spécificités montpelliéraines fortes : un écosystème dynamique mais un manque crucial de grandes entreprises. Une différence majeure avec d'autres villes de France comme Lyon, Paris ou Toulouse où des grandes entreprises sont implantées et s'engagent dans des processus d'innovation collaborative.

Les start-ups en quête d'opportunités

Résultat : l'innovation collaborative est davantage impulsée par des structures d'accompagnement, à savoir les pôles de compétitivité comme Aerospace Valley, Agri Sud-Ouest Innovation ou Eurobiomed, et les dispositifs publics de la Région Occitanie et de la  Métropole de Montpellier.

Or les start-ups de l'écosystème sont demandeuses de nouvelles opportunités d'innovation collaborative pour innover davantage et faire évoluer leur entreprise. A l'image de ce qui s'est fait dans le Gard à Marcoule, autour de la Clean Tech Valley impulsée par le groupe EDF en partenariat notamment avec le CEA ou Orano (ex-Areva).

Enfin, concernant les améliorations à apporter à l'écosystème montpelliérain, les interlocuteurs soulignent un manque de collaboration entre les startups et les acteurs de l'écosystème, ainsi que les difficultés de financement par le manque d'investisseurs.

« Au bout d'un moment les start-ups manquent de financement et partent, regrettent l'un des interlocuteurs interrogés lors de l'étude. Les start-ups sont capables de lever 2 à 3 millions d'euros, et au bout de trois ans ça stagne, il y a comme un plafond de verre, et elles s'en vont sur Paris, en Suisse, en Allemagne pour chercher des fonds supplémentaires et pouvoir avancer dans les différentes phases de progression. »

Des projets concrets à la loupe

« Notre prochaine étape sera d'aller interroger les chefs d'entreprises, étudier les projets d'innovation collaborative sur le territoire dans différents secteurs, dans les pôles de compétitivité mais aussi les projets d'initiative privée et de manière décentralisée pour voir si ça marche, et qu'est-ce qui ne marche pas, annonce aujourd'hui Frédéric Le Roy. Nous travaillerons également avec nos collègues de Kedge business school à Marseille afin de comparer nos écosystèmes. »

Les chercheurs de la chaire Coo-Innov ont déjà repéré, dans l'écosystème montpelliérain, des projets qu'ils pourront étudier à la loupe. Par exemple « celui entre Numalis, qui dispose du premier outillage informatique permettant de valider formellement des applications à base d'intelligence artificielle, et le groupe MBDA, leader européen des missiles et systèmes de missiles, pour mettre en œuvre une intelligence artificielle ». Ou encore celui entre ITK, entreprise héraultaise créatrice d'outils d'aide à la décision pour l'agriculture et Bayer Crop Science, filiale du groupe Bayer, pour la création d'une nouvelle génération d'outils d'aide à la décision.

Cécile Chaigneau

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