Supercalculateur, premier test d’évaluation des compétences : l’Université de Montpellier fait sa rentrée sous le signe de l’IA

Création d’un premier test d’évaluation des compétences en intelligence artificielle, arrivée d’un nouveau supercalculateur. L’Université de Montpellier monte en puissance sur le sujet de l’IA, s’équipe et joue les précurseurs en s’appuyant sur son écosystème de laboratoires de recherche et d’entreprises.
Cécile Chaigneau
Les étudiants Polytech de l’Université de Montpellier ont testé la version préliminaire de l'AICET en octobre 2023.
Les étudiants Polytech de l’Université de Montpellier ont testé la version préliminaire de l'AICET en octobre 2023. (Crédits : Floriane Mainguy - Polytech-Université de Montpellier)

L'intelligence artificielle (IA) sera incontestablement encore l'un des sujets technologique de l'année 2024. Après ChatGPT en 2023, le CES de Las Vegas, qui ouvre ses portes ce 9 janvier, sera placé sous le signe de l'IA embarquée, c'est à dire directement intégrée dans les appareils, qu'il s'agisse de voiture, de smartphones, d'ordinateurs portables, de machines à laver ou de dispositifs médicaux. Pendant ce temps, l'Union Européenne travaille sur une règlementation autour de l'intelligence artificielle, baptisé "AI-Act" et encadrant le développement et l'utilisation des systèmes d'IA dans l'Union européenne : les Etats membres et le Parlement européen sont parvenus à un accord sur des règles début décembre dernier pour un texte qui devrait entrer en vigueur au plus tôt en 2025.

Montpellier veut exister sur l'échiquier de l'intelligence artificielle. En novembre dernier, un consortium, porté par l'Université de Montpellier, a déposé un dossier en réponse à l'appel à manifestation d'intérêt « IA Cluster ». L'Etat a souhaité la création d'un réseau d'Instituts interdisciplinaires en intelligence artificielle (3IA) et quatre ont été sélectionnés en 2019 (Grenoble, Nice, Paris et Toulouse). Ce second appel à manifestation d'intérêt  doit permettre de construire un réseau d'une dizaine de pôles académiques français de renommée internationale en IA. Dans le sillage de l'Université de Montpellier, cette candidature a entraîné tout l'écosystème montpelliérain lié de près ou de loin à l'intelligence artificielle : laboratoires (notamment le CINES, Centre informatique national de l'enseignement supérieur, où se trouve le supercalculateur d'Etat Adastra, classé 11e du Top 500 des supercalculateurs mondiaux) et des entreprises (comme SWEEP, VOGO, ATOS, IBM Pradeo, Bfore.ai, Predict Services, Intrasense, Lundi Matin, Horiba, Weda ou Numalis). Les dossiers sont étudiés ces 8 et 9 janvier, avec une réponse à une date encore non précisée.

En ce début 2024, l'Université de Montpellier fait deux annonces d'envergure : le lancement imminent du premier test standardisé de compétences en intelligence artificielle, l'AICET pour « Artificial Intelligence Competence Evaluation Test », et l'arrivée prochaine d'un nouveau « cluster Calcul et cloud » dont une partie sera spécifiquement dédiée à l'intelligence artificielle.

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L'enjeu : acculturer à l'IA

L'arrivée massive de l'IA dans tous les secteurs met les acteurs économiques ou les chercheurs face à un défi immense : acculturer et former le plus grand nombre de personnes, dans tous les secteurs et à tous les niveaux, à la compréhension des grands enjeux de l'IA, qu'ils soient réglementaires, théoriques, technologiques, éthiques, environnementaux, etc. Le test d'évaluation des compétences en intelligence artificielle conçu à Montpellier est « une approche unique en France et en Europe », affirme l'Université dans un communiqué...

« Tous les laboratoires de recherche et toutes les entreprises ont de plus en plus besoin de compétences en IA, souligne Philippe Augé, le président de l'Université de Montpellier. En fournissant un moyen à la fois de motiver les apprentissages, d'évaluer les compétences, de suivre les progrès, et de détecter les experts et potentiels formateurs, ce test revêt donc une grande importance. Il sera un outil crucial pour accompagner l'augmentation du nombre de formations proposées à nos étudiants, à nos personnels et aux enseignants-chercheurs, mais aussi pour proposer des formations et une certification à d'autres publics. »

Le 5 février prochain, l'Université de Montpellier, la Métropole de Montpellier et les entreprises Numalis (deeptech montpelliéraine fondée et dirigée par Arnault Ioualalen, qui développe des solutions pour la validation des algorithmes d'intelligence artificielle pour une IA fiable et sécurisée) et BionomeeX (startup créée en 2020 à Montpellier, commercialisant des logiciels destinés aux laboratoires de recherche en Biologie pour l'analyse d'images en microscopie et pour l'analyse de données génétiques) lanceront donc une AFNOR Spec pour proposer le premier test standardisé de compétences en intelligence artificielle. Selon l'AFNOR, « la gamme AFNOR Spec est conçue pour les acteurs économiques, en particulier ceux de l'innovation, qui manifestent un besoin immédiat de document de référence, qui pourra servir de base à la construction d'une norme "classique" ultérieurement ».

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Devenir le "TOEIC de l'IA"

L'AICET est le premier test d'évaluation en IA en vue de délivrer les premières certification AFNOR. Ambitionnant de devenir le "TOEIC de l'IA", il viendra répondre aux besoins croissants des entreprises face à la montée en puissance des IA génératives et l'arrivée de la réglementation européenne sur l'IA. Pensé également pour être utilisé dans le cadre de la formation des élèves et des enseignants, l'AICET a vocation à être une certification déployée de manière très large après une phase de mise en place à Montpellier.

« Un standard de référence de type AFNOR Spec permettra de définir une structure de test standardisée pour l'évaluation de la compétence d'une personne en intelligence artificielle ainsi que la manière de compléter et faire évoluer ce test dans le temps, indique l'université montpelliéraine. De portée nationale, cette AFNOR Spec vise ensuite à être proposée au niveau européen puis au niveau international. En cela ce standard s'appuiera sur la compétence de l'Afnor et de Numalis (dont le dirigeant Arnault Ioualalen contribue à l'écriture des standards des IA fiables au niveau européen, NDLR) qui ont déjà permis de porter ce type de projet au niveau ISO/IEC. »

Le test est décliné selon trois niveaux d'expertise (acculturation, utilisateur averti, expert) et cinq catégories de compétences (théorique, applicatif, opérationnel, juridique et éthique, et connaissances générales). Conçu pour être un outil vivant, l'AICET se complétera au fur et à mesure sur la base de contributions successives des participants. Un appel à manifestation d'intérêt est organisé tout au long du mois de janvier 2024 en vue d'une réunion de lancement prévue le 5 février.

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10.000 utilisateurs et 400 laboratoires

Quant à l'arrivée du nouveau supercalculateur, elle intervient dans un contexte où les solutions de calcul numérique et l'exploitation des données massives par des algorithmes d'intelligence artificielle sont au cœur des avancées scientifiques et technologiques actuelles. Ainsi, le mésocentre (ensemble d'ordinateurs dont l'architecture permet le super-calcul) porté par l'Université de Montpellier au sein de l'Institut de Science des Données de Montpellier (ISDM) fournit-il des solutions avancées à toutes les communautés scientifiques : plus de 10.000 utilisateurs et plus de 400 laboratoires de recherche l'utilisent, ainsi que des entreprises (par exemple BRLI ou Predict Services pour la prédiction des risques environnementaux).

Le supercalculateur sera hébergé au Cines à Montpellier, dont les compétences ont récemment été saluées avec l'arrivée du supercaculateur Adastra. En se dotant de ce nouvel équipement, l'Université de Montpellier renforce ainsi sa capacité à répondre aux besoins des chercheurs. Cette solution viendra s'adosser à la solution de stockage massif de 15 PetaOctets déjà présente au mésocentre, et largement sollicitée par les organismes de recherche (CIRAD, INRAE, Inserm, IRD).

« Nous n'avons pas souhaité acquérir le plus gros équipement ou le plus "technique", mais bien celui permettant à chaque scientifique de mener ses projets avec des équipements de pointe tout en conciliant la volonté de réduire l'empreinte environnementale, déclare Philippe Augé. Nous avons choisi d'investir en ligne avec notre engagement, même si cela a été au détriment de la taille de la machine. »

Le supercalculateur a notamment été choisi pour son efficacité énergétique : il bénéficiera ainsi de nouvelles techniques de refroidissement à 95% eau tiède (et non à basse température comme c'est le cas actuellement).

Cet investissement de 2,56 millions d'euros (HT) est financé dans le cadre du Contrat de Plan État-Région (CPER) par l'État (600.000 euros), la Région Occitanie (900.000 euros), la Métropole de Montpellier (704.000 euros) et l'Université de Montpellier (350.000 euros).

Cécile Chaigneau

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