Occitans d’ailleurs : une économie à genou en Nouvelle-Calédonie

OCCITANS D'AILLEURS - Près de trois semaines après le début des émeutes lancées par les Kanaks, l’économie est exsangue dans l’archipel calédonien. Dans certains secteurs du grand Nouméa, jusqu’à 80% des entreprises ont été incendiées et détruites. Des milliers de salariés sont jetés au chômage, constate ce jeune Perpignanais installé de longue date sur le Caillou. Témoignage.
En Nouvelle-Calédonie, dans certains secteurs du grand Nouméa, jusqu'à 80% des entreprises ont été incendiées et détruites suite aux émeutes.
En Nouvelle-Calédonie, dans certains secteurs du grand Nouméa, jusqu'à 80% des entreprises ont été incendiées et détruites suite aux émeutes. (Crédits : Reuters)

Nicolas (un prénom d'emprunt, il préfère rester anonyme par peur de représailles) a de la chance. Son appartement, situé dans les quartiers sud, a été épargné par les pillards qui sèment la terreur dans Nouméa et ses banlieues depuis bientôt trois semaines.

« Il y a eu des troubles à deux ou trois rues de chez nous, mais comme avec ma compagne, nous habitons un peu en hauteur, sur une espèce de colline, ils ne sont jamais montés jusque-là pour nous attaquer », raconte ce jeune Perpignanais d'origine (Pyrénées-Orientales) à La Tribune, en cette fin du mois de mai.

Au plus fort des émeutes, Nicolas organisait des rondes avec ses voisins, armés, pour protéger le quartier, complètement barricadé. Contrairement au gouvernement qui parle d'apaisement, le jeune homme, âgé de 31 ans, observe lui que la situation n'est toujours pas revenue à la normale.

« C'est un jeu du chat et de la souris, affirme-t-il. Les forces de l'ordre dégagent un barrage, ils vont ailleurs en monter un autre. Et c'est très probable que dans la nuit ou demain, ce sera à nouveau bloqué. »

Nicolas reconnaît tout de même que la plupart des Kanaks aspirent au calme et à la paix. Mais certains dirigeants se verraient bien mener le combat jusqu'à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, au-delà de la demande de la loi sur le dégel du corps électoral qui a mis le feu aux poudres. Quant à lui, il reproche à l'État français de ne pas avoir anticipé et d'avoir complètement lâché les habitants de l'archipel.

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Des employés sans salaire

Alors que toute sa famille vit à Canet-en-Roussillon près de chez lui, le Français, diplômé d'une licence en droit à l'Université de Perpignan Via Domitia, a fait le choix de s'installer il y a sept ans à Nouméa, séduit par la qualité de vie. D'abord juriste dans un office notarial, il est depuis peu contrôleur du travail pour la CAFAT, la sécurité sociale de l'archipel.

Dans certains secteurs du grand Nouméa, jusqu'à 80% des entreprises ont été incendiées et détruites. L'économie de Nouvelle-Calédonie mettra des années à se remettre de ces violences inouïes...

« Depuis le début des émeutes, je n'ai pas pu me rendre à mon travail car les routes sont bloquées, témoigne-t-il. Toutes les prestations, comme la retraite ou les allocations chômage, ont été automatiquement versées pour le mois de mai, mais pour la suite, ça va être problématique. Parce que des milliers de gens (sur 270.000 habitants que compte l'archipel, ndlr) ont perdu leur emploi et ne vont plus percevoir de salaire dans le privé. Donc beaucoup de cotisations ne vont plus être payées, et c'est ce qui fait le budget de la caisse dans laquelle je travaille. »

Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, laisse entendre que l'État va prendre le relais, mais pour combien de temps ?

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Billet sans retour

Pour l'essentiel, le job de Nicolas est de se déplacer pour contrôler les entreprises sur tout le territoire de l'archipel. Il décrit la situation aujourd'hui : « Il faut imaginer que dans certains quartiers du grand Nouméa, comme dans la zone industrielle et commerciale de Ducos, 70 à 80% des entreprises ont été incendiées et détruites. Dans ces conditions, c'est compliqué d'aller réclamer des cotisations aux gens qui n'ont plus rien. Pendant un bon moment, les contrôles seront effectués a minima, uniquement sur pièces, ou pas du tout. On ne va pas se déplacer pour embêter les gens ».

Les bien privés n'ont pas été épargnés par cette flambée de violence. Selon le haussaire Louis Le Franc, l'équivalent du préfet, des centaines voire des milliers de maisons ont été volontairement incendiées par les émeutiers.

« Le lien entre communautés est rompu, il sera très difficile à rétablir », déplore Nicolas, lui-même loyaliste mais pas opposé aux Kanaks, précise-t-il.

Après cette séquence de violence inédite, le jeune homme constate autour de lui que beaucoup de ses compatriotes ont fait leurs valises et pris un billet sans retour pour la métropole, dès que l'aéroport de Nouméa sera rouvert aux vols commerciaux. Lui reconnaît qu'il ne peut pas partir, à cause des traites de l'appartement qu'il a récemment acheté avec sa compagne et parce que d'autres affaires personnelles le retiennent ici...

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