« Le risque est que nous n’arrivions plus à lever des capitaux mais aujourd’hui, nous avons des munitions » (C. Deldycke, France Invest)

INTERVIEW - Christophe Deldycke, le vice-président de France Invest, président de la Commission Action régionale, était à Montpellier le 17 juin pour rencontrer les entreprises locales et faire l’éloge du capital-investissement. Après une année 2023 performante et alors que la France est entrée dans une période d’instabilité politique, le dirigeant évoque le risque d’une difficulté pour les sociétés de gestion à lever des capitaux, notamment étrangers.
Cécile Chaigneau
Christophe Deldycke, vice-président de France Invest, président de la Commission Action régionale.
Christophe Deldycke, vice-président de France Invest, président de la Commission Action régionale. (Crédits : DR)

France Invest regroupe près de 450 acteurs du capital-investissement en France. Son rôle est d'accompagner des entreprises non cotées, startups, PME et ETI françaises. Bertrand Rambaud président de France Invest, Alexis Dupont, directeur général, et Christophe Deldycke, président de la Commission Action régionale étaient à Montpellier le 17 juin pour rencontrer les acteurs économiques locaux.

LA TRIBUNE - Quelles sont les missions de France Invest actuellement et surtout quels sont les chiffres clés du moment qu'il faut retenir ?

Christophe DELDYCKE - Les 450 sociétés de gestion adhérentes couvrent 2.000 opérations par an, 45 milliards d'euros ont été investis dans 10.000 entreprises dont 8.000 en France. 80% sont des startups et des PME, 20% des ETI, que nous accompagnons sur les étapes de l'amorçage jusqu'à la transmission. En général, les sociétés de gestion sont actionnaires en moyenne sur cinq ans, c'est-à-dire un temps long... Nous finançons tous les secteurs d'activité. En 2023, le premier secteur était l'industrie mais aussi les biens de consommation, le numérique, la santé. Les trois-quarts des sociétés de gestion sont basées à Paris mais les trois-quarts des opérations sont réalisées dans les régions. Ainsi, huit sociétés de gestion sont installées en Occitanie, parmi lesquelles iXO Private Equity, IRDI, Sofilaro, M capital ou Grand Sud Ouest Capital, mais on compte 550 participations dans des entreprises de la région.

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À ce propos, quelle est la dynamique « investissement » en Occitanie ?

L'Occitanie est une région très dynamique : elle représente 7% du PIB et elle est pourtant la 5e région pour notre métier. En 2023, 131 opération d'investissement ont été enregistrées dans cette région, pour 1,2 milliard d'euros investis sur les 15 milliards en France. L'Occitanie est ainsi la 3e région française en montants investis, derrière l'Ile-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes. Même si les deux tiers des investissements se font dans l'Hérault et la Haute-Garonne, les sociétés de gestion interviennent au capital d'entreprises de toute la région Occitanie, pas seulement sur les deux métropoles : en 2022, le chiffre d'affaires cumulé des entreprises accompagnées était de 8,7 milliards d'euros, dont 35% en Haute-Garonne, 28% dans l'Hérault, 9% dans le Gard ou 6% dans le Tarn...

L'accès aux financements pour les jeunes entreprises innovantes est devenu complexe. Comment qualifier l'activité investissement de l'année 2023 ?

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Tout le monde parle d'une année compliquée, mais pour nous, c'est la deuxième meilleure année de notre histoire en France : plus de 20 milliards d'euros levés, 2.600 entreprises accompagnées alors que notre moyenne annuelle est de 1.800 entreprises accompagnées. Et en Occitanie, c'est la deuxième meilleure année après 2022, avec donc 131 entreprises accompagnées pour une moyenne annuelle de 100 sur les dix dernières années. En 2023, il y a eu une forte montée des taux donc des dettes bancaires, ce qui a pu encourager le recours aux sociétés de gestion... Nous considérons que nous avons 100.000 à 150.000 cibles, pour 8.000 entreprises accompagnées : notre part de marché est encore petite, avec une grosse marge de manœuvre. Mais il existe encore beaucoup de freins à ouvrir le capital d'une entreprise : les startuppeurs n'ont pas le choix, mais pour les PME ou les entreprises familiales, c'est anti-culturel ! Notre enjeu est de convaincre les dirigeants que nous allons accélérer la croissance de leur entreprise et que les financements ne peuvent pas être faits uniquement avec de la dette bancaire. Beaucoup d'entrepreneurs craignent la perte de pouvoir dans leur entreprises, mais en réalité, ils gardent le pouvoir, ils doivent juste partager l'information.

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Vous étiez à Montpellier ce 17 juin pour rencontrer les acteurs économiques locaux. Qu'êtes-vous venus leur dire ? Quels sont les enjeux, notamment dans cette période d'instabilité politique ?

Montpellier est un pôle très dynamique sur les startups, la santé, le tourisme. C'est un pôle en forte croissance, et nous sommes venus présenter nos missions et proposer le témoignage de chefs d'entreprises qui viennent de faire entrer des sociétés de capital-investissement... La conjoncture politique du moment amène beaucoup de stress chez les dirigeants. La période d'instabilité dans laquelle on rentre nécessite d'autant plus d'avoir des sociétés bien dotées en fonds propres. Attention aux sociétés mal capitalisées ! D'autant que nous apportons aussi de l'accompagnement et du conseil. Les dirigeants comprennent que nous apportons de la valeur ajoutée, des compétences sectorielles, des réseaux. Chaque dirigeant peut trouver un actionnaire à sa taille. Certains investisseurs sont spécialisés pour tous les profils d'entreprises, du petit ticket jusqu'au très gros. D'ailleurs, 80% des tickets sont inférieurs à 5 millions d'euros. En Occitanie, sur les 131 opérations de 2023, 100 sont inférieures à 5 millions d'euros et 54 inférieures à 1 million d'euros.

Faut-il s'attendre à un retour de frilosité chez les investisseurs au vu du risque qui peut s'accroître dans une période trouble comme celle qui s'ouvre ?

Le risque, c'est notre métier. Qui dit crise dit opportunité... En revanche, le risque, c'est plutôt que nous n'arrivions plus à lever des capitaux auprès des institutionnels ou des particuliers pour investir dans les entreprises ! Dans les capitaux qu'on lève, il y a beaucoup de capitaux étrangers et une longue période d'instabilité pourrait faire qu'ils se désintéressent de la France. Mais nous avons des munitions ! Je veux rassurer les dirigeants...

Quelles perspectives pour 2024 ?

Cette crise devrait agir comme un accélérateur pour notre métier, les dirigeants vont se rendre compte que la dette risque de coûter plus cher, qu'il faut consolider sa structure financière. Le Covid a été un gros accélérateur car les dirigeants que nous avons accompagnés sont allés expliquer que d'avoir des actionnaires professionnels leur avait permis d'échanger, d'avoir de l'aide sur les aspects financiers. Ils ont témoigné du rôle positif du capital-investissement auprès des dirigeants.

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Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 22/06/2024 à 11:25
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3000 milliards de dettes ça ne vous effraie pas sans rire ? Il est où le grisbi !?

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