A Montpellier, logements à vendre dans la "Folie architecturale" Oasis : quel destin à l’heure de la crise ?

L’opération Oasis fait partie des projets lauréats de la première vague de consultation des nouvelles Folies architecturales lancée par la Ville de Montpellier. Première à obtenir un permis de construire purgé de recours, elle lance la commercialisation de ses logements. Dans un contexte immobilier très tendu, quel sera son destin ?
Cécile Chaigneau
La première Folie architecturale de l'ouest montpelliérain, Oasis, sera ornées de jupes tressées en bambou en guise de protection solaire.
La première Folie architecturale de l'ouest montpelliérain, Oasis, sera ornées de jupes tressées en bambou en guise de protection solaire. (Crédits : Sogeprom-Pragma - Coldefy)

Mise à jour du 10 juin 2024 - Contrairement à ce qui avait été annoncé initialement, le programme Oasis ne comporte plus de panneaux photovoltaïques.

Le coup d'envoi est donné : le promoteur immobilier Sogeprom-Pragma a lancé la commercialisation. La première Folie architecturale de l'ouest montpelliérain, Oasis, sera érigée dans le quartier Ovalie, à deux pas du GGL Stadium de rugby...

Il y a deux ans, le maire de Montpellier Michaël Delafosse (PS) avait annoncé son intention de relancer le programme des "Folies architecturales", soit 13 immeubles hors normes dans la ville. L'idée est héritée du mandat de la maire (PS) Hélène Mandroux, en 2012 : Michaël Delafosse était alors adjoint à l'urbanisme et avait proposé d'ériger douze Folies architecturales en écho aux Folies du XVIIIe siècle (élégantes demeures bâties à Montpellier et en périphérie). Seules deux ont été construites, la Folie divine (signée Farshid Moussavi) et l'Arbre blanc (signé Sou Foujimoto, Nicolas Laisné, Dimitri Roussel et Manal Rachdi), star internationale de l'architecture, avant que l'initiative soit stoppée en 2014 par le maire Philippe Saurel.

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53 logements, dont 16 en BRS

L'opération Oasis fait partie des projets lauréats de la première vague de consultation de ces nouvelles Folies architecturales, désignés en mars 2023 et mars 2024 (voir encadré). Mais elle est la seule opération à ce jour dont le permis de construire a été purgé de tout recours. Investissement pour le projet : 17 millions d'euros (HT), indique Pierre Raymond, directeur Occitanie Méditerranée Sogeprom-Pragma, le promoteur de l'opération.

Le projet comptera 53 logements, dont 16 en bail réel solidaire (BRS) dans un bâtiment en R+12 auxquels s'ajoute une terrasse partagée au 13e étage. Mais comme l'exige le cahier des charges, il s'agit d'un programme mixte, avec des commerces et des bureaux (dont une partie sera dédiée aux industries culturelles et créatives) dans un deuxième bâtiment en R+6, doté d'un bar-restaurant sur le roof-top, qui sera piloté par l'ancien joueur de rugby François Trinh-Duc et ouvert à tout le monde. Une passerelle reliera les deux immeubles, l'ensemble disposant d'un jardin en cœur d'îlot (d'où son nom) de 800 m2, également ouvert au public.

« Ce programme a vocation à créer un pôle urbain et un lieu de convergence, notamment depuis le stade voisin pour la sphère sportive, commente Pierre Raymond. Le jardin sera un poumon de quartier dans lequel seront installées des guinguettes... Et la terrasse du 13e étage offrira un point de vue très vaste sur la ville et les environs. »

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La conquête de la hauteur par l'arrondi

Le geste architectural est signé Thomas Coldefy et Isabel Van Haute, architectes lillois. L'audace du programme réside principalement dans sa forme ronde et ondulante qui contraste volontairement avec les formes cubiques plus habituelles des immeubles voisins. A l'origine de cet effet chaloupant : des jupes tressées en bambou qui orneront les balcons et les façades en guise de protection solaire.

« Nous cherchions à créer un bâtiment ancré dans Montpellier et connecté avec l'art de vivre et le climat locaux, et nous ne voulions pas d'un bâtiment trop technologique mais quelque chose de simple, relevant du bon sens, un bâtiment bioclimatique, d'où l'inspiration du chapeau de paille qu'on met quand il fait chaud, raconte Isabel Van Haute. C'est ainsi que nous avons pensé habiller les bâtiments de jupes en bambou, un matériau que pourra fournir la Bambouseraie d'Anduze, pas très loin (dans le Gard, NDLR), facilement recyclable, avec d'importantes caractéristiques de force. Le bambou plie mais ne rompt pas... En plus de la protection solaire, il fallait une ventilation naturelle pour diminuer le ressenti de la température, d'où ces bâtiments ronds permettant au vent de les contourner ou de les traverser. »

Des rondeurs que l'on retrouve dans la plupart des autres projets de Folies montpelliéraines, faisant dire à Pierre Raymond qu'« à Montpellier, la conquête de la hauteur se fait par des formes douces et arrondies ».

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Bioclimatique

Quelque 7.000 tiges de bambou viendront donc habiller l'Oasis, traitées au préalable « dans des bains d'huile chaude », précise l'architecte, pour résister au temps, aux UV et aux intempéries.

« Nous n'avons jamais utilisé ce matériau auparavant mais nous avons fait beaucoup de recherches, nous nous sommes entourés d'experts du bambou et nous avons travaillé avec les pompiers sur les questions de sécurité », ajoute-t-elle.

Sur le volet énergétique et écologique, l'opération se veut vertueuse, « avec la volonté d'atteindre le seuil bas carbone de la RE2025 », promet Pierre Raymond. Au menu : béton bas-carbone pour l'inertie, protections solaires en bambou donc, recyclage des eaux grises pour l'entretien et l'arrosage, et pompes à chaleur collectives. Et Isabel Van Haute souligne que « tous les logements auront une double voire une triple orientation pour créer une ventilation naturelle ».

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Le risque...

L'ouverture du chantier est prévue début 2025, pour une livraison au 2e semestre 2027. La commercialisation est donc lancée. Un pari pour le promoteur immobilier : dans un contexte immobilier très tendu, avec des acquéreurs potentiels qui peinent à se financer, quel sera le destin de l'opération, dans laquelle les logements (4 T2 mais surtout des T3 et T4, à destination de propriétaires occupants) sont vendus à 6.500 euros le m2 en moyenne (hors logements BRS, entre 3.200 et 3.400 euros le m2) ?

« Oui, il est difficile de vendre des logements en ce moment, mais je place le sujet des Folies sous un autre axe : on parle là d'un programme d'exception, d'un vrai geste-signal et d'un bâtiment iconique, martèle Pierre Raymond. L'acquéreur aura le plaisir de se dire qu'il vit dans une Folie ! On y croit fortement car il existe un vrai engouement pour des objets d'exception. »

Le risque de ne pas trouver suffisamment d'acquéreurs pour financer l'opération existe-t-il, avec la perspective d'abandonner ou de revisiter le projet en rognant sur certains postes coûteux ? Le promoteur l'assure : « On ne revisitera pas l'opération ! On se doit d'être exemplaires sur nos engagements. Je pense que l'engouement sur ce type d'opération en fera une réussite commerciale, même si ce n'est pas aussi rapide qu'il y a quelques années. Et Altemed (l'aménageur public, qui vient de s'engager sur une solution de sortie de crise avec les promoteurs immobiliers au travers de l'ajout d'une clause de retour à meilleure fortune », NDLR) ne laissera tomber aucune opération »...

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... la vanité ?

Avec ses nouvelles Folies architecturales, Montpellier réaffirme donc son caractère de terre d'hospitalité pour l'architecture contemporaine, qui lui permet de rayonner au national comme à l'international. L'exemple le plus récent : l'Arbre blanc, posé en majesté sur les bords du Lez, et qui a valu à la cité languedocienne moult retombées médiatiques. Quelques voix s'élèvent toutefois sur l'utilité d'une telle démarche à l'heure où beaucoup peinent à se loger. L'architecte montpelliérain Yann Legouis, voix libre du petit monde de l'architecture, estime quant à lui qu'il s'agit d'esbroufe et de vanité, relevant du marketing urbain...

En relançant la démarche des Folies, Michaël Delafosse a toutefois pris soin d'ajouter de nouveaux critères environnementaux, économiques et solidaires, avec « obligation d'inclure du logement social dans chaque projet résidentiel ». Autres contraintes imposées : pas d'étalement urbain mais le réinvestissement de terrains en friche ou la reconversion de bâtiments, et une mixité fonctionnelle et d'usages.

« On s'est demandé ce qu'était une Folie aujourd'hui, réfléchit Isabel Van Haute. Il y a vingt ans, Montpellier voulait attirer l'attention avec ces Folies. Ces dernières années, tout le monde est devenu plus attentif aux questions environnementales et aujourd'hui, on ne peut plus se permettre ce type d'approche, juste pour l'image et rien qui tient derrière ! Nous pensons qu'il est possible d'allier un bâtiment innovant, original, mais conçu avec bon sens. »

« L'Arbre blanc est devenu une référence, critiqué parfois, mais qui soulève des émotions, des débats, souligne de son côté le promoteur. Rien de pire que faire du sans saveur ni odeur... J'entends les critiques faites mais le cahier des charges prévoit des Folies mixtes et inclusives du point de vue social et environnemental. Oasis est la première Folie qui accueillera du BRS... »

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Quatre autres Folies en cours d'instruction

Parmi les 13 autres Folies architecturales prévues, quatre autres ont été attribuées, dont les permis de construire sont encore en cours d'instruction :

  • Alma Terra  (promoteurs : Pitch Immo et Promeo ; architectes : Manuelle Gautrand, Estebe/Cathala) sur l'emplacement Manuguerra. Soit un bouquet de cinq bâtiments articulés entre eux par des passerelles sociales et végétalisées reliant les logements à des espaces de vie partagés, des potagers collaboratifs, une crèche, etc.
  • Les Galets (promoteurs : Vinci - Sogeprom-Pragma ; architecte : Ellen Van Loon) dans la ZAC République, se démarqueront par une architecture ronde verticalisée, une triple volumétrie aux gabarits inédits.
  • La Sentinelle (promoteur : AEKO ; architecte et urbaniste : Odile Decq, ODBC), initialement prévue pour être érigée sur l'îlot Vernière, en plein cœur de ville, cette opération, sorte de « mini-Folie » en raison de sa surface (de 236 m² pour une hauteur maximum de 18 mètres), a pris du retard car la décision a été prise de la repositionner. Des annonces sur le nouvel emplacement seraient imminentes.
  • Le Sillon (architecte : Dimitri Roussel, cabinet Dream), futur siège social du Crédit Agricole du Languedoc dans le quartier d'affaires Cambacérès. Soit trois bâtiments en R + 7 (25.000 m2) réunissant des bureaux de la banque et le Village by CA, et comprenant un jardin de 2.500 m2.

Cécile Chaigneau

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