En proie au risque réputationnel, Perrier tente la diversification pour se relancer

La découverte de bactéries a entraîné, au printemps, la destruction « par précaution » de plusieurs millions de bouteilles chez Perrier (groupe Nestlé Waters), plaçant la marque sous les feux des projecteurs médiatiques. L’été pourrait être compliqué pour l’industriel, implanté dans le Gard… La marque diversifie son offre vers des eaux aromatisées.
Pour tenter de sortir de la crise dans laquelle l'a plongé la découverte de diverses contaminations de sa source gardoise, le groupe Nestlé Waters, propriétaire de la marque Perrier, cherche des solutions notamment du côté d'eaux aromatisées ou énergisantes.
Pour tenter de sortir de la crise dans laquelle l'a plongé la découverte de diverses contaminations de sa source gardoise, le groupe Nestlé Waters, propriétaire de la marque Perrier, cherche des solutions notamment du côté d'eaux aromatisées ou énergisantes. (Crédits : Reuters)

Une affaire d'abord industrielle, liée à un usage de filtres illégaux. Puis une affaire sanitaire auxquelles s'ajoute une météo capricieuse... Le début d'été s'annonce compliqué pour Perrier (groupe Nestlé Waters), eau minérale naturellement gazeuse issue de la source gardoise de Vergèze dans le Gard.

L'affaire en question avait été révélée par Le Monde et France Info... Fin avril, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie avait demandé à Perrier de détruire quelque 2 millions de bouteilles, « par précaution » après la découverte de bactéries dans un de ses forages. Dans le même temps, le préfet du Gard avait demandé à l'industriel de « suspendre sans délai », l'exploitation de l'un d'entre eux en raison d'un « épisode de contamination à partir du 10 mars 2024 et sur plusieurs jours par des germes témoins d'une contamination d'origine fécale ». Une levée toujours en cours qui n'arrange pas les affaires de Nestlé Waters, obérant sa production à une période de l'année normalement propice à la vente de l'une de ses eaux les plus haut de gamme.

Une contamination et une destruction qui, bien qu'elle soit sans commune mesure avec celle subie à l'époque, n'est pas sans rappeler la « crise du benzène » traversée par la marque en 1990. A l'époque, la découverte d'infimes traces de ce solvant dans un échantillon de bouteilles avait entraîné la destruction de 280 millions de bouteilles, dont 160 millions aux Etats-Unis. Après enquête, la raison invoquée fut une négligence sur... un changement de filtre.

Lire aussiVittel, Perrier, Contrex... Nestlé défend la qualité sanitaire de ses forages d'eaux minérales, mise en cause par l'Anses

« Tant que le doute ne sera pas levé »

De quoi perturber les consommateurs ? Certains groupes hôteliers de luxe, y compris locaux, ne proposent plus de Perrier dans leur établissement depuis plusieurs mois.

« Tant que le doute ne sera pas pleinement levé, nous avons fait le choix de ne plus en proposer. Sans donner plus d'explications aux clients, sauf à ceux demandant expressément du Perrier, nous l'avons remplacée en première intention par de la Châteldon (groupe Castel, ndlr) et ça ne perturbe pas les clients plus que cela », témoigne le sommelier d'un restaurant étoilé du Languedoc.

Ainsi, au-delà du problème sanitaire rencontré, quand bien même il serait circonscrit, l'impact réputationnel est terrible...

Alors qu'une pénurie de bouteille d'un litre de Perrier était crainte pour la saison estivale, ces conditionnements font, en ce début d'été, l'objet de diverses promotions nationales notamment chez Carrefour et Leclerc. Signe que la demande des consommateurs n'est pas si élevée ? Chez Nestlé Waters France, on répond que « intervenant dans un domaine concurrentiel, nous ne pouvons fournir de données sur les volumes de production et d'approvisionnement pour nos clients et nous ne partageons pas de donnée sur les ventes »...

« La vérité, c'est que nos volumes de production ont environ diminué de 30% depuis la fin du Covid en 2021 », confie en revanche un connaisseur de la source.

Les normes de production auxquelles sont soumises les eaux minérales destinées à la commercialisation sont drastiques. Or, alors que la réglementation interdit toute désinfection des eaux minérales qui doivent être naturellement de haute qualité microbiologique, le producteur d'eau a admis publiquement, en début d'année, avoir eu recours en France et en Suisse à des traitements interdits sur les eaux minérales (désinfection par lampe UV, filtration sur charbon actif), pour garantir une consommation sans risque.

Malgré les précautions prises par l'industriel, avec notamment la plantation de vignes et d'oliveraies bio au-dessus et autour de ses forages, les épisodes climatiques extrêmes récurrents entraînant des débordements de cours d'eau en amont de sa source ont une incidence sur la production.

Lire aussiNestlé : nouveau rebondissement dans la production des bouteilles Perrier

La solution dans la diversification ?

Dans ce contexte, le groupe cherche des solutions pour relancer la marque. Voilà quinze ans environ, il avait commercialisé une eau aromatisée baptisée "Fluo". L'expérience avait fait long feu. Plus récemment, il a lancé une boisson énergisante (Perrier Energize) et une boisson aromatisée (Maison Perrier) dans laquelle Nestlé Waters a beaucoup investi.

« Nous avons investi plus de 50 millions d'euros dans la modernisation de notre usine de Vergèze, notamment pour réaliser des améliorations techniques des systèmes de distribution d'eau et l'installation de nouvelles conduites. Ces travaux nous permettent notamment, au-delà de nos eaux minérales, de nous développer sur notre nouvelle offre de boissons Maison Perrier qui a un très fort potentiel et va nous permettre de répondre aux attentes des consommateurs », croit-on chez Nestlé Waters, alors que le secteur des eaux gazeuses aromatisées enregistre en France « une croissance de 10% en moyenne chaque année puis dix ans », rappelle le groupe.

Ces boissons, hors du champ des eaux minérales, bénéficient d'une règlementation en matière de composition qui se veut plus souple. A l'échelle d'une marque revendiquant une « déclaration d'utilité publique » sur ses iconiques bouteilles vertes, c'est tout sauf anecdotique...

La situation pourrait durer, d'autant qu'à Vergèze, la suspension de l'exploitation du forage incriminé pourrait s'installer dans le temps puisque sa réouverture est, par arrêté préfectoral, notamment conditionné à « une série d'analyses conformes de la qualité de l'eau, analyses réalisées par un laboratoire agréé pour la surveillance des eaux minérales naturelles, ce suivi pouvant aller jusqu'à 12 mois ». Avec,, derrière elle, 160 ans d'histoire, Perrier devra attendre avant de remettre les gaz.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 13/07/2024 à 16:40
Signaler
Perrier est l'eau dont on parle le plus car c'est une marque très connue , c'est évident que ça lui fait du tord, pourtant d'autres eaux sont contaminées par des fongicides interdit depuis 2019 telle que Fiée des Lois,c'est une eau distribuée chez I...

à écrit le 12/07/2024 à 13:16
Signaler
Les problèmes de Perrier sont communs à toutes les eaux minérales "naturelles " dans le monde. Il y a dans cette dénomination une dimension idéologique : c'est naturel, donc c'est bon et c'est supposé avoir des vertus thérapeutiques. Donc on interdi...

le 13/07/2024 à 15:09
Signaler
Si l'eau pure se retrouve polluée, à quoi bon la traiter pour qu'elle soit potable en la vendant encore au prix de la "pureté naturelle" (? vivifiante ?) [même si dans le prix en rayon il doit y avoir une bonne partie d'emballage plastique + transpor...

à écrit le 12/07/2024 à 10:38
Signaler
Normal mais dommage que seul Perrier soit touché alors quen ous pouvons remettre en question l'ensemble des industriels du secteur avec une eau toujours plus polluée, avec des particules de plastique que nous retrouvons même dans des nappes phréatiqu...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.