« Il faut modifier la fiscalité immobilière » (Michel Heinrich, président de la Fédération des SCOT)

ENTRETIEN - La fédération nationale des Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) était réunie à Nîmes les 15 et 16 juin pour son congrès annuel. Au menu des échanges de ces instances inconnues du grand public mais très influentes puisque les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) s’appuient sur leurs directives : la fiscalité foncière. Le point avec Michel Heinrich, président de la communauté d’agglomération d’Epinal (Vosges) et président de la fédération des SCOT.
Michel Heinrich, président de la Fédération nationale des Schémas de cohérence territoriale (SCOT).
Michel Heinrich, président de la Fédération nationale des Schémas de cohérence territoriale (SCOT). (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Lors de ces rencontres annuelles, il a beaucoup été question d'impôts locaux. Comment doit, à votre sens, évoluer la fiscalité foncière ?

Michel HEINRICH, président de la Fédération nationale des Schémas de cohérence territoriale (SCOT) - La fiscalité locale est aujourd'hui en contradiction avec les objectifs de sobriété foncière et de lutte contre l'artificialisation de la Loi climat et résilience (qui interdit dès 2025 la location de certaines passoires thermiques, NDLR). La fiscalité est aujourd'hui plus favorable à la construction neuve, notamment les droits de mutation ou encore le taux de TVA. D'autres dispositifs, comme le Pinel +, favorisent une défiscalisation sans intégrer de critère de sobriété foncière. La fiscalité encourage donc la création de logement neuf et non l'ancien, alors que l'enjeu principal de la loi est la massification du renouvellement urbain.  Bien sûr, certains répondront qu'il existe le dispositif Denormandie (réduction d'impôt sur le revenu proposée aux particuliers achetant un logement à rénover, dans un quartier ancien dégradé, pour le mettre en location, NDLR), mais cela reste marginal car il est limité aux "opérations de revitalisation de territoire". Sur ce plan, Bercy ne fait pas évoluer sa position au rythme où on le voudrait.

Les promoteurs immobiliers affirment que la production de logements neufs ne va pas assez vite, au sens où ils ne peuvent satisfaire aux besoins au rythme où sont délivrés les permis de construire. Comment concilier cette contradiction ?

Le niveau de production de logements en France est en forte baisse, et la tension est importante sur la production de logements aidés. La loi Climat résilience va nous obliger collectivement à accompagner un niveau de production de logements neufs et en réhabilitation à la hauteur des besoins et à un coût abordable pour les Français. Les promoteurs immobiliers ont aussi compris qu'il leur faudra, à l'avenir, élaborer d'autres modèles d'aménagement et de construction. La question même de propriété pourrait être remise en cause à l'avenir, ne serait-ce qu'en raison de l'inflation. En Suisse, qui a appliqué l'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN, ndlr) dès 2016, seuls 36,3% des ménages sont propriétaires de leur logement contre 57,7% en France. C'est un autre mode de vie, qui pousse les habitants à la mobilité résidentielle.

En France, le gouvernement fixe un objectif de ZAN en 2050. Or, l'ensemble des territoires que vous représentez souhaite accueillir croissance économique et démographique. Dès lors cet objectif gouvernemental est-il atteignable ?

La France reste un pays attractif en termes d'économie. Par ailleurs l'INSEE prévoit une augmentation de 2 millions d'habitants d'ici 2045. Avant même 2050, les territoires doivent construire une trajectoire de réduction de leur consommation du foncier et faire des efforts importants. De 2011 à 2021, on est passé d'une consommation annuelle de 30.000 ha à 20.000 ha par an. On nous demande, durant la décennie en cours, d'encore diviser cette surface par deux. On peut parvenir aux objectifs gouvernementaux. La marche est haute et l'objectif ambitieux. Si les mesures d'accompagnement sont mises en place - notamment la fiscalité adaptée et le renforcement de l'ingénierie - nous pourrions y arriver. La loi a mis en place des conférences des SCOT qui se sont réunies pour faire des propositions aux Régions. On attend qu'elles sortent chacune leur document régional "Sraddet" (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, NDLR). C'est lui qui va servir de premier guide pour la territorialisation des objectifs fonciers. En fonction, chaque SCOT définira la part de ce qu'il prévoit d'attribuer à l'économie, aux équipements, à l'énergie, aux infrastructures ou à l'habitat. Ce sera ensuite aux Plan locaux d'Urbanisme, ou plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI, ndlr) de se mettre en compatibilité avec le SCOT. L'objectif principal est de lutter contre le dérèglement climatique, l'érosion de la biodiversité et encourager la sobriété foncière.

Dans ce contexte, êtes-vous favorable à la suppression de la taxe sur le foncier non-bâti ?

C'est à voir au cas par cas. L'un des derniers leviers d'autonomie fiscale des collectivités est la taxe sur le foncier bâti au moment où on leur demande de réduire drastiquement la consommation du foncier et de lutter contre l'artificialisation. Il faut avoir une fiscalité en harmonie avec la politique affichée, afin qu'elle permette la sobriété prônée par ailleurs. Il faut modifier la fiscalité immobilière existante. Il faut arrêter d'exonérer le neuf au détriment de l'ancien... Pour Bercy, c'est un changement de paradigme complet ! Mais on ne peut pas conserver des droits notariés plus élevés dans l'ancien que dans le neuf. Attention, il ne s'agit pas forcément de créer un nouvel impôt mais bien de l'orienter différemment. A la fédération des SCOT, nous pensons qu'il vaut mieux soutenir la réhabilitation de l'ancien dégradé que de construire, encore et encore.

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