Macondo, eldorado expérimental des technologies douces

Comme une utopie qui s’expérimente à ciel ouvert et démontre que c’est possible. Aux portes de Montpellier, les fondateurs et occupants du tiers-lieu Macondo, dédié à la transition écologique et à la low-tech dans l’habitat, partagent la conviction qu’un autre modèle est possible. (Cet article est issu de T La Revue n°15 – « Sobriété, frugalité, ingéniosité : comment innover autrement ? »)
Cécile Chaigneau
Au domaine du Mas Dieu, dans l’arrière-pays montpelliérain, l’équipe de Macondo est à l’ouvrage. Ici, place au partage de compétences, d’idées et d’outils au service du collectif dont l’objectif, clairement affiché, est de proposer de nouveaux modèles pour un avenir durable.
Au domaine du Mas Dieu, dans l’arrière-pays montpelliérain, l’équipe de Macondo est à l’ouvrage. Ici, place au partage de compétences, d’idées et d’outils au service du collectif dont l’objectif, clairement affiché, est de proposer de nouveaux modèles pour un avenir durable. (Crédits : DR)

Au bout d'un long chemin caillouteux qui sinue en pleine garrigue, des bâtiments construits sous la pente d'immenses toits couverts de panneaux photovoltaïques signent au premier coup d'œil la philosophie des lieux : ici s'expérimentent, dans un laboratoire à ciel ouvert, les transitions écologiques et énergétiques via des projets partagés autour d'innovations low-tech et d'économie circulaire. Nous sommes sur le domaine du Mas Dieu, à Montarnaud, dans l'arrière-pays montpelliérain.

C'est là qu'est né le tiers-lieu Macondo, en 2020. Les fondateurs de cette société coopérative d'intérêt collectif (Scic), tous engagés dans une activité économique qu'ils développent sur place en payant un loyer modique, ont fait un pas de côté et empruntent un autre chemin : les compétences, les idées, les outils sont mis dans un pot commun au profit d'une démarche qui vise à inventer de nouvelles manières de faire, proposer de nouveaux modèles, autonomiser le site et développer des solidarités autour de la même vision d'un avenir plus désirable pour la planète et ses habitants.

« Les héritiers de ce combat »

Ces terres du Mas Dieu avaient été sanctuarisées à l'issue d'un long combat politique à la fin des années 1980 : George Frêche, alors président de l'agglomération de Montpellier, voulait y installer une décharge d'ordures et, trouvant sur sa route un front citoyen et associatif têtu, avait renoncé. « Nous sommes les héritiers de ce combat qui a fait de Mas Dieu un écosite, raconte le président de Macondo, Benjamin Clouet. Macondo* est une initiative de mon entreprise Ecosec (Scop spécialisée dans les toilettes sèches, NDLR) pour laquelle je cherchais un atelier. Nous avons obtenu de la mairie une autorisation d'occupation des lieux via la signature d'un bail à construction de trente ans, ce qui est majeur dans le modèle de Macondo, car cela nous permet d'être dans l'usage libre du lieu. »

Dans son projet, il embarque la Scop Les Zuts (tiny-houses low-tech et autonomes), l'École ETRE (école de la transition écologique, organisme de formation associatif qui forme des jeunes éloignés de l'emploi aux métiers de l'éco-construction, de l'agriculture urbaine, de l'économie circulaire, etc.), l'association Calypso (climatisations low-tech via des murs végétaux) et Divesterram (coopérative d'activité et d'emploi qui fabrique des composteurs). Ainsi que deux partenaires, la coopérative d'électricité verte Enercoop Languedoc-Roussillon et la Menuiserie collaborative, atelier partagé ouvert aux professionnels et aux particuliers. « Avoir un projet commun donne plus de sens, explique Mathilde Barbier, cofondatrice des Zuts. Macondo permet l'échange du savoir et des compétences, le partage d'outils, des achats groupés de bois, etc. Il y a de la convivialité et de bonnes synergies possibles. Par exemple, je fais des formations pour l'école ETRE. »

Changer le récit

Un trait commun les unit : l'envie d'arrêter la course folle de la consommation des ressources naturelles et faire autrement. Une utopie un peu folle ? Ceux qui ont emprunté à Gabriel García Márquez le nom du village des fous dans son livre Cent ans de solitude pour baptiser ce lieu de tous les possibles, y croient.

« On a le devoir de changer le récit et de sortir de l'individualisme, le futur n'est pas forcément déprimant, lance Benjamin Clouet, qui emploie volontiers le "on" collectif en lieu et place du "je". On vient du milieu coopératif, on fait la promotion de l'intelligence collective et des low-tech... Ce qui nous a inspirés, c'est le Low-tech Lab de Concarneau, et l'envie de questionner en permanence nos besoins et nos consommations, d'agir sur ce que l'on peut construire sobrement et réparer nous-mêmes, de combattre l'obsolescence programmée. Les low-tech, ce n'est pas du petit bricolage ! » Les occupants de Macondo expérimentent, essentiellement sur l'habitat, les principes de l'économie circulaire : les bâtiments sont en terre crue, en terre-paille ou en bois de récupération, avec des fondations en pneus et des vitres recyclées, dotés de meubles de récupération ou fabriqués sur place. « Le réemploi coûte cher encore aujourd'hui, car il faut démonter, transporter, réparer et adapter, mais il faut en considérer les externalités positives, analyse le président de Macondo. Et c'est une question d'échelle : le jour où la démarche sera généralisée, les prix baisseront. »

Les bâtiments sont dotés de murs végétalisés arrosés par les eaux de récupération (filtrées) en guise de climatisation naturelle, de chauffe-eau et chauffe-air solaires, et de toilettes sèches. Des low-tech dont sont aussi dotées les tiny-houses des Zuts, autonomes et résilientes : « Elles s'adressent surtout à des personnes qui sont dans la transition écologique et elles sont équipées par des systèmes que l'on peut construire soi-même... Quand on veut être autonome, il vaut mieux être low-tech », déclare Mathilde Barbier. Bientôt, c'est un four solaire sur remorque qui va débarquer à Macondo pour lancer une boulangerie itinérante sur les places de marché environnantes.

« On est dans le défrichage »

Autant d'expérimentations qui ont aussi une dimension d'apprentissage et de transmission. « C'est majeur, souligne Benjamin Clouet. On est anti-brevet, et on vise le plus possible la transmission technique, mais aussi de nouvelles formes d'entrepreneuriat, de coopérations. » C'est dans cet esprit que s'inscrit la présence de l'école ETRE à Macondo. « Nous avons trouvé ici la même énergie et les mêmes valeurs que celles que nous portons, raconte Kais Hannachi, coordinateur de l'école, qui accueille quelque 120 jeunes par an. Beaucoup de jeunes ont de plus en plus besoin de retrouver du sens. ETRE, c'est l'école pour ceux qui n'aiment pas l'école et nous prônons l'apprentissage par le "faire". Or les low-tech, ce sont des technologies que l'on fabrique et que l'on répare, ce qui permet d'amener la théorie par la pratique. C'est un support de formation idéal. Comme il y a beaucoup de choses à créer sur Macondo, c'est notre chantier principal. La salle de formation est une vitrine de projets low-tech réalisés par les jeunes en formation préqualifiante. »

Benjamin Clouet annonce l'ouverture d'un centre de formation, ouvert à tous, sur les produits basses technologies, destiné à accompagner des démarches de sobriété énergétique. « On est dans le défrichage, on a mis le pied dans la porte, mais ce que l'on expérimente n'a pas vocation à être industrialisé, confie-t-il. On est dans une autre logique et sur une position de récit : "ne dites pas que ce n'est pas possible !"... Tous les bords politiques sont venus nous voir, et on estime que l'échelle d'application de notre philosophie pour commencer à changer les choses, c'est la municipalité. »

* Le projet Macondo, soutenu par l'AIRDIE, a obtenu des prêts bancaires (220 000 €) et bénéficié de plusieurs soutiens financiers : la Région Occitanie (300 000 €), l'Ademe (100 000 €) et l'ANTC-France Tiers-Lieu (250 000 €).


.............................................................................................................................

ACTUELLEMENT EN KIOSQUE ET DISPONIBLE SUR NOTRE BOUTIQUE EN LIGNE

T15

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.