Comment Ekoasis (créée par Michel Ancel) veut rebooster la biodiversité

Cofondée par Michel Ancel, ancien fondateur d’Ubisoft, et Carole Cuenot, écologue, la société Ekoasis vise à redynamiser la biodiversité à grande échelle. Sur le site expérimental d’Argelliers (Hérault), des écosystèmes s’intègrent dans un projet global de renaturation favorisant la protection des espèces. Evalué scientifiquement, le concept intéresse les collectivités territoriales mais aussi particuliers et entreprises privées.
Avec ses écosystèmes, la société héraultaise Ekoasis veut donner un coup de pouce à la nature pour que la faune sauvage s’épanouisse en toute sécurité.
Avec ses écosystèmes, la société héraultaise Ekoasis veut donner un coup de pouce à la nature pour que la faune sauvage s’épanouisse en toute sécurité. (Crédits : Ekoasis)

En septembre 2020, le concepteur de jeux vidéo Michel Ancel quittait Ubisoft et annonçait vouloir se consacrer à sa deuxième passion : la nature sauvage. Deux ans plus tard, son projet de créer un sanctuaire a évolué sur un concept plus global de redynamisation de la biodiversité.

« La nature a toujours été au centre de mes préoccupations, que ce soit dans ma vie professionnelle, via mes différents projets de jeux vidéos, ou dans ma vie personnelle, raconte-t-il. J'étais d'ailleurs un enfant solitaire, je passais mon temps dans les marais et rivières... Face au déclin de la biodiversité, le projet de la société Ekoasis, visant à créer des écosystèmes propices au retour naturel d'espèces, me semble prendre tout son sens. »

Recréer un réseau de mares

Alors que la France a perdu 70% de ses zones humides depuis les années 1960 (le monde entier, 90%), un quatrième plan quinquennal (2022-2026) en faveur de la protection des milieux humides s'est vu doté de plus de 325 millions d'euros, porté majoritairement par les Agences de l'eau.

Dans ce contexte, la renaturation qui permet à des espèces vivantes de recoloniser spontanément un milieu ayant subi des perturbations écologiques, est un enjeu crucial. A ce titre, la création ou la réhabilitation de mares est devenue une nécessité.

« Je me suis questionné sur des lieux qui pourraient permettre de réintroduire des animaux mal considérés, comme les tourterelles des bois, les libellules, les marcassins, explique Michel Ancel. Le déclic est venu un jour en créant une petite mare pour accueillir un hérisson sortant de l'hôpital : j'avais placé une caméra pour me rendre compte de ce retour à la vie sauvage. A ma grande surprise, malgré la petite taille de la mare, les espèces vivant dans la forêt alentours - renards, grives, mésanges - venaient régulièrement s'y abreuver. Formant des îlots de biodiversité avec amphibiens, insectes, reptiles et mammifères, les mares jouent également un rôle sociétal car grâce à leurs plantes filtrantes, elles participent à réduire les pollutions et limitent le risque inondation. De là est née l'idée, avec l'écologue Carole Cuenot, de trouver un terrain afin de reconstituer des ékoasis ».

Un showroom à ciel ouvert

En 2020, Michel Ancel a alors acquis, à Argelliers (Hérault) le Mas Andrieu, domaine d'une centaine d'hectares, entouré de forêts, qui est devenu une sorte de showroom à ciel ouvert.

« Sur cette commune de l'arrière-pays montpelliérain, le réseau de mares a été fragilisé par le manque d'eau et par des couloirs de déplacement mal connectés qui morcellent la matrice paysagère, détaille l'écologue Carole Cuenot. Or les rythmes et les processus intervenant dans le développement écologique de nouvelles mares, qu'elles soient naturelles ou artificielles, restent à ce jour peu explorés. La création d'ékoasis nous permet de mesurer l'impact de ces îlots artificiels sur la biodiversité locale.  Après deux années d'observation in situ, la biodiversité a été redynamisée, c'est un constat très positif. »

Pour mener ce projet, les deux cofondateurs de la société ont investi 300.000 euros dans un bureau d'études : « Ce projet pluridisciplinaire combine des approches analytiques issues de la géographie, de l'écologie des paysages et de la biologie génétique (suivi des métapopulations de tritons marbrés, NDLR) », complète l'écologue.

Ekoasis travaille en partenariat avec le laboratoire montpelliérain du CEFE (Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive), l'école pratique des hautes études et le réseau écologiste de l'Euzière.

Une vidéo plus vraie que nature

Avec son site expérimental, Ekoasis suscite l'intérêt de collectivités territoriales. Deux projets sont d'ailleurs en cours avec les communes héraultaises de Sauteyrargues et Villeneuvette et devraient démarrer à l'automne.

Une vidéo plus vraie que nature a d'ailleurs été conçue par Michel Ancel : « Pour ce projet de Sauteyrargues, nous avons souhaité créer une balade très réaliste en vidéo (visible sur le site de la société, NDLR) : l'utilisation d'outils sophistiqués de cinéma m'a permis de mieux rendre compte de la végétation, de l'ombrage, de la croissance des arbres, etc. et utiliser mes connaissances pour le monde réel est une très belle expérience ».

Qu'elle mesure 4 ou 4.000m2, chaque ékoasis s'inscrit dans un réseau déjà existant pour créer un site durable dans le temps. Les aménagements (abris, branchages, pierriers, nichoirs, connexion avec les couloirs de déplacements naturels) sont adaptés en fonction de la biodiversité déjà en place. Côté méthodologie, le bureau d'études s'appuie sur trois axes : une approche avant/après (mesure d'indicateurs de biodiversité), une approche comparative (analyses statistiques d'inventaire de terrain) et un suivi dans le temps (caméras...).

Le  coût moyen d'une ékoasis est de 30.000 à 40.000 euros, mais un fonds de dotation permet de proposer un levier de défiscalisation et l'agence de l'eau subventionne jusqu'à 70% du projet sur les trois phases.

Dimension collaborative

Calés sur le rythme de la nature, les deux cofondateurs de la société disent vouloir avancer pas à pas.

« Les voyants sont au vert, nous avons déjà des demandes de la part de métropoles mais il est important pour nous de commencer avec de petites communes car la mission est assez vaste et offre de multiples possibilités, d'autant que la nature a une temporalité particulière, souligne Michel Ancel. Nous souhaitons que notre action soit pérenne et qu'elle s'inscrive dans une stratégie de réseaux de prestataires (pépiniéristes, aquaculteurs, exploitants de carrières, etc. - NDLR) fiables et de qualité. Cette dimension collaborative est primordiale si nous voulons par la suite capter d'autres régions et d'autres marchés. Nous sommes d'ailleurs de plus en plus sollicités par des particuliers, des écoles pour la création d'espaces éducatifs et contemplatifs, et des groupes privés. »

Ekoasis vise rationnellement un chiffre d'affaires de 600.000 euros en 2024.

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