Réseaux d’eau potable : 18,1% de pertes dans l’Hérault, 17% à Montpellier mais 52% à Saint-Guilhem-le-Désert

Partout en France, l’association UFC-Que Choisir alerte sur le niveau préoccupant des pertes d’eau potable. Ce 27 juin, elle publie une étude nationale qualifiant les pertes observées dans les réseaux d’eau partout sur le territoire. Dans l’Hérault, 18,1% d’eau potable disparaît à cause de fuites dans les canalisations, et la situation des réseaux est très diverses selon les villes du département. L’association demande aux pouvoirs publics de mettre en œuvre un véritable plan de rénovation des réseaux.
Cécile Chaigneau
Dans l'Hérault, 18,1% d’eau potable disparaît à cause de fuites dans les canalisations.
Dans l'Hérault, 18,1% d’eau potable disparaît à cause de fuites dans les canalisations. (Crédits : Régie de l'eau Montpellier)

A l'été 2022, le département de l'Hérault avait été placé en situation d'alerte renforcée, entraînant dans certaines zones de fortes restrictions à l'irrigation et aux usages d'eau non prioritaires (arrosage des jardins, lavage des voitures, etc.). Alors que le département fait partie de ceux qui subiront très probablement une nouvelle sécheresse cet été, les associations locales UFC-Que Choisir de l'Hérault épinglent aujourd'hui l'état des réseaux de canalisation qui nuit à la préservation de la précieuse ressource.

« Les climatologues et les hydrologues indiquent que la recharge des nappes phréatiques devrait baisser en moyenne de 10 à 25 % voire même de 30% à 50% dans le sud-ouest », rappelle en préambule Claude Gaubert, trésorier de l'UFC Que choisir Montpellier, en charge communication et des campagnes nationales, le 27 juin lors d'une conférence de presse sur l'étude nationale publiée ce jour.

Dans le département languedocien, ce sont 18,1% d'eau potable qui sont perdus en raison de fuites de canalisations (près d'un litre sur six), soit un taux de fuite un peu inférieur à la moyenne nationale qui est d'un litre sur cinq perdu (19,9%). Pour être pédagogues, l'UFC-Que Choisir illustre : « Ces pertes représentent chaque année l'équivalent de la consommation en eau de la ville de Montpellier »...

« Dans l'ensemble, les résultats dans l'Hérault sont meilleurs que la moyenne nationale », souligne Claude Gaubert.

Des taux de fuite élevés en zone rurale

18,1% qu'il faut rapporter au taux de fuite maximal réglementaire s'appliquant aux villes et agglomérations dont les services distribuent plus de 1,6 millions de m3 d'eau par an et qui est de 15%, tel que définit en 2012 par le Grenelle de l'environnement.

« Dans l'Hérault, Montpellier est à 17%, Béziers et Frontignan à 18%, Sète à 15%, Castelnau-le-Lez à 19% ou Lunel à 20%, mais Bédarieux et Pézenas sont respectivement à 36% et 39%, pointe Claude Gaubert. En zone rurale, les taux de fuite sont en général inversement proportionnels à la taille des communes. La réglementation a défini des taux de fuites réglementaires plus élevés pour les communes rurales, afin de tenir compte des leurs difficultés à renouveler les réseaux. Pour des densités de populations très faibles, les fuites autorisées peuvent ainsi monter jusqu'à 35%. A Saint-Jean-de-Buèges, on a seulement 1% de perte, 10% à La Salvetat-sur-Agout, ou 14% à Capestang, mais 52% à Saint-Guilhem-le-Désert, 49% à Aniane ou 44% à Le Caylar. La moitié de l'eau prélevée et traitée est perdue ! »

« A ce rythme, il faudra 150 ans... »

Parmi les raisons de ces pertes, figure en premier lieu les matériaux fragiles dont sont composés les réseaux : les très cassants acier et fonte grise fortement utilisés jusque dans les années 1960, l'amiante-ciment posé après-guerre et qui se dégrade très rapidement, ou le PVC collé très utilisé pendant les années 1960 et 1970 et qui souffre de la mauvaise qualité des joints. Or plus de la moitié (55%) du parc français est constitué de ces matériaux sujets à fuites. La donnée à l'échelle de l'Hérault n'est pas connue, « mais on peut dire que Montpellier, qui s'est beaucoup agrandi, dispose d'un réseau récent et peu fuyant, avec une proportion de réseau défaillant logiquement plus faible », indique Claude Gaubert.

L'âge de ces canalisations n'arrangent rien, une grande partie étant proche ou ayant déjà dépassé le moment où elles auraient dû être remplacées. En 2019, les Assises de l'Eau avaient fixé l'objectif de renouveler 1% du réseau national par an. Au niveau national, seulement 0,67% des réseaux est renouvelé chaque année.

« A ce rythme, il faudra 150 ans pour remplacer la totalité du réseau, alors que la durée de vie d'une canalisation est comprise entre 50 ans et 80 ans selon le type de matériau utilisé », déplore Claude Gaubert.

Dans l'Hérault 91% des communes sont en-dessous de l'objectif du 1%... Le taux moyen de renouvellement sur les cinq dernières années est de 1,1% à Sète ou Aniane (qui affiche malgré tout 49% de pertes), de 0,56% à Montpellier, de 0,45% à Castelnau-le-Lez, de 0,36% à Bédarieux, de 0,35% à Béziers, et de 0,27% à Le Caylar.

Régie ou délégation de service public

Concernant les prix, Montpellier (en régie, 1,6 euro/m3 pour 120 m3), Lunel (en délégation de service public, 1,38 euro/m3) ou Mèze (en régie, 1,55 euro/m3) figurent parmi les bons élèves. Classés rouge, les villes de Le Caylar (en régie, 2,58 euro/m3), Saint-Pons-de-Mauchiens (en délégation de service public, 2,87 euro/m3) ou Quarante (en délégation de service public, 3,02 euro/m3). Dans la ville où les pertes sont les plus importantes, Saint-Guilhem-le-Désert (en régie), le prix est de 2,26 euro/m3 pour 120 m3...

« Régie ou délégation de service public, il n'y a apparemment pas de corrélation évidente avec les fuites, observe Claude Gaubert. Les très petites communes en régie n'ont pas forcément la compétence en ingénierie pour faire l'entretien. Mais un délégataire n'en fait pas qu'à sa tête, il a un cahier des charges de la collectivité et si elle dit non aux investissements pour préserver un prix bas de l'eau, ça se traduit par un renouvellement insuffisant des réseaux. Sète a un prix bas, 2,22 euros/m3 et elle est délégation avec pourtant un bon renouvellement des canalisations... On voit aussi que le prix a baissé de 10% à Montpellier quand la Métropole a opté pour un passage en régie mais il aurait pu baisser davantage car la régie a fait le choix d'investissements sur les réseaux (voir encadré, NDLR). »

Manque d'ingénierie et sous-financement

Le manque de compétences en ingénierie est d'ailleurs le facteur principal d'une gestion défaillante des réseaux d'eau et des pertes dans les canalisations. L'UFC-Que Choisir rappelle que « jusqu'au début des années 2000, les services déconcentrés de l'Etat, notamment les Directions Départementales de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF) et les Direction départementale de l'Équipement (DDE) assuraient l'ingénierie publique en matière de canalisations, et depuis 2016, les services d'ingénierie déconcentrés de l'Etat sont supprimés, reportant de facto sur les collectivités ces responsabilités ».

Autre point soulevé par l'association de consommateurs : de faibles incitations pour les collectivités, notamment une majoration de la redevance aux agences de l'eau qualifiée d'« inefficace et injuste » : « Ces majorations sont de l'ordre de 0,4 à 0,8 euros par m3 et ne sont pas affectés à l'entretien des réseaux mais au budget général de l'agence de l'eau... », explique Claude Gaubert, qui ajoute que quoi qu'il en soit, pas plus de 2% des communes sont contrôlées par les agences de l'eau...

Enfin, l'UFC-Que Choisir dénonce un sous-financement chronique du renouvellement des réseaux d'eau français, tandis que « les investissements supplémentaires pour atteindre l'objectif de renouvellement de 1% ont été estimés, en 2019, entre 2,5 et 3 milliards par an », rappelle Claude Gaubert.

D'autant que, selon l'UFC-Que Choisir, « les budgets des agences de l'eau sont contraints par la complaisance à l'agriculture intensive »...

« En théorie, les différents consommateur d'eau sont censés contribuer au budget des Agences de l'eau en proportion des volumes qu'ils prélèvent dans le milieu naturel, rappelle Claude Gaubert. Pourtant, selon les agences, les consommateurs financent entre 51 et 67% des redevances de prélèvements pour une consommation nette d'eau de 24%, quand la contribution de l'agriculture à la redevance prélèvement est comprise entre 2 et 15%, - 3% pour l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse dont dépend l'Hérault - alors qu'elle représente 48% des consommations nettes en eau, et même 80% en été, ce qui représente un manque de financement considérable pour les agences. »

« Sur le principe des pollueurs-payeurs »

En parallèle d'un travail de sensibilisation de l'opinion publique, l'UFC-Que Choisir demande aux pouvoirs publics de mettre en œuvre un véritable plan de rénovation des réseaux.

« Ce que nous demandons, c'est une augmentation des ressources budgétaires des agences de l'eau mais en s'appuyant surtout sur les acteurs professionnels qui sont les plus gros consommateurs, sur le principe des pollueurs-payeurs, déclare Claude Gaubert. Nous demandons aussi un fléchage des aides des agences de l'eau vers les collectivités prioritaires, mais aussi celles qui démontrent qu'elles font des efforts. Il nous semblerait intéressant que les Conseils départementaux créent des services techniques d'appui aux petites collectivités. Et bien sûr, nous préconisons des objectifs plus ambitieux sur les niveaux de taux de perte autorisés. »

Lire aussiVeolia : l'appel de la patronne Estelle Brachlianoff à préserver l'eau

* Sources de l'étude annoncées par l'UFC-Que Choisir : l'Observatoire National des Services Publics d'Eau et d'Assainissement, les bases données en accès libre (base SISPEA, données 2021 mises à jour en juin 2023) donnant le détail des paramètres des services de distribution d'eau potable 
en France, des études techniques, des rapports parlementaires, et des entretiens avec des experts des problématiques de l'eau. 


A Montpellier, un tarif progressif depuis janvier 2023

La Métropole de Montpellier a fait le choix d'un passage en régie de la distribution de l'eau en 2016 puis de l'assainissement au 1er janvier 2023. Une nouvelle tarification « écologique et solidaire » a été mise en place à partir du 1er janvier 2023 : les habitants des 14 communes dans le périmètre de la régie, ayant un compteur individuel, bénéficient d'un prix de l'eau progressif avec les 15 premiers m3 gratuits. Le prix est ensuite de 0,95 euros HT/m3 de 15 à120 m3/an, de 1,40 euros HT/m3 de 120 à 240 m3/an, et de 2,70 euros HT/m3 pour plus de 240 m3/an. Les habitants avec un compteur collectif paient un tarif fixe (1,16 euros HT/m3).

En parallèle, la Métropole poursuit sa politique d'investissement pour sécuriser la ressource et le traitement de l'eau, annonçant près de 200 millions d'euros consacrés à l'entretien des réseaux, à la modernisation de la station d'épuration Maera à Lattes et à la création de la future usine de production d'eau potable Valédeau.

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