Carrefour des déchets à Montpellier : « Ne vous prenez pas les pieds dans le tapis du recyclage du plastique» (N. Gontard, INRAE)

Le Carrefour des déchets se déroulera les 7 et 8 septembre à Montpellier, ville considérée comme volontariste dans sa politique sur les déchets. Il posera cette question : « De la gestion territoriale à l’économie circulaire : quel service public des déchets en 2050 ? ». La manifestation, qui se veut salon et observatoire des bonnes pratiques territoriales, rassemblera l’ensemble des acteurs et intervenant sur la chaîne de la prévention et de la gestion des déchets. Avec en toile de fond la question des usages, des moyens et des innovations à déployer pour réduire leurs volumes et améliorer leur gestion. Et en ligne de mire notamment, le plastique.
Cécile Chaigneau
Selon l'ADEME, chaque Français produit 568 kg de déchets par an en moyenne, soit quelque 39 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés (DMA), deux fois plus qu'il y a 40 ans.
Selon l'ADEME, chaque Français produit 568 kg de déchets par an en moyenne, soit quelque 39 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés (DMA), deux fois plus qu'il y a 40 ans. (Crédits : Julien Marié)

568 kg de déchets sont produits par Français et par an en moyenne, pour un total de quelque 39 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés (DMA), soit deux fois plus qu'il y a 40 ans, d'après l'ADEME. Et l'enjeu en termes de dépense publique est important puisque leur gestion coûte, chaque année en France, près de 11 milliards d'euros. Le décor est planté et l'accompagnement des collectivités, des particuliers et des acteurs économiques pour réduire les déchets s'affiche donc comme un défi majeur...

Car si la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), promulguée en 2020, accélère pour la transformation du système en profondeur et cible une économie circulaire, d'importants gisements de déchets doivent encore trouver un exutoire et laissent en suspens de nombreuses questions : comment les gérer tout en engageant une réduction réelle des déchets produits, quelle coopération avec les acteurs extérieurs à l'écosystème des déchets, comment parvenir à une gestion optimisée, comment prendre en compte les biodéchets ?

Les 7 et 8 septembre, idealCO organise, avec Montpellier Méditerranée Métropole, le Carrefour des déchets. Un événement qui ambitionne de rassembler l'ensemble des acteurs et des filières de la prévention et de la gestion des déchets pour informer, sensibiliser, évoquer les outils, les méthodes et les moyens et faire émerger les bonnes pratiques au sein des territoires.

« Mobilisation générale »

idealCO, c'est une plateforme de travail collaboratif en ligne dédiée aux acteurs de la sphère publique dans 43 grandes familles de métiers, dont la collecte et la gestion des déchets, proposant également aux collectivités du e-learning. Créée il y a 38 ans sous statut associatif, la structure est aujourd'hui une SAS à directoire et conseil de surveillance comptant les organismes représentatifs des collectivités comme France Urbaine.

Philippe Boyer, son président, indique avoir choisi Montpellier pour le Carrefour des déchets « car la Métropole coche beaucoup de cases et c'est une collectivité volontariste, qui a beaucoup d'avance sur la prévention en matière de déchets ».

« Ici, nous avons décrété, sur ces questions et depuis le début du mandat,
la mobilisation générale, rappelle en effet le président de la Métropole Michaël Delafosse. C'est désormais un impératif dans le cadre de la transition écologique en cours, mais aussi pour réduire l'envolée des dépenses liée aux coûts de traitement. Nous proposons à nos concitoyens d'agir concrètement à travers plusieurs leviers : trier plus,
amplifier le ramassage des bio-déchets, développement de l'économie circulaire ou encore réflexion sur la mise en œuvre d'une tarification incitative. »

« Des laboratoires d'innovations »

Le Carrefour des déchets s'adresseaux professionnels, responsables de collectivités et leurs partenaires entreprises.

« L'objectif est de partager de la connaissance et des avancées, indique Philippe Boyer. Avec une consommation croissante et une prise de conscience lente et progressive sur les déchets, l'évolution des pratiques est un long travail. Mais on ne peut plus se contenter de gérer les déchets, il faut s'interroger sur comment le produit est conçu, quels leviers nous avons sur cette production, quel matériau arrêter car il n'est pas recyclable, comment inciter les consommateurs à acheter des produits non emballés, etc.... Les collectivités s'adaptent et en ça, elles sont des laboratoires d'innovations. L'idée du Carrefour, c'est d'accélérer les rencontres, de présenter une panoplie d'outils et en débattre. »

Des rencontres et des échanges qui se feront au travers d'ateliers collaboratifs, de conférences et de parcours au sein d'un espace d'expositions, autour de quatre thématiques : la place du service public de gestion des déchets sur les territoires, la gestion des biodéchets, les filières REP (responsabilité élargie des producteurs), et les ressources humaines.

« Il faut évoquer ce volet ressources humaines, sur lequel les enjeux sont importants : les métiers autour des déchets sont difficiles et à risques, en panne de recrutement, et de nouveaux métiers émergent », ajoute le président d'idealCO.

Le plastique en ligne de mire

La première édition de l'événement aura pour marraine Nathalie Gontard, chercheuse à l'INRAE à Montpellier, spécialiste des emballages écologiques, et auteur, en 2020, de l'ouvrage Plastique, le grand emballement.

« Depuis plus de trente ans, nous travaillons sur les solutions de remplacement du plastique : sur les matériaux mais aussi sur les façons de s'en passer ou d'en utiliser le strict minimum, détaille la chercheuse. Nous travaillons sur les matières premières à base de ressources renouvelables comme les résidus agricoles, sur la création de nouveaux matériaux ayant les même propriétés que le plastique, sur l'usage, sur le post-usage, c'est à dire la gestion des déchets comme le recyclage ou le reconditionnement, ou sur la persistance des plastiques pendant des siècles voire des millénaires. »

Pour frapper les esprits, la chercheuse rappelle quelques chiffres : « Toutes les secondes, nous produisons 14 tonnes de plastique dans le monde, dont trois qui seront incinérés et neuf qui partiront dans les décharges. En France, on consomme plus de 70 kg par personne et par an, soit l'équivalent de notre poids corporel, ce qui constitue un volume considérable car le plastique est un matériau léger... Depuis les années 1950, on a produit 9 milliards de tonnes de plastique, quand le poids de la biomasse animale sur terre n'est que de 2 milliards de tonnes ».

Pièges et fausses promesses

Un de ses combats : faire comprendre que le recyclage du plastique est en réalité un « décyclage », c'est à dire qu'on le transforme mais qu'il continue de se dégrader dans l'environnement. C'est ce qu'elle appelle « les pièges » ou « les fausses promesses du recyclage du plastique »...

« Aujourd'hui, on ne sait recycler que les bouteilles en PET, soit 1% des plastiques qu'on consomme, martèle Nathalie Gontard. En "décyclant" le plastique, on se donne bonne conscience et on encourage la consommation de plastique vierge sans réduire la pollution. On crée une dépendance au plastique et on contribue à faire disparaître des filières entières, par exemple la laine au profit de polyesters décyclés. Et ainsi, on plastifie le monde ! »

Selon la chercheuse, dans ce contexte de méconnaissance et de confusion sur le plastique, le niveau de maturité, en termes de prises de conscience, est le plus élevé chez les collectivités « qui sont celles qui font le plus d'efforts pour réduire la consommation de plastique », devant les consommateurs « malgré l'absence de communication claire sur le plastique et la pression d'un important lobbying ». Quant aux entreprises, « elles sont conscientes du problème mais leur travail est de préserver leur business, donc de gagner du temps sur le changement. Elles communiquent sur les techniques de recyclage ou sponsorisent des bateaux qui vont récupérer des plastiques en mer... Je pense qu'elles sont toutes en train de se préparer mais tant que la fin de la récréation n'a pas été signée, peu de choses émergent ».

« Un héritage terrible »

La marraine du Carrefour des déchets s'apprête donc à délivrer un message principal : « Attention, ne vous prenez pas les pieds dans le tapis de l'économie circulaire et du recyclage du plastique ».

« Ma mission en tant que chercheuse est de créer des connaissances, mais aussi de les transmettre à tous les acteurs de la chaîne des déchets, prévoit-elle. Je vais parler des différences entre les déchets, des valorisations possibles et de l'attention particulière à porter aux déchets plastiques qui constituent un héritage terrible pour les futures générations, et donc des efforts à faire pour aller vers la réduction de la consommation de plastique. »

Pour elle, deux urgences se distinguent aujourd'hui : « fixer aux industriels des objectifs de réduction d'utilisation du plastique et créer une obligation d'étiquetage d'information pour orienter nos achats ».

Plus de 500 participants et plus de 50 intervenants sont attendus au Carrefour des déchets. Avec déjà une intention : reconduire ce rendez-vous annuel des acteurs des déchets l'an prochain et les années suivantes à Montpellier.

Cécile Chaigneau

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