Le pôle DERBI retrouve sa labellisation et André Joffre considère que « le solaire a gagné la partie »

Alors que l’énergie, portefeuille stratégique, ne fait plus l’objet d’un ministère dédié dans le nouveau gouvernement Attal, qui l’aborde désormais sous le prisme de la souveraineté industrielle, le pôle de compétitivité DERBI, dédié aux énergies renouvelables en Occitanie, retrouve sa labellisation qui avait été conditionnée en mars 2023. Evolutions à l’appui : le pôle doit se muscler pour atteindre une masse critique et enrichir sa feuille de route. Son président André Joffre explique comment et s’exprime sur ces différents points d’actualité.
Cécile Chaigneau
André Joffre, président du pôle DERBI.

A l'issue de la phase V de labellisation (2023-2026) des pôles de compétitivité, annoncée le 27 mars 2023 par le ministère de l'Economie et des Finances et par Régions de France, quarante-sept pôles avaient été labellisés pour quatre ans et deux pôles pour un an « prolongeable à quatre ans sous certaines conditions ». Dont le pôle DERBI, dédié à la transition énergétique et qui opère sur le périmètre de l'Occitanie (siège social : Perpignan). L'entité avait un an pour corriger sa copie...

En début d'année (mais le pôle DERBI ne communique la nouvelle que maintenant), le ministre délégué à l'industrie d'alors, Roland Lescure (on ne sait pas s'il sera renouvelé dans son poste par le nouveau gouvernement Attal, des bruits courant qu'il pourrait récupérer le portefeuille de l'énergie), a renouvelé sa confiance au pôle en lui renouvelant le label pour la période 2024-2026, avec la demande « que le pôle DERBI affirme entre autres son positionnement d'acteur central pour l'accompagnement à l'innovation et au développement économique des trois filières : solaire, gaz renouvelables et réseaux énergétiques intelligents », indique DERBI dans un communiqué.

Atteindre une masse critique

Labellisé depuis 2005, le pôle DERBI annonce un réseau de plus de 200 adhérents, 378 projets labellisés depuis sa création dont 217 financés (479 millions d'euros d'investissement soutenus par des fonds publics à hauteur de 185 millions d'euros). Comme tous les pôles de compétitivité, il a pour mission de développer l'innovation, la formation, le transfert de technologie, le développement et la création d'entreprises dans sa filière de prédilection, avec l'objectif d'accélérer l'émergence et la commercialisation de produits et de services innovants.

Dans la décision de labellisation « provisoire » en 2023 figuraient deux points d'achoppement et deux axes de correction : que le pôle s'oriente aussi vers la promotion de la transition énergétique et des énergies renouvelables, et qu'il se muscle et atteigne une certaine masse critique. Il s'agit donc, pour le pôle, de faire évoluer son modèle économique en développant ces nouvelles missions de promotion, et d'aller vers une mutualisation avec les acteurs régionaux du domaine de l'énergie.

Une seule mégastructure

« Jusqu'à présent, DERBI était un pôle de compétitivité au sens strict du terme, concentré sur l'innovation et le rapprochement entre les laboratoires de recherche et les entreprises, et aujourd'hui, à la demande de la Région Occitanie, on nous demande de faire la promotion de la transition énergétique auprès des collectivités par exemple, et d'investir sur l'organisation avec davantage de représentants de la filière des ENR en Occitanie, décrypte André Joffre, le président de DERBI. L'Occitanie compte beaucoup de développeurs d'ENR qui ne sont pas adhérents de DERBI car ils ne font pas d'innovation, il va donc falloir aller les chercher. Nous avons identifié 200 à 300 entreprises régionales, d'autant qu'en ce moment, il y a beaucoup de créations. Cette massification passera donc, à la demande de la Région, par une fusion avec le club CEMATER (groupement des professionnels de la filière des énergies renouvelables et construction durable en Occitanie, présidé par Stéphane Bozzarelli, 90 adhérents, NDLR) dont les adhérents n'étaient pas dans notre scope de prospection jusqu'à présent... La réflexion de la Région est d'avoir une seule mégastructure sur l'innovation et le développement des ENR. »

Un exercice imposé qui ne se fera probablement sans quelques crispations, comme dans toute démarche de fusion, mais auquel André Joffre dit n'être « pas opposé », précisant que DERBI avait déjà recruté un collaborateur en 2023 pour commencer à répondre à cette exigence de muscler le nombre d'adhérents du pôle... La fusion pourrait être effective dès la fin du premier semestre 2024. Quant aux actions concrètes et à la nouvelle feuille de route du pôle, elles seront présentées lors de l'assemblée générale qui se tiendra le 24 avril prochain à Montpellier.

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Tutelle de Bercy

La nouvelle intervient dans un contexte particulier pour l'énergie : alors qu'on attend la nomination probable d'un secrétaire d'Etat à la transition énergétique dans les prochains jours, pour l'heure, il n'y a plus de ministère dédié (une première depuis quinze ans) et l'énergie est passée sous tutelle de Bercy. Le gouvernement Attal a choisi de rapprocher industrie et énergie, abordant l'énergie sous le prisme de la souveraineté industrielle.

Les acteurs de la filière des énergies renouvelables ont immédiatement exprimé leur préoccupation de voir disparaître le ministère. André Joffre, lui, tente d'afficher une certaine sérénité...

« Nous avions de bonnes relations avec Agnès Pannier-Runacher (ancienne ministre de la transition écologique, qui a notamment fait voter la loi d'accélération des ENR au printemps dernier, NDLR) qui a joué le jeu sur les énergies renouvelables, analyse-t-il. Le marché a bien progressé l'an dernier et on a dépassé les 3 GW installés*. Ce que nous comprenons, c'est que l'énergie revient là où elle était avant, au sein du ministère de l'Industrie. Mais le Président de la République a toujours veillé, y compris lors de sa conférence de presse hier, à parler de la place des énergies renouvelables. Et le Premier ministre a bien spécifié que la transition écologique restait une priorité absolue ! Le reste, c'est de la mise en œuvre. »

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Aucun objectif chiffré sur les ENR

Pourtant, priorité est donnée à la décarbonation via la relance du nucléaire : le texte de loi en préparation sur la souveraineté énergétique fait ainsi la part belle à l'atome civil dans la production électrique mais ne comprend aucun objectif chiffré sur les énergies renouvelables.

Là encore, André Joffre tente un propos apaisé : « C'est normal car les centrales nucléaires françaises arrivent en fin de course et s'arrêteront progressivement. Il est donc naturel qu'il y ait un relais. Même s'il faudra voir comment on finance tout ça... Mais nous considérons que le solaire a gagné la partie ! Son prix de revient est désormais extrêmement bas et ça va continuer de baisser en 2024, les volumes sont là, l'acceptabilité est très grande. C'est une donnée essentielle de la transition énergétique. A horizon de la décennie, ça ne coûtera presque plus rien, et demain, on fera des toits solaires car cela coûtera moins cher que des tuiles ! Le sujet à l'avenir sera de savoir comment on utilise les électrons, par exemple pour les véhicules électriques. DERBI compte de nombreux projets innovants sur ces questions ».

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* Selon les derniers chiffres communiqués par Enedis, soit une hausse de 30% en un an, portant la puissance solaire installée à 17 GW. Le syndicat des énergéticiens solaires Enerplan table sur plus de 4 GW en 2024.

Cécile Chaigneau

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