"Pour le moment, on ne voit pas la vague de défaillances redoutée" (Nadine Baptise, tribunal de commerce)

INTERVIEW. Les tribunaux de commerce permettent de prendre le pouls de l’économie. Mais en 2020, pour traverser la tempête économique découlant de la crise sanitaire du Covid-19, le gouvernement a pris des mesures qui maintiennent certaines entreprises sous perfusion. Le tissu économique retient son souffle. Au tribunal de commerce de Montpellier, la présidente Nadine Baptiste fait les premiers comptes de la crise.
Cécile Chaigneau
Nadine Baptiste, présidente du Tribunal de commerce de Montpellier.
Nadine Baptiste, présidente du Tribunal de commerce de Montpellier. (Crédits : DR)

La Tribune - En ce début d'année 2021, qu'observez-vous sur le tissu économique de votre juridiction (75% de l'Hérault, dont la région de Montpellier) ?

Nadine Baptiste - Dans un contexte de crise sanitaire, les mesures gouvernementales d'aides (PGE, décalage des échéances sociales, etc. - NDLR) ont eu un impact direct sur l'activité du tribunal de commerce et ne traduisent probablement pas le véritable reflet de l'activité économique de notre territoire... Nous avons enregistré une baisse de 37% des procédures collectives dans leur ensemble (38,1% au niveau national, NDLR) : 448, contre 711 en 2019. Ce n'est pas une surprise compte tenu de ces mesures d'aide pour éviter qu'on perde des entreprises... Sur l'ensemble des procédures, il y a 43% de liquidations judiciaires simplifiées, soit 191, dont les critères correspondent principalement à des TPE, reflet de notre tissu économique. Et 169 redressements judiciaires contre 288 en 2019, soit une baisse de - 41%, ce qui est important... Nous avons comptabilisé 8 plans de sauvegarde, soit le même nombre que l'année précédente. Par ailleurs, nous avons aussi enregistré une baisse de 10% des affaires relevant du contentieux général, soit 661 affaires contre 760 en 2019 ; une baisse de 22% des référés, soit 218 affaires contre 279 en 2019 ; et une baisse de 40% des injonctions de payer, soit 1.667 contre 2.764 en 2019... Enfin, le Tribunal de commerce spécialisé, compétent pour les entreprises régionales de plus grandes tailles, a connu une activité soutenue : 15 plans de cession ont permis le maintien dans l'emploi de plus de 7.000 salariés.

Quels sont les secteurs d'activité les plus touchés ?

Dans notre région, ce sont les secteurs de la restauration et du bâtiment. Beaucoup d'entreprises sont toute petites et ne tiennent pas...

Combien de créations d'entreprises le Registre du commerce et des sociétés a-t-il enregistré en 2020 ?

Quasiment le même nombre que l'année précédente : 3.902 créations en 2020 contre 3.957 en 2019, essentiellement des TPE. C'est une véritable lueur d'espoir dans un tel contexte économique !

En 2020, les assignations de créanciers, qui sont traditionnellement à l'origine des procédures collectives, ont-elles disparu ?

Non, elles n'ont pas disparu. C'est vrai que certains créanciers n'assignent plus pour le loyer par exemple, mais des fournisseurs peuvent avoir le couteau sous la gorge et assigner. Mais globalement, les assignations de créanciers ont baissé de 57%. On en avait enregistré 352 en 2019 contre 150 seulement en 2020. Mais il faut savoir que l'URSSAF, qui est habituellement le principal assignateur, n'a pas assigné.

A quoi vous attendez-vous en 2021 ?

Je ne suis pas vraiment pessimiste car pour le moment, on ne voit pas la fameuse vague de défaillances redoutée. En réalité, on n'en sait rien, on ne sait pas à quoi s'attendre... Mais à ce stade, je suis admirative de certains chefs d'entreprises qui s'adaptent et se réinventent.

Les sollicitations devraient être nombreuses cette année. Comment le tribunal s'y prépare-t-il ?

En matière de prévention, nous avons revu nos méthodes en interne. Nous nous sommes rapprochés de tous les services de l'État qui gèrent différents paiements, comme le Trésor Public, l'URSSAF, la Direccte ou la Banque de France. Nous travaillons en réseau plus qu'avant. Nous avons par exemple mis en place une communication avec l'URSSAF pour indiquer aux chefs d'entreprises qui ne peuvent pas payer de s'adresser au tribunal car souvent, ils attendent trop. Mais c'est vrai que les dirigeants ont peur du tribunal... Nous travaillons aussi avec les experts-comptables et les commissaires aux comptes qui sont au plus près des entreprises. Nous pouvons orienter vers des mandats ad hoc ou des conciliations - des procédures confidentielles qui constituent de vraies solutions pour une entreprises en difficulté - ou des procédures de sauvegarde. Les juges du tribunal de commerce sont des chefs d'entreprises, qui connaissent les problèmes d'entreprise et ne jugent pas... Je ne suis pas découragée, tout ce qu'on sème portera ses fruits.

Cécile Chaigneau

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