« Il n’y a pas de logique à interrompre la politique de l’offre » (JM Oluski, président du Medef Hérault Montpellier)

ENTRETIEN – La fin de l’été rime avec REF (Rencontre des entrepreneurs de France) pour le Medef. Alors que la REF nationale ouvre ses portes ce lundi 28 août, le président du Medef Hérault Montpellier, Jean-Marc Oluski, fait le point sur les sujets de préoccupation du patronat et peaufine les préparatifs de la REF du Medef Hérault Montpellier les 6 et 7 septembre prochains.
Cécile Chaigneau
Jean-Marc Oluski,président du Medef Hérault Montpellier.
Jean-Marc Oluski,président du Medef Hérault Montpellier. (Crédits : Cécile Chaigneau)

LA TRIBUNE - Le gouvernement prépare son projet de loi de finances 2024, et cherche à faire 15 milliards d'euros d'économies sans augmenter les impôts. Les entreprises pourraient y contribuer via diverses options. Ainsi, la suppression des impôts de production pourrait s'étaler sur plusieurs années...

Jean-Marc OLUSKI, président du Medef Hérault Montpellier - Evidement, on réagit mal à cette annonce, et nous verrons ce que dit Bruno Le Maire à la REF* (Rencontre des entrepreneurs de France, qui se déroulent les 28 et 29 août, NDLR). Nous avons démontré que la croissance liée à la politique de l'offre fonctionnait et que cela avait contribué à faire de l'économie française celle qui a enregistré la plus forte croissance en Europe et probablement la plus importante baisse du taux de chômage. Il n'y a donc pas de logique à interrompre cette politique... Il est normal que le gouvernement déploie une action forte sur la dette mais les entreprises contribuent déjà à l'effort via les impôts sur les sociétés ou la TVA... Dans le même temps, on nous dit qu'il faut augmenter les salaires, et ça a été le cas**. Dans mon cabinet de recrutement (RH Partners, NDLR), on est aujourd'hui toujours dans les fourchettes supérieures des salaires. La pénurie des compétences pousse à ça...

Quelles sont vos autres craintes sur les impôts ?

Nous demandons à ce qu'on n'instaure pas un système de vases communicants entre la baisse des impôts nationaux et une hausse des impôts locaux ! Soyons vigilants sur la CFE (cotisation foncière des entreprises, NDLR) ou d'autres impôts de production locaux.

Le gouvernement pourrait aussi demander aux entreprises une contribution dans la lutte contre les arrêts maladie dits « de complaisance » en prenant en charge quelques journées d'indemnités journalières. Il envisage également la baisse de l'avantage fiscal sur le gazole non routier pour le BTP et l'agriculture...

Pour nous, ce sujet des arrêts maladie est nébuleux. On ne voit pas comment cette prise en charge supplémentaire par les entreprises pourrait s'appliquer. Ce que l'on craint davantage, de façon générale, c'est un 2e tour syndical : après la perte de la bataille sur les retraites, une second round sur les conditions de travail... Quant au gazole non routier, il y a sûrement d'autres possibilités de faire des économies. Je suis plutôt d'accord avec de que le député Philippe Juvin (LR, Hauts-de-Seine, NDLR) a déclaré sur France inter : il y a aujourd'hui plus d'administratifs que de soignants à l'hôpital et que d'enseignants dans l'Education nationale ! Il y a probablement des pistes à explorer de ce côté par exemple...

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Quelles sont les nouvelles sur le front des défaillances dans l'Hérault ?

C'est vrai qu'il y a eu une sorte de rattrapage mais il est toujours difficile de mesurer ce qui relève du rattrapage Covid. Dans le département, les secteurs en difficulté sont le BTP et l'immobilier. Le président de la FNAIM Hérault dit que c'est un vrai sujet et il y a de l'inquiétude chez les promoteurs immobiliers qui ont du mal à sortir des dossiers, même s'il n'y a pas encore d'entreprises en défaillance. Notre territoire a heureusement vécu des mutations vers la tech ou les medtech par exemple, ce qui permet à l'économie régionale de rester résiliente et vivace. Les secteurs de l'innovation sont portés par la croissance... Le vrai sujet n'est pas une décroissance mais une croissance raisonnée car il faut financer la transition écologique, qui coûte 50 milliards d'euros par an aux entreprises. Tous les chefs d'entreprises sont dans une réflexion sur leur impact écologique et social. Le gouvernement lance son plan Eau et accompagne les entreprises dans les économies d'eau, et c'est une bonne chose, on n'a pas le choix de se positionner autrement... J'entends bien le discours ambiant sur comment ralentir les consommations, et bien sûr qu'il faut aller vers une consommation responsable et donc une offre responsable, mais en même temps, j'observe le phénomène d'engouement autour de la marque Shein, des smartphones ou d'Amazon chez les nouvelles générations. C'est un paradoxe...

Après le sens du travail en septembre 2022, la REF 2023 du Medef Hérault Montpellier, les 6 et 7 septembre, a choisi une réflexion sur la métamorphose du travail. Tout comme l'interroge l'un des débats de la REF au niveau national : le travail a-t-il l'avenir devant lui ?

Ce sont des sujets sur lesquels tout le monde travaille, notamment les syndicats, car c'est une question qui se pose dans toutes les entreprises. Vis à vis de nos adhérents, nous nous devons d'avoir un pouvoir de conviction. C'est pourquoi lors de la REF à Montpellier, nous souhaitons faire comprendre ces enjeux à tous les adhérents (850, NDLR), y compris les petits, que quelque chose a changé : il y a aujourd'hui une aspiration à travailler différemment chez les jeunes mais pas seulement, et un phénomène qui grandit autour de la volonté de donner du sens à son travail. Nous voulons donc faire comprendre qu'il y a une évolution des comportements à mener dans chaque entreprise.

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Quelles sont, selon ce que vous observez, les attentes des Français sur le travail aujourd'hui ?

D'abord d'être bien payés, d'avoir un management qui fonctionne, et un fonctionnement en équipe. Les gens veulent donner du sens à leur travail et y retrouver certaines valeurs. C'est la raison pour laquelle, par exemple, nous avons lancé MedForêt (projet d'agroforesterie financé par les entreprises participantes, NDLR) : c'est un outil pour les entreprises qui leur permet de dire qu'elles participent à un projet collectif... En revanche, si l'on prend la question de la diversité dans les entreprises, on peut dire que c'est un sujet encore malheureusement insuffisamment traité.

Depuis la crise sanitaire, les discussions sur le temps de travail vont bon train et la semaine de quatre jours semble avoir de plus en plus la cote. Qu'en pensez-vous ?

Nous ne sommes ni pour ni contre, mais ce que nous demandons, c'est de ne pas l'imposer. Ne refaisons pas les 35 heures ! Ça convient à certains, pas à d'autres. Nous avons créé une commission au Medef Hérault Montpellier pour y réfléchir.

Le télétravail est de plus en plus un argument de recrutement, car souhaité par de nombreux candidats. Du côté des dirigeants d'entreprises, est-ce un mode de fonctionnement désormais durablement ancré ?

A peu près toutes les entreprises ont fait perduré le télétravail après la crise sanitaire. Aujourd'hui, oui, il est inscrit durablement dans les organisations et je ne vois pas pourquoi il y aurait un retour en arrière. Mais la question majeure, c'est quelles conséquences sur la productivité ? Une réflexion est portée par Action Logement sur la mise en place du « corpo-working », des espaces partagés par les entreprises pour permettre à leurs salariés d'y aller ponctuellement. Ce sont des solutions intelligentes.

En matière de formation, vous vantez les vertus de l'apprentissage mais vous êtes aussi proactif en mettant un pied à l'école au travers d'une nouvelle initiative à la rentrée. De quoi s'agit-il ?

Nous lançons une expérimentation qui est une initiative du Medef Hérault Montpellier et que nous avons baptisée « Un an à l'école ». L'idée, c'est d'amener la matière « connaissance de l'entreprise » au lycée Champollion. Le programme a été validé par le rectorat. L'objectif de cette action, c'est de travailler le plus en amont possible pour que les jeunes n'aillent pas dans des filières où il n'y a pas de débouchés. Si ça fonctionne, il pourrait y avoir des déclinaisons ailleurs en France.

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La REF 2023 du Medef Hérault Montpellier recevra Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, Patrick Martin, le nouveau président du Medef, ainsi que Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole. Comment vont-ils intervenir ?

Ils ont en effet confirmé leur présence le jeudi 7 septembre (à 9h50 en séance d'ouverture, NDLR) et nous proposerons une conversation entre les trois.

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* Entretien réalisé le 25 août. Le 28 août, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a rappelé que « 4 milliards d'impôts de production avaient été supprimés en 2023 » et ajouté que « l'année prochaine, nous supprimerons un milliard. Nous continuerons jusqu'en 2027 et la promesse sera tenue ».

** Selon les chiffres publiés par la DARES en mai dernier, l'indice du salaire mensuel de base (SMB) de l'ensemble des salariés progresse de 1,8% au cours du 1er trimestre 2023 et de 4,6% sur un an, contre +3,9% le trimestre précédent. Les prix à la consommation ayant augmenté de 5,7% entre fin mars 2022 et fin mars 2023, le SMB diminue de 1,1% sur un an et en euros constants.

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 28/08/2023 à 18:17
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L'IS je veux bien mais la tva c'est le consommateur final qui la paie pas l'entreprise qui se contente de la collecter pour le compte du fisc !!!

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