« Béziers a besoin de garder ses jeunes et nos entreprises aussi » (Matthieu Ourliac, Medef Béziers)

ENTRETIEN – Contexte inflationniste, bataille des compétences, enjeux d’industrialisation et d’attractivité. Les défis qui attendent le territoire biterrois sont nombreux. Matthieu Ourliac, le président du Medef Hérault Béziers balaie les principaux sujets de préoccupation des entreprises.
Cécile Chaigneau
Matthieu Ourliac, président du Medef Hérault Béziers.
Matthieu Ourliac, président du Medef Hérault Béziers. (Crédits : Cécile Chaigneau)

LA TRIBUNE - Que dit le bulletin de santé des entreprises du territoire biterrois aujourd'hui ?

Matthieu OURLIAC, président du Medef Hérault Béziers (470 adhérents) - Les entreprises ont bien joué le jeu des augmentations de salaires, mais avec des conséquences attendues sur les comptes d'exploitation car tous les prix des prestations des entreprises n'ont pas pu augmenter, notamment dans le BTP ou les services. Nous maintenons donc une certaine vigilance car nous craignons des conséquences dans les mois à venir. Pour preuve, au premier trimestre 2023, le tribunal de commerce de Béziers - mais c'est le cas dans les autres tribunaux de France - a enregistré une augmentation de 40% des injonctions de paiement, ce qui est une préfiguration à des dépôts de bilan qui pourraient arriver par la suite... Il y aura de la casse d'ici la fin de l'année, c'est inévitable. D'autant que certaines entreprises sont aujourd'hui dans l'incapacité de rembourser le PGE. Les secteurs les plus fragilisés sont la restauration, le BTP et toutes les entreprises qui étaient déjà en difficulté avant le Covid.

Sur le volet de l'emploi, le territoire connaît-il des difficultés pour recruter, comme c'est le cas un peu partout en France ?

J'observe deux phénomènes. Un phénomène de fond qui a été accéléré par le Covid sur le changement du rapport au travail, et la quête de sens dans le travail est le plus marquant. Et un phénomène post-Covid généré par les PGE qui, en soutenant les entreprises, ont pérennisé des emplois qui auraient peut-être disparu et qui, aujourd'hui, font que des candidats ne sont pas sur le marché du travail. Tous les secteurs sont affectés. Le Biterrois est marqué par un fort taux d'emplois saisonniers et c'est compliqué car les actifs se sont réorientés vers d'autres métiers et qu'il est difficile d'en faire venir de nouveaux en raison de réticences à travailler en horaires décalées la nuit ou le week-end... Mais je ne crois pas que les jeunes ne veuillent plus travailler, comme ça se dit beaucoup. Les candidats à l'emploi sont dans un rapport de force favorable et ils en profitent, c'est compréhensible. Mais attention, les entreprises sont amenées à faire des propositions toujours plus attractives, avec le risque que ça affecte leur productivité et leurs performances.

Justement, la disponibilité des compétences en réponse aux besoins des entreprises est un enjeu fort. Voyez-vous des signaux positifs allant dans ce sens sur le territoire de Béziers ?

Ce souci des compétences est au cœur des débats. L'ouverture d'une nouvelle licence professionnelle Robotique et intelligence artificielle à l'IUT de Béziers est un signal fort pour accompagner le développement de Genvia (future gigafactory de fabrication d'électrolyseurs pour la production d'hydrogène décarboné, NDLR). On le dit peu et ça ne se sait pas, mais il existe 70 formations d'enseignement supérieur sur le Biterrois ! Et la CCI est en train de mettre en place une formation maintenance industrielle. Certes, une école d'ingénieur serait une bonne nouvelle et j'espère qu'il y a des velléités dans ce sens... Car il ne faut pas se leurrer : l'industrie de demain s'implantera là où il y a des compétences. Nouvelle technologie n'est pas synonyme de destruction d'emploi. Mais ça passera par la formation, donc le territoire biterrois a besoin de plus de formations. J'en appelle à tous les organismes de formation qui voudraient s'implanter ici, sur l'industrie mais pas uniquement. Béziers a besoin de garder ses jeunes et nos entreprises aussi.

Le territoire biterrois ne souffre-t-il pas encore d'un déficit d'attractivité ?

Béziers est en train de changer sa carte postale dans le bon sens ! Action Logement est un acteur important du financement du logement dans le centre ville de Béziers, du logement de qualité et à prix attractifs. Là où on pêche encore, c'est sur l'absence d'une vie étudiante attractive qui correspondrait aux attentes des jeunes. Parce que c'est bien d'avoir de beaux diplômes mais il faut les remplir.

En septembre 2022, a été lancé EDEN (Ecosystème Durable et Energies Naturelles), un comité dont la vocation est d'embarquer tout l'écosystème biterrois associé à la dynamique industrielle de Genvia. Que s'est-il passé depuis ?

Béziers fonde beaucoup d'espoir autour d'EDEN, qui colle à la vision du Medef sur la transition énergétique qui doit se faire par l'innovation, la technologie, les ingénieurs. Notre territoire devrait connaître, dans les dix prochaines années, une évolution positive en termes d'industrie et d'emploi. Genvia va irriguer tout un territoire et lui donner un nouvel essor. Et Béziers revendique ce besoin d'exister ! L'écosystème se réunit de manière régulière et les choses bougent, mais sur les questions de foncier par exemple, ce n'est pas au Medef de se prononcer...

En juin 2021, c'est son agence de développement économique que lançait l'Agglomération de Béziers : en voyez-vous les effets ?

Elle est active mais dans un contexte compliqué. L'enjeu est surtout sur les terrains disponibles, dans un contexte de zéro artificialisation nette (ZAN, ndlr). On ne peut pas viabiliser des terrains à la demande. Or si on veut réindustrialiser la France, il faut des compétences mais aussi du foncier. Le choix de l'agglomération, soutenu par le Medef, est de donner la priorité au projet Genvia, même si on permet à la plupart des acteurs biterrois de trouver des réponses à leurs projets.

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Le débat sur les retraites a beaucoup mobilisé ces derniers mois. Comment percevez-vous les choses ?

Objectivement, personne ne va se réjouir de travailler deux ans de plus ! Au Medef, on va aussi se poser la question de faire travailler les gens deux ans de plus... Mais il me semble que le débat sur cette réforme, dure mais nécessaire, a manqué de nuances : on n'a pas suffisamment dit que cette réforme permettra à 40% des actifs de partir avant 64 ans. La vraie question, c'est comment faire en sorte que ces 40% qui partent avant 64 ans soient bien les salariés qui font des métiers pénibles, en en horaires décalées et les premières lignes... Je prépare un manifeste sur le rapport au travail aujourd'hui et à horizon 2030, que je présenterai le 12 juillet prochain à mes pairs de la région. Je m'interroge notamment sur la semaine de quatre jours, dont on parle beaucoup : il me semble qu'on devrait la proposer aux séniors ou aux travailleurs physiques plutôt qu'aux jeunes ou aux informaticiens !

Des débats montent également autour du partage de la valeur travail...

Il existe déjà beaucoup de dispositifs - intéressement, participation, prime Macron - mais  j'aurais aimé qu'on parle davantage de l'actionnariat salarié pour mieux impliquer nos collaborateurs. C'est plutôt répandu dans les startups, et encore peu dans les PME, mais de plus en plus d'entrepreneurs s'y intéressent. C'est encore signal faible, mais ça a de l'avenir... Le partage du bénéfice doit passer par le partage du risque. Le dividende salarié, ça n'existe pas, le dividende est forcément lié au risque ! J'aurais aimé un dispositif fiscal pour inciter les salariés à s'impliquer financièrement.

Cécile Chaigneau

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